Poésies complètes (Le Goffic)/Épitaphe pour Lise Bellec


ÉPITAPHE POUR LISE BELLEC

La conteuse de « la Légende de la Mort »[1]



Approche — la fraîcheur de l’enclos t’y convie —
Et, sur ce marbre noir, épèle ce nom d’or :
Celle qui le portait, passant, fut dans la vie

La confidente de la Mort.

 
On eût dit qu’un reflet de l’Érèbe celtique
Tremblait dans son regard phosphorescent et doux.
Que n’as-tu pénétré sous son porche rustique

Et pu l’entendre comme nous !


Cette Parque en exil parmi nos paysannes
Eût fait passer en toi le frisson du divin…
Or, mêlée à son tour au peuple errant des mânes,

Elle n’est plus qu’un souffle vain.


Mais les graves devis qu’égrenait sa voix lente,
Ses légendes, ses chants, tout son verbe sacré,
Écho mystérieux de la Cité dolente,

Le meilleur d’elle est demeuré.


Cesse d’interroger une cendre muette :
Comme renaît la flamme en un autre flambeau,
Lise revit plus belle aux pages du poète

Qui lui dédia ce tombeau.
  1. Pièce lue le 10 août 1912, au cimetière de Penvénan, devant la tombe élevée par les soins d’Anatole Le Braz à sa conteuse préférée.