Poésies (Desbordes-Valmore, 1822)/Le Pasteur

Théophile Grandin (p. 203-204).

LE PASTEUR.

IMITÉ DE GOUDELIN.

À l'heure où s’éteignait le chant de l’alouette,
À cette heure tranquille où, sous leurs frais abris,
Les oiseaux gazouillaient de moisson, d’amourette,
Que les ailes d’un songe enveloppaient Lyris ;
Quand la Nuit, pâle encor, d’étoiles couronnée,
Prenait timidement sa course dans les cieux ;
Quand la rose d’un jour, languissante et fanée,
Exhalait en mourant ses parfums précieux ;
Quand d’une journée orageuse
La nature se reposait,
Pour s’éveiller plus belle et plus heureuse,
Lyris dormait comme elle, et le pasteur disait :

« À cette heure où tout brûle, où je meurs, la cruelle
» A fermé ses beaux yeux qui m’ont fait tant de mal.
» Lorsque j’entends couler le limpide cristal
» Du ruisseau qu’en hiver j’ai vu glacé comme elle,
» Farouche avec l’amour, elle rit au sommeil :
» Il règne seul sur elle, il la berce, il l’embrasse.

» Oh ! dans tes bras charmans si j’obtenais sa place,
» Lyris, tu ne pourrais m’en chasser au réveil !
» Un doux étonnement, une amoureuse flamme
» Enchaînerait ta force et vaincrait ta rigueur ;
» Et mon âme, en passant pour aller à ton âme,
» Échaufferait la neige où s’enferme ton cœur. »