Poésies inédites (Marceline Desbordes-Valmore)/L’Esclave et l’oiseau

Pour les autres éditions de ce texte, voir L’esclave et l’oiseau.


L’ESCLAVE ET L’OISEAU.


Ouvre ton aile au vent, mon beau ramier sauvage !
Laisse à mes doigts brisés ton anneau d’esclavage.
Tu n’as que trop pleuré ton élément, l’amour ;
Sois heureux comme lui : sauve-toi sans retour !

Que tu montes la nue ou que tu rases l’onde,
Souviens-toi de l’esclave en traversant le monde.
L’esclave t’affranchit pour te rendre à l’amour :
Quitte-moi comme lui : sauve-toi sans retour !

Va retrouver dans l’air la volupté de vivre !
Va boire les baisers de Dieu qui te délivre !
Ruisselant de soleil et plongé dans l’amour,
Va-t-en ! va-t-en ! va-t-en ! sauve-toi sans retour !

Moi, je garde l’anneau ; je suis l’oiseau sans ailes.
Les tiennes vont aux cieux : mon âme est devant elles.
Va, je les sentirai frissonner dans l’amour ;
Mon ramier, sois béni ! Sauve-toi sans retour !


Va demander pardon pour les faiseurs de chaînes ;
En fuyant les bourreaux, laisse tomber les haines.
Va plus haut que la mort, emporté dans l’amour :
Sois clément comme lui… Sauve-toi sans retour !


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