Poésies (Amélie Gex)/Janvier. Il neige !

Claude-Paul Ménard Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 7-9).

JANVIER


IL NEIGE !

I

 
Il neige ! il neige ! — On voit sortir,
Malgré le froid et la rafale,
Les écoliers qui vont bâtir
Palais royal et cathédrale.
Voyez passer, leste et fiévreux,
          Tout le collége ;
On court, on crie, on est heureux !
          Il neige ! il neige !

Il neige il neige ! Au coin du feu
La soupe attend, la table est mise ;
On boit pour s’échauffer un peu,
Pour se distraire l’on se grise…
En hiver, quel est le repas
          Que l’on abrége ?
Le temps, d’ailleurs, ne presse pas :
          Il neige ! il neige !


Il neige ! il neige ! — Au Casino
Masques joyeux s’en vont par bande ;
Pierrot criard et domino
Des baisers font la contrebande !
Et les cochers, du haut en bas,
          Sur leur grand siége,
Sont vraiment poudrés à frimas ;
          Il neige ! il neige !

II


Il neige il neige ! — Ô voyageur,
Loin devant toi la route est blanche :
Vois ! sur les monts, le vent rageur
Fait crouler la lourde avalanche ;
Il faut veiller, car un vieux loup
          Te fait cortége…
Dans le sentier reste debout !
          Il neige ! il neige !

Il neige ! il neige ! — Oh ! qu’ils ont froid
Les petits gars dans la chaumière,
L’ouvrière en son bouge étroit,
Sans feu, sans pain et sans lumière…
Les tristes cœurs !… aucun espoir
          Ne les allége !
L’hiver est long et, chaque soir,
          Il neige ! il neige !


Il neige ! il neige ! ― On ne voit plus
Sur les morts la croix de bois sombre ;
Dormez, dormez, pauvres reclus !…
Moins que nous vous souffrez de l’ombre !
Le sommeil qui fait oublier,
          Morts, vous protége !
Dormez ! sur votre ancien foyer
          Il neige ! il neige !