Poésies (Deubel)/11
Le Beffroi, (p. 47-48).
Ô MUSE !…
Ô Muse ! dont la tempe est ceinte d’un laurier,
Quand la tristesse incline à mon front ses mélèzes,
Si ta flamme s’allume aux plus hautes falaises
Jusqu’où monte en boitant mon orgueil foudroyé ;
Si debout sur l’amas des grands siècles broyés,
Jumelle de l’Été qui croule en rouges braises
Ta farouche splendeur me pénètre et m’apaise,
Et présage l’étoile au front des Envoyés ;
Ne crains-tu pas celui que le mal désenchante,
Aveugle à ce qui brille et sourd à ce qui chante
Dont la vie est semblable à quelque morne grève
Et qui, dans le jour vaste et multiple qui luit,
Trahi par la chimère en fuite de son rêve
Sanglote vers l’étroite unité de la nuit ?