Poésies érotiques (Parny)/23 — À M. de F.

Poésies érotiquesIsle de Bourbon (p. 43-44).


À M. DE F.


Corrigé par tes beaux discours
J’avois résolu d’être sage,
Et dans un accès de courage
Je congédiois les amours
Et les chimères du bel âge.
La nuit vint ; un profond sommeil
Ferma mes paupières tranquilles ;
Tous mes songes étoient faciles ;
Je ne craignois point le réveil.
Mais quand l’aurore impatiente,
Blanchissant l’ombre de la nuit,
À la nature renaissante
Annonça le jour qui la suit :
L’amour vint s’offrir à ma vue ;
Le sourire le plus charmant
Erroit sur sa bouche ingénue ;

Je le reconnus aisément.
Il s’approcha de mon oreille ;
Tu dors, me dit-il doucement,
Et tandis que ton cœur sommeille,
L’heure s’écoule incessamment.
Ici bas tout se renouvelle,
L’homme seul vieillit sans retour ;
Son existence n’est qu’un jour
Suivi d’une nuit éternelle,
Mais encor trop long sans amour.

    À ces mots j’ouvris la paupière ;
Adieu sagesse, adieu projets ;
Revenez, enfans de Cythère,
Je suis plus foible que jamais.