Théophile Berquet, Libraire (p. 55-56).

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L’Oranger.

à madame ***.

La jeune Iris, en me donnant à vous,
M’a dit de vous conter pour elle
Tous les matins une douceur nouvelle.
Je lui promis ; mais, entre nous,
À d’aussi beaux yeux que les vôtres
S’amuse-t-on, Climène, à parler pour les autres ?
A-t-on besoin, près d’eux, du sentiment d’autrui ?
Ne fournissent-ils pas à quiconque en approche
Des troubles, des transports qui causent de l’ennui,
Grâce à certain morceau de roche
Dont la nature, par malheur,
Forma votre insensible cœur ?

Ces yeux doux et brillans font naître dans une âme,
À ce que chacun dit, le désordre et la flamme.
Hé ! comment ne feraient-ils pas
Chez messieurs les humains un dangereux fracas,
Puisqu’à travers de mon écorce
Je sens le pouvoir et la force
De leurs adorables appas ?
Ils font dans un moment ce que n’avait pu faire
L’ardeur du soleil en cinq mois.
Mille fleurs sur mon chef fleurissent à la fois
Par le seul désir de vous plaire.
On dit que ce n’est pas une petite affaire,
Et qu’on a vu plus d’un berger,
Jeune, bien fait, galant et tendre,
Inutilement y songer.
Malgré cela j’ose prétendre
À l’honneur de vous engager :
Fussiez-vous cent fois plus sévère,
Climène, on ne refuse guère
Les fleurettes d’un oranger.