Poésies (Amélie Gex)/L’Arbre du Cimetière

Claude-Paul Ménard Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 113-114).

L’ARBRE DU CIMETIÈRE.



Près du mur écroulé, longeant le cimetière,
Il est un chemin creux que le soir rend désert ;
Et sur l’un de ses bords, comme un vieux solitaire,
                Vit un peuplier vert.

L’arbre croit ; chaque année, allongeant sa ramure,
Son ombre s’agrandit sur le funèbre enclos,
Et les morts, à l’abri sous sa frêle verdure,
                Goûtent mieux leur repos…

Quand la brise, en passant à travers le feuillage,
Module doucement d’indicibles accords,
Le passant croit ouïr, dans son triste langage,
                L’arbre parler aux morts :

Dormez ! reposez-vous dans vos couches d’argile,
Enfant que Dieu reprit au milieu de ses jeux,
Jeune homme au cœur vaillant, vierge au regard tranquille,
                Vieillard aux blancs cheveux…


« Dormez pendant qu’au loin rugissent les tempêtes,
Que le flot des humains s’écoule dans la nuit,
Que le grillon caché dans l’herbe sur vos têtes
                Bourdonne à petit bruit…

« Le printemps sur vos fronts épanouit la rose ;
Zéphir vient soupirer sous vos ombrages frais ;
L’oiseau chante en veillant sur la branche où repose
                Son nid dans le cyprès…

« Et moi, l’humble témoin d’un passé qui s’oublie,
Vieillissant près de vous, ô mes chers bien-aimés,
Je suis fier d’abriter sous une branche amie
                La place où vous dormez !…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Puis quand l’automne vient, au souffle noir des brises,
Le peuplier jaunit, et frissonnant encor,
Secouant ses rameaux, couvre les tombes grises
                Avec ses feuilles d’or !