Poésies (Amélie Gex)/L’Arbre du Cimetière
L’ARBRE DU CIMETIÈRE.
Près du mur écroulé, longeant le cimetière,
Il est un chemin creux que le soir rend désert ;
Et sur l’un de ses bords, comme un vieux solitaire,
Vit un peuplier vert.
L’arbre croit ; chaque année, allongeant sa ramure,
Son ombre s’agrandit sur le funèbre enclos,
Et les morts, à l’abri sous sa frêle verdure,
Goûtent mieux leur repos…
Quand la brise, en passant à travers le feuillage,
Module doucement d’indicibles accords,
Le passant croit ouïr, dans son triste langage,
L’arbre parler aux morts :
Dormez ! reposez-vous dans vos couches d’argile,
Enfant que Dieu reprit au milieu de ses jeux,
Jeune homme au cœur vaillant, vierge au regard tranquille,
Vieillard aux blancs cheveux…
« Dormez pendant qu’au loin rugissent les tempêtes,
Que le flot des humains s’écoule dans la nuit,
Que le grillon caché dans l’herbe sur vos têtes
Bourdonne à petit bruit…
« Le printemps sur vos fronts épanouit la rose ;
Zéphir vient soupirer sous vos ombrages frais ;
L’oiseau chante en veillant sur la branche où repose
Son nid dans le cyprès…
« Et moi, l’humble témoin d’un passé qui s’oublie,
Vieillissant près de vous, ô mes chers bien-aimés,
Je suis fier d’abriter sous une branche amie
La place où vous dormez !…
Puis quand l’automne vient, au souffle noir des brises,
Le peuplier jaunit, et frissonnant encor,
Secouant ses rameaux, couvre les tombes grises
Avec ses feuilles d’or !