Portraits de femmes (Selden)/Charlotte Lefèvre

G. Charpentier (p. 275-315).


CHARLOTTE LEFÈVRE




I


J’obtins mon prix de Rome en 1860. La veille de mon départ, comme je traversais le pont des Arts, je rencontrai Charlotte Lefèvre. C’était alors une grande fille brune, pâle, mince, qui avait de très-beaux yeux et ressemblait un peu à un garçon déguisé.

– « Je suis fâchée, dit-elle, de vous voir partir. Pas pour vous, mais pour moi. Ce Durue m’a mise de mauvaise humeur. Je suis capable de faire une sottise si personne ne m’arrête. »

Elle paraissait très-irritée contre le rédacteur Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/276 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/277 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/278 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/279 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/280 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/281 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/282 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/283 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/284 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/285 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/286 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/287 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/288 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/289 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/290 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/291 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/292 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/293 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/294 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/295 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/296 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/297 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/298 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/299 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/300 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/301 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/302 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/303 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/304 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/305 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/306 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/307 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/308 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/309 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/310 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/311 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/312 Page:Selden Camille - Portraits de femmes.djvu/313

Un frisson me saisit ; je compris qu’elle était perdue.

« – Ce n’est qu’une question de temps, reprit-elle, l’affaire de quelques jours. Il y a longtemps que je suis prise, mon pauvre ami. Mon mal date de loin. J’ai trop peiné, trop souffert. De telles émotions vous brisent, et pour y résister, il aurait fallu être une mauvaise femme. Et, tu le sais, je ne suis point une mauvaise femme. J’ai traîné longtemps, mais maintenant je sens que cela ira vite. Rassure-toi, je n’ai rien fait pour me tuer. Maintenant, le mal donné, j’avoue que je n’ai rien fait non plus pour l’arrêter. Crois-moi, cela valait mieux ainsi. Une fois qu’on se sépare, il n’est pas aisé de se rejoindre. Nous, pour nous rejoindre, il fallait revenir ici, à cette petite place où j’ai découvert que je t’aimais, et où je ne reviendrai probablement plus. Ne pleure pas. On ne mène pas les événements, les événements nous mènent. Je sais cela, je l’ai appris à mes dépens. Aussi je ne te fais aucun reproche. C’était à moi de partir. Un peu plus, je devenais pour toi un obstacle pour toute ta vie. Tu n’as pas l’énergie qu’il faut pour dominer les circonstances et t’imposer à ceux qui t’entourent. Il faut suivre la route ordinaire, te rendre heureux à ta manière. Moi partie, tu retrouveras ton talent, ta famille, ta fortune, tout ce que j’ai failli t’enlever… »

Elle s’arrêta, voyant qu’elle me brisait le cœur ; puis, ayant passé son bras sous le mien, elle se leva et regarda une dernière fois le petit tableau champêtre dans lequel le passé ressuscitait devant elle, peuplé de son cortége d’espérances menteuses. Elle vécut encore huit jours.