Poésies (1820)/Élégies/Le Billet

PoésiesFrançois Louis (p. 53-54).


LE BILLET.


Message inattendu, cache-toi sur mon cœur !
Cache-toi ! je n’ose te lire.
Tu m’apportes l’espoir ; ne fût-il qu’un délire,
Je te devrai du moins l’ombre de mon bonheur !
Prolonge dans mon sein ma tendre inquiétude ;
Je désire à la fois et crains la vérité :
On souffre de l’incertitude,
On meurt de la réalité !

Recevoir un billet du volage qu’on aime,
C’est presque le revoir lui-même.
En te pressant, j’ai cru presser sa main ;
En te baignant de pleurs, j’ai pleuré sur son sein ;
Et si le repentir y parle en traits de flamme,
En lisant cet écrit je lirai dans son âme.
J’entendrai le serment qu’il a fait tant de fois,
Et j’y reconnaîtrai jusqu’au son de sa voix !
Sous cette enveloppe fragile
L’Amour a renfermé mon sort…
Ah ! le courage est difficile,
Quand on attend d’un mot ou la vie ou la mort !

Mystérieux cachet, qui m’offres sa devise,
En te brisant, rassure-moi !
Non, le détour cruel d’une affreuse surprise
Ne peut être scellé par toi !
Au temps de nos amours, je t’ai choisi moi-même ;
Tu servis les aveux d’une timide ardeur ;
Et sous le plus touchant emblème
Je vais voir le bonheur !…

Mais, si tu dois détruire un espoir que j’adore ;
Amour, de ce billet détourne ton flambeau !
Par pitié, sur mes yeux attache ton bandeau,
Et laisse-moi douter quelques momens encore !