Poésies diverses (Chateaubriand)/Ballade de l’Abencérage

VII.

BALLADE DE L’ABENCERAGE.


Le roi don Juan
Un jour chevauchant
Vit sur la montagne
Grenade d’Espagne ;
Il lui dit soudain :
Cité mignonne,
Mon cœur te donne
Avec ma main.

Je t’épouserai,
Puis apporterai

En dons à ta ville
Cordoue et Séville.
Superbes atours
Et perles fines
Je te destine
Pour nos amours.

Grenade répond :
Grand roi de Léon,
Au Maure liée,
Je suis mariée.
Garde tes présents :
J’ai pour parure
Riche ceinture
Et beaux enfants.

Ainsi tu disois ;
Ainsi tu mentois.
Ô mortelle injure !
Grenade est parjure !
Un chrétien maudit
D’Abencerage
Tient l’héritage :
C’étoit écrit !

Jamais le chameau
N’apporte au tombeau,
Près de la piscine,
L’haggi de Médine.
Un chrétien maudit
D’Abencerage
Tient l’héritage :
C’étoit écrit !

Ô bel Alhambra !
Ô palais d’Allah !
Cité des fontaines !
Fleuve aux vertes plaines !
Un chrétien maudit
D’Abencerage
Tient l’héritage :
C’étoit écrit !