Poésies (Amélie Gex)/Pourquoi, mon Dieu, quand je te prie

Claude-Paul Ménard Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 55-57).

VI.


Pourquoi, mon Dieu, quand je te prie,
              Me laisses-tu
Seul et chétif, l’âme assombrie,
              Des vents battu,

Marcher toujours dans cette route
              Où chaque pas,
Malgré tous les pleurs qu’il nous coûte,
              Mène au trépas ?

Tu donnes aux fleurs la rosée,
              L’air à l’oiseau,

Et l’homme, hélas ! tige brisée,
              Fréle roseau,

N’a que la mort pour espérance !
              Jusqu’au cercueil
Il va dans l’ombre et l’ignorance
              Traînant son deuil…


Pourquoi laisser ta créature
              Trembler d’effroi ?
Le doute est-il une torture
              Digne de Toi ?…

Partout, partout sur cette terre
              Je t’ai cherché !
Ton temple a vu sur chaque pierre
              Mon front penché…

Partout, en vain je te réclame,
              Seigneur, mon Dieu !
J’entre parfois, l’espoir dans l’âme,
              En ton saint lieu…

Près d’un berceau, souvent je tombe
              À deux genoux,
Et je dis aux morts dans la tombe :
              « Le voyez-vous ? »

Hélas ! nulle parole humaine
              Ne me répond,
Et ma voix monte, toujours vaine,
              Au Ciel profond !

Pourtant, mon Dieu, je te désire,
              Comme le jour
Du soleil attend le sourire
              Et le retour.


Sans te voir, de Toi je m’enivre !
              Mon triste cœur
En lui, toujours sent battre et vivre
              L’amour vainqueur !

Je dis à la cloche qui tinte,
              Je dis au vent :
« Portez, portez ma faible plainte
              « Au Dieu vivant ! »

Au parfum qui monte en la nue,
              Soupir des fleurs,
Je dis « Sur sa voie inconnue
              « Porte mes pleurs ! »

La nuit me voit, sous ses longs voiles
              Sondant l’éther,
Chercher au-delà des étoiles
              Ton regard clair.

Quand tu prodigues ta lumière
              À l’astre d’or,
Pourquoi faut-il que ma paupière
              Te cherche encor ?…

Et quand à l’oiseau tu révèles
              Ton doux appui,
Pourquoi, Seigneur, n’ai-je pas d’ailes
              Tout comme lui ?…