Poésies badines et facétieuses/Étymologie de l’Aze te foute

ÉTYMOLOGIE
DE
L’AZE TE FOUTE.

Un jour de foire de Châlons,
Colas s’en allait à la ville,
Monté sur le roi des ânons,
Animal soumis et docile,
Contre l’usage des grisons.
N’étant qu’au milieu de sa route,
Il fit rencontre de Catin,
Lasse, suant à grosse goutte,
Et faisant à pied le chemin.
La belle, voyant son voisin,
Qui s’en allait le vent en poupe,
Le conjure, par saint Martin,
De la laisser monter en croupe.
Un cœur aussi dur qu’un rocher
Se fût attendri pour la belle ;
Elle était fraîche, encor pucelle,
Et sa main pouvait s’accrocher
Parfois, au pommeau de la selle.
Mais ces menus droits des amants,
Que nous autres « honnêtes gens, »
Avons baptisés : petite oie,
Sont nommés par certains manants
Viande creuse et fausse monnoie.
De ces manants était Colas ;
Aussi n’en faisait-il grand cas.
Depuis longtemps, de la donzelle

Il avait pris ville et faubourgs ;
Mais elle défendait toujours
Avec vigueur la citadelle.
Le gars, en plus de vingt assauts,
Fut repoussé sur la verdure,
Non sans force coups de fuseaux,
Sans mainte et mainte égratignure.
Colas en avait le cœur gros ;
Aussi, tout sec, piquant sa bête :
« Néant. » — dit-il, à la requête.
Catin le flatte tendrement :
Le manant pousse fièrement.
Si l’une presse, l’autre chante.
Que faire en telle extrémité ?
Catin n’avait point d’Atalante
Les pieds ni la légèreté ;
Puis, c’était au cœur de l’été,
Peut-être dans la canicule ;
Colas gardait son quant à soi ;
Nécessité n’a point de loi ;
Enfin la belle capitule.
Arrêté fut : qu’à chaque pet
Que ferait messire baudet,
Maître Colas et la bergère
Sautant à bas, incontinent
Feraient un tour sur la fougère,
Sans se faire d’égratignure ;
Le tout, pour le soulagement
De l’arcadienne monture.
Le traité fait, la belle monte ;
Le drôle aussitôt du talon
Frappe le flanc de son grison

Maître baudet pète sans honte ;
Il savait par cœur sa leçon.
À cette espèce d’exercice,
Jadis l’avait dressé Colas
Pour certaine dame Thomas.
Martin avait fait son office,
Colas descend ; point de quartier.
Elle eut beau cent fois le prier ;
Il l’emporte, il sue, il travaille :
Et d’une sanglante bataille,
Il revient couvert de laurier.
Tous deux remontent ; la fillette
Rajuste mouchoir et cornette ;
Bientôt après, le villageois,
Tournant vers elle le minois,
Fut surpris de la voir plus belle.
Tout aussitôt, ardeur nouvelle,
Coups dans les flancs, et nouveau son
De la part du seigneur grison.
À la troisième pétarade,
Catin vous fait une gambade,
Tire Colas par ses habits,
Et lui montre un prochain taillis.
Ce bois lui donna l’estrapade ;
Il en revint pâle, défait,
Et jurant contre le baudet.
Il n’était au bout. La fillette
Talonne Martin, Martin pète.
Lors dit Catin : — N’entends-tu pas ?
— Quoi ? répond l’autre… — L’aze… écoute !…
— « Si l’aze pète, — dit Colas ;
« Par sanguié ! que l’aze te foute ! »