Poésies (Quarré)/Un Mariage

Poésies d’Antoinette QuarréLamarche ; Ledoyen (p. 243-252).




UN MARIAGE.




UN MARIAGE.



C’était par un beau soir de la saison des roses ;
On respirait l’amour sous des cieux étoilés,
Et le zéphyr, jouant dans les fleurs demi-closes,
Emportait nos accens à leurs parfums mêlés.

L’air était calme et doux à cette heure enchantée,
Dans les bras du sommeil reposait la douleur,

Et la vieille cité, tout le jour agitée,
Dormait ainsi qu’un homme épuisé de labeur.

Quand du temple, à nos yeux, la voûte s’illumine
Au milieu de la nuit pour la première fois ;
L’orgue joyeux prélude, et la cloche argentine
Dans les airs étonnés fait entendre sa voix.

C’était l’heure d’hymen pour un couple timide,
Pour des amans heureux dont le modeste amour
Fuyait la foule vaine et la pompe splendide
Qu’avec orgueil, souvent, on étale au grand jour.

Mais nous, dont la tendresse ignorée et profonde,
Comme une source aux flots purs et mystérieux,
Cherchait aussi la paix loin des sentiers du monde
Sous le regard des cieux,

Nous voulûmes les voir, et, pleins de sympathie
Pour le pudique amour de ces jeunes époux,
Saluer leur union légitime et bénie,
De nos vœux les plus doux.

Alors, d’un pas léger glissant comme deux ombres,
En souriant tous deux et nous donnant la main,
Nous franchîmes le seuil ; la nef aux arches sombres
Nous reçut dans son sein.

Le front pâle et charmant, de roses couronnée,
Baissant ses yeux où brille un céleste bonheur,
La vierge vers l’autel s’avance environnée
De grace et de pudeur.

Son bien-aimé la suit et se place auprès d’elle,
Ému, tremblant, charmé, ne pouvant croire encor

Que Dieu lui donne enfin d’une main paternelle
Ce ravissant trésor ;

Cette fleur de beauté, d’amour et d’innocence,
Dont nul n’a respiré le parfum virginal,
Éclose pour lui seul dans l’ombre et le silence,
Et qui va l’enivrer d’un bonheur sans égal.

Le prêtre les unit, sa voix grave et touchante,
Où la douceur s’allie à la sublimité,
À des livres divins la noblesse éloquente
Et la simplicité.

Et nos cœurs se fondaient à sa tendre parole,
Et des larmes d’amour s’épanchaient de nos yeux,
Et son front couronné d’une blanche auréole
Nous semblait radieux.

On eût dit du Seigneur la majesté paisible,
Dans sa joie ineffable et sa sérénité,
Sur les traits du vieillard se répandant, visible
À notre œil enchanté.

Et quand il demanda, moment doux et suprême,
Aux époux prosternés le serment solennel,
Avec le Oui sacré de ce couple qui s’aime,
Un autre non moins pur s’exhala vers l’autel.

Puis, tout rentra bientôt dans son calme nocturne,
La flamme s’éteignit, l’orgue cessa ses chants,
Et l’encensoir laissa sommeiller dans son urne
Les parfums de l’encens.

Vers son lit nuptial emportant l’épousée,
Un char qui l’attendait disparut à nos yeux,

Et seuls, le front baigné des pleurs de la rosée,
Nous restâmes errans sous la voûte des cieux ;

Mais le cœur palpitant d’espoir et de tendresse,
Riches d’un avenir aux jours longs et rians,
D’un passé sans remords, d’une belle jeunesse,
Rêves qui nous berçaient, heureux et confians.

Nos regards enivrés échangeaient des sourires,
Nos lèvres des baisers doux et purs à la fois,
Nos cœurs de saints transports, d’ineffables délires,
Et, pleins de volupté, des entretiens sans voix.

Dans cette extase enfin retrouvant la parole,
Pour m’assurer cent fois de sa fidélité,
Il me disait : « Toujours tu seras mon idole,
« Ta présence est ma vie et ma félicité.

« D’un amour innocent goûtant la chaste ivresse,
« À la face du ciel, je t’en prie à genoux,
« Reçois l’heureux serment que ma bouche t’adresse,
« De n’aimer que toi seule et d’être ton époux. »

C’était par un beau soir de la saison des roses ;
On respirait l’amour sous des cieux étoilés ;
Mais le zéphyr, jouant dans les fleurs demi-closes,
Emportait les sermens à leurs parfums mêlés.