Poésies inédites (Marceline Desbordes-Valmore)/Le Rêve à deux

Pour les autres éditions de ce texte, voir Le rêve à deux.

Poésies inédites, Texte établi par Gustave RevilliodJules Fick (p. 256-257).


LE RÊVE À DEUX.


Entends-tu sonner l’heure
Qui t’appelait vers moi ?
On dirait qu’elle pleure
De me trouver sans toi.
Elle aimait à renaître
Sous nos chants amoureux.
C’était rêver peut-être :
Mais nous rêvions à deux.

D’une voix souveraine
Tout se laisse enchanter.
Tu soumettrais la reine
Qui t’entendrait chanter.
Dans ses ennuis sans trèves,
Cette dame aux longs yeux
Donnerait tous ses rêves
Pour notre rêve à deux.

Mais depuis que l’absence
Tourmente ma raison,

Mon âme est en démence,
Le monde est ma prison.
C’est la cage affligée
Où se heurtent mes vœux.
J’étais si protégée
Dans notre rêve à deux !

Hors de tes bras fidèles,
Froide à tous les accords,
La danse n’a plus d’ailes
Pour soulever mon corps.
À moi-même ravie,
Tout bien m’est douloureux,
Le jour même est sans vie
Après le rêve à deux.

Comme un orage emporte
Tous les oiseaux d’un bois,
Rien ne chante à ma porte
Où ne vient plus ta voix.
Ah ! si le ciel écoute
Les amants malheureux,
La douce mort sans doute
Sera le rêve à deux !