Poésies (Quarré)/À M. le baron de Belloguet.

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DÉDICACE.




À M. le baron de Belloguet.



Au coin d’un vert bosquet, caché dans les charmilles,
Où vient rire et chanter l’essaim des jeunes filles,
Quand, pour se dérober aux feux brûlans du jour,
Elles cherchent le frais sous un ombreux séjour,
Un arbuste épineux, dédaigné, sans culture,
Et de sauvages fleurs doté par la nature,
Les voyait s’effeuiller au plus léger zéphir,
Sans qu’une main jamais songeât à les cueillir.

Mais un jour que, baigné des larmes de l’aurore,
Il levait au matin son front, amant de Flore
Le maître du jardin, passant sous ces bosquets,
Respira tout-à-coup son parfum doux et frais ;
Il lui trouva du charme, et non pas sans surprise ;
Mais, d’un subit amour sentant son ame éprise
Pour cet humble buisson, ce modeste églantier
Qui jetait ses parfums et ses fleurs au sentier :
« Ces pâles fleurs, dit-il, sur tes branches écloses,
« Grace à mes tendres soins vont devenir des roses. »
Et la greffe aussitôt, sous son habile main,
Se marie à la tige et pénètre en son sein ;
Il redresse et soutient les rameaux, puis enlève
Tous les jets superflus pour ménager la sève ;
Enfin, prix désiré de ses labeurs constans,
Ils ne furent pas vains, et le nouveau printemps

Vit l’arbuste, tout fier de sa métamorphose,
À son maître chéri présenter une rose.
Ainsi, de l’art des vers ignorant les leçons,
Quand ma voix modulait d’imparfaites chansons,
Tu daignas leur prêter une oreille attentive,
Et, surpris d’y trouver quelque grace naïve,
M’enseigner les secrets doux et mélodieux
Aux poètes, jadis, révèlés par les Dieux.
Oui, c’est toi dont l’accent, noble et plein d’éloquence,
Dispensant tour-à-tour le blâme ou l’indulgence,
Me faisait désirer, comme un heureux succès,
Un mot approbateur pour mes jeunes essais.
C’est toi qui, me guidant comme une enfant chérie
Qui s’égare au détour d’une route fleurie,
M’appris à distinguer l’or pur d’avec le faux,
Le sentiment réel de l’emphase des mots,

Et dont la voix sévère, accusant ma faiblesse,
De mon esprit souvent gourmanda la paresse,
Quand d’un tour prosaïque ou d’un sens incomplet,
Oubliant tes leçons, parfois il se servait.
Tu m’as tout enseigné, mes vers sont ton ouvrage,
Ô mon ami ! mon maître, acceptes-en l’hommage ;
Daigne, en père indulgent, leur faire un doux accueil ;
Si mon faible talent trouva plus d’un écueil,
Si je n’ai pas toujours, avec force élancée,
Aussi haut que la tienne élevé ma pensée,
Et du luth inspiré si la corde parfois
Impuissante ou rebelle a frémi sous mes doigts,
Excuse ces défauts, pardonne à la faiblesse
De mon sexe, timide, et fait pour la tendresse
Plus que pour les travaux nobles et sérieux
À l’homme grave et fier destinés par les cieux,