Poésies (Quarré)/Ode à la Reine, sur la mort de la princesse Marie



ODE À LA REINE,


SUR LA MORT DE LA PRINCESSE MARIE.

La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles.




ODE À LA REINE.



« Quoi ! si jeune, ô mon Dieu ! tu l’avais condamnée !
« Rien n’a pu la sauver, rien n’a pu te fléchir ;
« De beauté, de talens, de vertus couronnée,
« À l’amour d’un époux ne l’avais-tu donnée
« Que pour la lui ravir ?


« Tous les noms d’ici-bas qui font chérir la vie,
« Les plus grands, les plus doux, composaient son bonheur ;
« De tendresse et d’espoir entourée et suivie,
« Comme un ange de plus, mon Dieu ! tu l’as choisie
« Sans pitié pour mon cœur ! »

Trône baigné de pleurs ! mère désespérée !
La France à vos douleurs répond en longs échos ;
Nos tribuns les plus fiers avec vous l’ont pleurée ;
Du pauvre consterné la voix triste et sacrée
S’est perdue en sanglots.

Un renom populaire entourait sa jeunesse,
Qui des arts jusqu’au trône éleva le labeur :
Ils s’énorgueillissaient d’un ciseau de princesse ;
Et le peuple, adoptant leur royale prêtresse,
L’aimait comme une sœur.


Les flambeaux d’Hyménée, à leur douce lumière,
Avaient de son bonheur vu consacrer les nœuds ;
Puis un gage d’amour, joie intime et dernière,
La faisant palpiter au nom chéri de mère,
Comblait enfin ses vœux.

Quand d’un si beau destin la fugitive aurore
Promettait de longs jours à son cœur enchanté,
La voilà pâle et froide, et moins vivante encore
Que ce marbre immortel dont sa main fit éclore
L’héroïque beauté.

Mais, cette œuvre à jamais illustrant sa mémoire,
Son nom du sombre oubli saura franchir l’écueil ;
Et, noble monument, beau d’une double gloire,
Jeanne fera rêver tour à tour de victoire,
De génie et de deuil.


Pleurez, princes ! pleurez à votre amour ravie
Une épouse, une sœur, un enfant adoré,
Et toi, Reine ! à genoux, comme une autre Marie
Devant son fils divin qu’on descendait sans vie
Au sépulcre sacré.

Mais, si du Rédempteur la mère inconsolée,
Après trois jours d’angoisse et de tourment cruel,
À ses douleurs au moins vit sa joie égalée,
Quand son fils triomphant, sorti du mausolée,
Reparut immortel ;

Dans la tombe où ta fille, hélas ! est descendue,
De même elle a trouvé son immortalité,
Ô Reine ! et de vos pleurs son ame encore émue
Est déjà dans les cieux, où Dieu l’a revêtue
D’éternelle beauté.


Mêlée aux purs esprits dont la foule environne,
Sur son trône éclatant, le Roi de l’univers,
De son chaste et beau front la brillante couronne
Est un reflet divin de ce front qui rayonne
Au milieu des éclairs.

Mais, au sein des splendeurs que son œil voit éclore,
Vers la terre incliné son regard suit vos pas,
Puis remonte pour vous vers ce Dieu qu’elle implore,
À jamais bienheureuse, et pourtant triste encore
Des adieux d’ici-bas.

Et, des Cieux entr’ouverts si vous sentez descendre
Un consolant espoir qui charme vos douleurs,
C’est elle dont la voix mélancolique et tendre
Aura prié là-haut le Seigneur de répandre
Ce baume dans vos cœurs.