Poésies (1820)/Élégies/À Délie (1)

PoésiesFrançois Louis (p. 75-76).


À DÉLIE.


I.


Par un badinage enchanteur,
Vous aussi, vous m’avez trompée !
Vous m’avez fait embrasser une erreur ;
Légère comme vous, elle s’est échappée.
Pour me guérir du mal qu’Amour m’a fait,
Vous avez abusé de votre esprit aimable ;
Et je vous trouverais coupable,
Si je pouvais en vous trouver rien d’imparfait.

Je l’ai vu cet amant si discret et si tendre ;
J’ai suivi son maintien, son silence, sa voix…
Ai-je pu m’abuser sur l’objet de son choix ?
Ses regards vous parlaient, et j’ai su les entendre.
Mon cœur est éclairé, mais il n’est point jaloux.
J’ai lu ces vers charmans où son âme respire ;
C’est l’Amour qui l’inspire,
Et l’inspire pour vous !
Pour vous aussi je veux être la même ;
Non, vous n’inspirez pas un sentiment léger :

Que ce soit d’amitié, d’amour, que l’on vous aime
Le cœur qui vous aima ne peut jamais changer.

Laissez-moi ma mélancolie ;
Je la préfère à l’ivresse d’un jour :
On peut rire avec la Folie,
Mais il n’est pas prudent de rire avec l’Amour.
Laissez-moi fuir un danger plein de charmes ;
Ne m’offrez plus un cœur qui n’est qu’à vous :
Le badinage le plus doux
Finit quelquefois par des larmes…
Mais je n’ai rien perdu, la tranquille Amitié
Redeviendra bientôt le charme de ma vie ;
Je renonce à l’amant, et je garde une amie ;
C’est du bonheur la plus douce moitié.