Poésies complètes (Le Goffic)/Couchant mystique

Poésies complètesLibrairie Plon (p. 113-114).


COUCHANT MYSTIQUE


À Jean Ajalbert.


 
On entendait chanter d’invisibles psallettes.
La mer montait. Des feux luisaient sur les coteaux.
À l’horizon, baigné de vapeurs violettes,
Le soir d’automne ouvrait ses yeux sacerdotaux.

Et raidis par l’extase à l’avant des bateaux,
Lougres au vol oblique et fines goélettes,
Les hommes d’Enez-Veur regardaient sur Men-Thos
Flamboyer dans le ciel d’étranges bandelettes.


Leurs bordages craquaient ; leurs filets étaient vides ;
Et, ployés tout le jour au bord des eaux livides,
Ils n’en avaient levé que de vains goémons.
 
Mais le soir frémissait sur leurs têtes heureuses.
Ils regardaient le ciel, la lumière et les monts
Et, sans parler, joignaient les mains sur leurs vareuses.