Poèmes saturniens (1866)/Effet de nuit

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Poèmes saturniensLemerre (p. 38-39).
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IV

EFFET DE NUIT



La nuit. La pluie. Un ciel blafard que déchiquette
De flèches et de tours à jour la silhouette
D’une ville gothique éteinte au lointain gris.
La plaine. Un gibet plein de pendus rabougris

Secoués par le bec avide des corneilles
Et dansant dans l’air noir des gigues nonpareilles,
Tandis que leurs pieds sont la pâture des loups.
Quelques buissons d’épine épars, et quelques houx
Dressant l’horreur de leur feuillage à droite, à gauche,
Sur le fuligineux fouillis d’un fond d’ébauche.
Et puis, autour de trois livides prisonniers
Qui vont pieds nus, deux cent vingt-cinq pertuisaniers
En marche, et leurs fers droits, comme des fers de herse,
Luisent à contre-sens des lances de l’averse.