Poésies de François Malherbe/« Ils s’en vont ces rois de ma vie »

CHANSON
sur le départ de la Vicomtesse d’Auchy[1].


1608.


Ils s’en vont ces rois de ma vie,
Ces yeux, ces beaux yeux,
Dont l’éclat fait pâlir d’envie
Ceux même des cieux.
Dieux, amis de l’innocence,
Qu’ai-je fait pour mériter
Les ennuis où cette absence
Me va précipiter ?

Elle s’en va, cette merveille
Pour qui, nuit et jour,
Quoi que la raison me conseille,
Je brûle d’amour.
Dieux, amis de l’innocence,
Qu’ai-je fait pour mériter
Les ennuis où cette absence
Me va précipiter ?

En quel effroi de solitude
Assez écarté
Mettrai-je mon inquiétude
En sa liberté ?
Dieux, amis de l’innocence,
Qu’ai-je fait pour mériter
Les ennuis où cette absence
Me va précipiter ?

Les af‍f‍ligés ont en leur peine
Recours à pleurer :
Mais quand mes yeux seroient fontaines,
Que puis-je espérer ?
Dieux, amis de l’innocence
Qu’ai-je fait pour mériter
Les ennuis où cette absence
Me va précipiter ?

  1. Charlene des Ursins. C’est la Caliste du troisième livre des Lettres de Malherbe. On a d’elle une Paraphrase sur l’Épitre de S. Paul aux Hébreux. Édit.