Poésies (Poncy)/Vol. 1/Coup de vent

PoésiesI (p. 159-160).
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COUP DE VENT



Comme autant de canons que la tempête braque,
Les flots sont dirigés sur la flotte qui craque.
Oh ! comme ils ont bondi sous le vent qui les traque ;
Comme ils vont s’élever, éphémères géants,
Dans les airs tourmentés que l’écume poudroie ;
Comme ils vont y mouvoir leur tête qui foudroie,
Et combien de vaisseaux vont, gigantesque proie,
Assouvir pour un jour la faim des océans !

Coup de vent ! Coup de vent ! L’œil peut à peine suivre
Le vol des bâtiments que l’éclair rouge cuivre ;
Mais on voit chanceler, comme un Polyphème ivre,
Ceux dont l’ancre a planté ses ongles dans le roc.

Les roches, des vaisseaux empalent la carcasse.
Le câble grince et crie, et se tend, et se casse.
La falaise au front noir, que la vague fracasse,
Semble, pâle d’effroi, reculer sous son choc.

Plus de voiles ! Partout le navire se troue.
Les mâts, rompus au pieu, sont couchés sur la proue.
Vainement le canon de détresse s’enroue :
L’œil de feu de l’éclair glace les dévouements.
À la gueule du flot nul n’arrache la proie
Que pétrit son écume et que son onde broie,
Et dont son flanc repu sur la rive renvoie
Les débris mutilés, comme des ossements.



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