Poésies (Amélie Gex)/Pourquoi, mon Dieu, quand je te prie
Pourquoi, mon Dieu, quand je te prie,
Me laisses-tu
Seul et chétif, l’âme assombrie,
Des vents battu,
Marcher toujours dans cette route
Où chaque pas,
Malgré tous les pleurs qu’il nous coûte,
Mène au trépas ?
Tu donnes aux fleurs la rosée,
L’air à l’oiseau,
Et l’homme, hélas ! tige brisée,
Fréle roseau,
N’a que la mort pour espérance !
Jusqu’au cercueil
Il va dans l’ombre et l’ignorance
Traînant son deuil…
Pourquoi laisser ta créature
Trembler d’effroi ?
Le doute est-il une torture
Digne de Toi ?…
Partout, partout sur cette terre
Je t’ai cherché !
Ton temple a vu sur chaque pierre
Mon front penché…
Partout, en vain je te réclame,
Seigneur, mon Dieu !
J’entre parfois, l’espoir dans l’âme,
En ton saint lieu…
Près d’un berceau, souvent je tombe
À deux genoux,
Et je dis aux morts dans la tombe :
« Le voyez-vous ? »
Hélas ! nulle parole humaine
Ne me répond,
Et ma voix monte, toujours vaine,
Au Ciel profond !
Pourtant, mon Dieu, je te désire,
Comme le jour
Du soleil attend le sourire
Et le retour.
Sans te voir, de Toi je m’enivre !
Mon triste cœur
En lui, toujours sent battre et vivre
L’amour vainqueur !
Je dis à la cloche qui tinte,
Je dis au vent :
« Portez, portez ma faible plainte
« Au Dieu vivant ! »
Au parfum qui monte en la nue,
Soupir des fleurs,
Je dis « Sur sa voie inconnue
« Porte mes pleurs ! »
La nuit me voit, sous ses longs voiles
Sondant l’éther,
Chercher au-delà des étoiles
Ton regard clair.
Quand tu prodigues ta lumière
À l’astre d’or,
Pourquoi faut-il que ma paupière
Te cherche encor ?…
Et quand à l’oiseau tu révèles
Ton doux appui,
Pourquoi, Seigneur, n’ai-je pas d’ailes
Tout comme lui ?…