Poésies (Amélie Gex)/Jeunes Amours

Claude-Paul Ménard Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 132-133).

JEUNES AMOURS.



Au temps de mes jeunes amours,
Quand j’adorais Blanche ou Rosine,
J’allais faisant de longs discours
À l’hirondelle ma voisine ;
J’évoquais la nymphe et l’ondine ;
Aux étoiles j’avais recours,
Au temps de mes jeunes amours.

Je connaissais tous les détours
Et les sentiers de la colline ;
Je hantais les noirs carrefours
Que le soir la lune illumine ;
J’allais chantant sur la ravine
Les vieux tensons des troubadours,
Au temps de mes jeunes amours.

Pour procurer de frais atours
À Marinette la blondine,
À l’aube, j’allais tous les jours,
Dans les bois, chercher l’églantine ;
Mes doigts rencontraient une épine,
Mais mon cœur souriait toujours
Au temps de mes jeunes amours.

Ô pleurs versés, chagrins trop courts,
Flamme dont l’âme se calcine,
Fantômes après qui je cours,
Que votre perte me chagrine !…
Malgré moi, mon rêve s’obstine,
Parfois j’ai de soudains retours
Au temps de mes jeunes amours !…

Las ! le chemin que je parcours
Se couvre d’ombre et de bruine…
Adieu les grands yeux de velours !
Adieu la lèvre purpurine !
La mort est là qui tambourine…
Comme à ses coups nous restions sourds
Au temps de nos jeunes amours !…