Poésies (Desbordes-Valmore, 1822)/À la Nuit

Théophile Grandin (p. 167-168).

À LA NUIT.

Douce nuit, ton charme paisible
Du malheureux suspend les pleurs.
Nul mortel n’est insensible
À tes bienfaisantes erreurs.
Souvent dans un cœur rebelle
Tu fais naître les désirs ;
Et l’amour tendre et fidèle
Te doit ses plus doux plaisirs.

Tu sais par un riant mensonge
Calmer un amant agité,
Et le consoler en songe,
D’une triste réalité.
Ô Nuit ! pour la douleur sombre,
Et pour le plaisir d’amour,
On doit préférer ton ombre
À l’éclat du plus beau jour.

Comme dans le sein d’une amie
On aime à verser sa douleur,
C’est à toi que je confie
Les premiers soupirs de mon cœur.

Cache-moi, s’il est possible,
L’objet de mon tendre effroi :
Comme moi s’il est sensible,
Qu’il soit discret comme toi.