Poésies (Amélie Gex)/Réveil

Claude-Paul Ménard Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 69-71).

RÉVEIL

PAYSAGE


Le matin rit sous la tonnelle
Où les linots ont fait leurs nids,
Et dans les bois encore brunis
Zéphir chante une villanelle ;
Compagnon doux et familier
        De l’écolier,
Sur l’aubépine en sentinelle,
Le merle entonne, ex-professo,
        D’un allegro
        La ritournelle.

        Hibou, chouette
        Sont tous reclus ;
        Chez l’alouette
        On ne dort plus.
        La poule glousse
        Dans le courtil,
        Tout se trémousse :
        L’herbe et la mousse
        Causent d’avril.

        Voix forte ou frêle,
        Rire et bruit d’aile,
        Tout entremêle
        Son gai babil !…

Dans le val, sous leur robe grise,
Tremblent les frêles peupliers ;
On voit courir les chevriers
Parmi les buissons de cytise…
Quittant sa toque de brouillard,
        D’un air gaillard,
Soleil frappe au volet de Lise ;
La belle, en simple cotillon,
        Ouvre au rayon
        Qui la courtise.

        Filant plus vite
        Que le boulet,
        Le lièvre quitte
        Le serpolet ;
        La peur talonne
        Le fugitif,
        Qu’on lui pardonne
        Le cor entonne,
        Sous le massif,
        Galop de chasse,
        Sombre menace
        Qui serre et glace
        Son cœur craintif.


On entend gronder la fermière
Qui déjà rôde en sa maison ;
Le troupeau, sautant la cloison,
Va faire école buissonnière…
Le berger, suivi de son chien,
        Vaillant soutien,
Court après la gent moutonnière
Qui, narguant le fouet et la dent,
        S’en va tondant
        La luzernière.

        Voix nonchalante
        Monte du lac ;
        Le passeur chante
        Guidant son bac ;
        Canards sauvages,
        À leur réveil,
        Dans les herbages,
        Le long des plages,
        Tiennent conseil ;
        Souple et changeante,
        La vague lente
        Semble, indolente,
        Rire au soleil !…