Poésies de Marie de France (Roquefort)/Fable XXXVI
Poésies de Marie de France, Texte établi par B. de Roquefort, Chasseriau, , tome II (p. 182-184).
FABLE XXXVI.
D’uns Singe dist qui demanda
A un Worpil qu’il encuntra
Que de sa keuwe li prestast
Se li pléust, ou l’en donast[2].
Avis li fu que trop l’ot grant
Car tuz sount couwé si enffant[3].
Li Werpis demande ke doit,
Que sa coë li requeroit.
Li Singes dist, ce m’est avis
Ne vus en iert niant de pris[4] ;
Se m’en vulez uns pou donner,
Car el vus nuist à tost aler.
Dist li Gorpis ne vus en caut[5]
Ceste requeste po vuz waut
Jà de me keue ki ert granz
Ne honurerez vos effanz,
En autre regne, n’autre gent[6].
Jel’ vus di bien apertement[7]
Mès k’ele fust de tel afaire
Qe jeo ne la peusse retrère[8].
Cest essemple pur ce vus di[9]
De l’aver Hume est autresi ;
Se il a plus qu’à lui n’estuet[10],
Nel’ vieut sufrir car il ne puet
Q’altres en ait aëse n’onur,
Mix l’aime à perdre chascun jur.
- ↑ La Fontaine, liv. V, fab. v. Le Renard qui a la queue
coupée.
AEsop., fab. vii.
Phædr. append. Burm., fab. xxii.
Rom. Nilant., lib. III, f. xxxvi. Simius et Vulpes.
Anon. Nilant., fab. xlvi.
- ↑ On lui en donnât si cela lui plaisoit.
- ↑ Car vous savez qu’ils ont des queues dès leur plus tendre enfance.
- ↑ Elle ne peut être d’aucun prix pour vous, et vous devez d’autant plus m’en donner une partie que cette queue vous gêne dans votre marche.
- ↑ Ne vous inquiétez pas, ne prenez pas tant de soins. Du verbe caloir (calere).
- ↑ Soit dans un pays, soit dans un antre.
- ↑ Franchement, ouvertement, apertè.
- ↑ Abandonner, retirer.
- ↑ Par cet exemple, je vous montre qu’il en est ainsi de l’homme avare.
- ↑ S’il a plus qu’il ne lui convient, qu’il lui est nécessaire.