Poésies érotiques (Parny)/25 — À un ami


À UN AMI
trahi par sa Maîtresse.


Quoi, tu gémis d’une inconstance ;
Tu pleures, nouveau Céladon ?
Ah ! le trouble de ta raison
Fait honte à ton expérience.
Es-tu donc assez imprudent
Pour vouloir fixer une femme ?
Trop simple et trop crédule Amant,
Quelle erreur aveugle ton âme ?
Tu fixerois plus aisément
Le soufle du Zéphir volage,
Les flots agités par l’orage,
Et l’or ondoyant des moissons,
Quand les rapides aquilons,
Glissant du sommet des montagnes

Sur les richesses des vallons,
Sifflent en rasant les campagnes.

    Elle t’aimoit de bonne foi,
Mais pouvoit-elle aimer sans cesse ?
Un rival obtient sa tendresse ;
Un autre l’avoit avant toi ;
Et dès demain, je le parie,
Un troisième plus insensé
Remplacera dans sa folie
L’imprudent qui t’a remplacé.

    Il faut dans les jeux de Cythère
À fripon, fripon et demi ;
Trahis pour n’être point trahi ;
Préviens même la plus légère ;
Que ta tendresse passagère
S’arrête où commence l’ennui ;

Donne tes sens, retiens ton ame.
Tout s’use, tout finit un jour ;
L’amour doit finir à son tour,
Et sur-tout un amour de femme.