Poésies badines et facétieuses/Jupiter et Junon

JUPITER ET JUNON.


Jupiter s’ennuyait aux cieux ;
Il n’y voyait que des déesses.
Ô princes ! qui n’aimez qu’en dieux,
Vous baillez près de vos princesses !

En vain, il passait tous les ans
Des plus belles aux plus gentilles ;
Malgré leurs charmes séduisants,
n’était pour lui pâtés d’anguilles.

Toujours la reine du printemps ;
Toujours Vénus ; toujours l’Aurore ;
Hébé, vous étiez jeune encore,
Mais c’était depuis si longtemps.

Ah ! dans la céleste demeure
Il faut jouer la dignité ;
Ce ton lasse au premier quart d’heure.
Jugez durant l’éternité !

Il quitta les sempiternelles,
Et j’en aurais bien fait autant :
Il vint dans les bras de nos belles,
Et l’on n’est dieu qu’en l’imitant.

Junon, dans sa jalouse flamme,
Fit grand bruit de ses trahisons.
Elle avait tort par cent raisons :

D’abord, c’est qu’elle était sa femme ;
Puis elle avait de trop grands yeux ;
Je l’ai cent fois lu dans Homère.
Je crois, comme il était pieux,
Que du reste, il s’est voulu taire.

D’ailleurs, pourquoi tant querelle !
Quand le remède est si facile ?
En hommes, pour la consoler,
La terre était assez fertile.
Par gloire ou curiosité,
Qui n’eût pris part à sa tristesse ?
Le cœur s’enfle de vanité
Entre les bras d’une déesse.

Ma foi, pour cet honneur divin,
J’aurais passé sur l’agréable :
Changer Jupiter en Vulcain,
Est un exploit très-mémorable.

Je sais que cet époux coquet
N’était pas un époux commode ;
Le ton de Paris lui manquait :
Nous l’aurions mis à notre mode.

Contre Ixion, son fier courroux
Dégrade sa gloire immortelle ;
Ah ! le bonheur d’être infidèle
Ôte le droit d’être jaloux.