Poèmes inédits de François Coppée

Poèmes inédits de François Coppée
Revue des Deux Mondes, 6e périodetome 2 (p. 150-162).
POÈMES INÉDITS
DE
FRANÇOIS COPPÉE


LA RUINE[1]


En Grèce, j’ai trouvé, parmi les noirs érables
Et les lauriers profonds, dans un bois consacré,
Caché par les buissons les plus impénétrables,
Un vieux temple de Pan, en ruine, ignoré.

Pas un sentier ne mène à ces choses tombées,
Et quand vous allez là, par un instinct poussé,
Les branchés devant vous par votre main courbées
Referment le chemin où vous êtes passé.

Sur les blancs chapiteaux et les feuilles d’acanthe
Son fronton se dressait jadis dans les azurs ;
Et sur ses bas-reliefs la lascive bacchante
D’un satyre aviné guidait les pas moins sûrs.

Plus loin, se déroulaient les longues promenades
Des fiers chevaux cabrés qui froncent les naseaux ;
Et sur son piédestal, au fond des colonnades,
Pan se tenait, avec ses merveilleux roseaux.

Pour porter à ses dents les flûtes inégales
Dont il aime à grouper les agrestes accords,
Le dieu ployait, avec le geste des cigales,
Ses coudes anguleux serrés contre son corps ;

Et ses jambes, aux pieds fourchus des boucs pareilles
S’enlaçaient d’une humaine et bizarre façon.
Il écoutait, rieur, et dressant les oreilles,
Les oiseaux d’alentour répéter sa leçon.

Il était là, toujours ses flûtes à ses lèvres ;
Et les bergers, laissant dans les rochers voisins
Bondir en liberté leurs béliers et leurs chèvres,
Déposaient devant lui des fleurs et des raisins.

Qu’est devenue, hélas ! sa superbe attitude ?
Le temps a fait son œuvre, encor moins que l’oubli.
Plus rien !… Destruction, silence, solitude,
Ecroulement d’un dieu passé, règne accompli !

D’inégales hauteurs les colonnes brisées
S’élèvent çà et là ; l’herbe partout a crû ;
Les tronçons sur le sol verdis par les rosées
Gisent : on cherche en vain le profil apparu.

Jamais d’hôte ; jamais une vierge qui cueille
Un sarment vert ; jamais le rire d’un enfant.
Jamais de bruit, sinon la chute d’une feuille
Ou le taillis froissé par la course d’un faon.

Le jour qu’il m’apparut, pourtant de ce ravage
L’antique monument encor s’ennoblissait,
Paraissant accepter comme un linceul sauvage
La végétation qui l’ensevelissait.

Il s’était couronné d’une herbe échevelée,
Et de pampres grimpeurs chaque fût s’entourait.
Déjà la colonnade était presque une allée,
Et la ruine allait rejoindre la forêt.

Il doit périr ainsi. La nature féconde,
Sa mère, veut cacher les restes superflus
De ce culte donné jadis par elle au monde,
Et qu’il abandonna, ne le comprenant plus.

Pieuse, et protégeant le repos des vieux marbres,
Elle prodigue l’herbe et les épais fourrés,
Et, pour ce saint devoir, elle ordonne à ses arbres
D’incliner leurs rameaux sur ces débris sacrés.

Pour les poètes seuls, gardiens de son grand culte,
Elle a voulu, jalouse, ainsi les conserver.
Ta curiosité lui serait une insulte,
Profane voyageur qui ne sais plus rêver !

Elle est fière ; elle voile à tes regards indignes,
Homme de notre temps, ces antiques débris,
Et sous ses frondaisons, ses lianes, ses vignes,
Elle veut les soustraire à tes hautains mépris.

Car tu la méconnais ; car tu n’as plus d’hommage
Pour l’éternel travail de son sein généreux.
Tu hais même tes dieux créés à ton image,
Et tu vas, satisfait d’un scepticisme creux.

De la divinité tu veux d’autres exemples
Que tout cet univers splendide que tu vois ;
Il ne te suffit plus pour ériger des temples
D’un son lointain de flûte entendu dans les bois.

Quand les flots retombant avec leur bruit d’enclume
Entraînent tes vaisseaux vers les écueils amers,
Tu ne vois plus passer, le poitrail dans l’écume,
Les chevaux emportant le char du dieu des mers ;

Et quand sur tes cités tremblantes, les orages
Roulent leurs grondemens profonds et leurs feux clairs,
Tu ne vois plus paraître, au milieu des nuages,
La monstrueuse main qui brandit les éclairs.

Mais, las de ton orgueil qui ne peut se résoudre
A croire aux dieux buvant dans les Olympes bleus,
Les poètes, épris des flots et de la foudre,
S’envolent, par le rêve, aux siècles fabuleux.

Et toujours ils s’en vont, Grèce, vers tes ruines !
Derniers fervens de l’art, ils viennent y prier.
Vieille patrie ! Il faut ton air à leurs poitrines,
Ton air plein d’un parfum de myrte et de laurier,

Ton air pur et vibrant où sous un souffle tremblent
Les arbres élancés de tes bois toujours verts,
De tes bois pleins d’échos si sonores qu’ils semblent
Créés pour retentir au rythme des beaux vers.


LE PASSANT[2]


Sous le bandeau trop lourd pour son front de seize ans,
Assise sur un trône aux longs rideaux pesans
Où l’orgueil brodé d’or des blasons s’écartèle,
Couverte de lampas et d’antique dentelle,

Blanche aux longs cheveux noirs, ayant dans ses yeux noirs
L’éclat resplendissant de l’étoile des soirs,
Et triste doucement, se tient la jeune reine
Par la naissance et par la beauté souveraine.
La fenêtre est ouverte, et, splendide décor,
Elle voit des forêts où résonne le cor,
Des donjons sur des rocs plus hauts que les orages,
Des vais et des coteaux aux riches pâturages,
Tout un royaume libre et fort par le travail.
Dans le cadre borné que forme le vitrail
Et qu’entoure un frisson de fraîches giroflées,
Elle voit des vaisseaux aux voilures gonflées
Qui remontent le fleuve et de lourds galions
Dont le ventre bombé crève de millions.
Elle n’y pense pas, elle rêve, elle écoute
Le zéphyr… Elle voit défiler sur la route
Les bataillons touffus de ses pertuisaniers
Chamarrés d’or de pied en cap par ses deniers.
Elle rêve, et sa tête adorable s’incline.
Et là-bas, descendant de la verte colline,
Précédé par un bruit de lointaines chansons,
Pensif et s’arrêtant pour cueillir aux buissons
Des lianes dont il adorne sa guitare,
Un pâle et maigre enfant à l’allure bizarre
S’approche et voit la reine assise en son château.
Celle-ci l’aperçoit qui descend du coteau.
Etonnée, elle tend son svelte cou de cygne
Et de sa main exquise elle lui fait un signe.
Il monte, tout tremblant déjà d’un vague émoi.
Et la reine lui dit : — Chante et divertis-moi !
Et le petit chanteur, tout fier au fond de l’âme,
Prélude ; mais soudain, en voyant cette femme
Si belle lui sourire et le considérer,
Il jette au loin son luth et se met à pleurer.

LE SIÈGE DE PARIS[3]



I. — APPROVISIONNEMENS


Les troupeaux poussiéreux et gris
Qui promettent maigre ripaille
Ruminent, couchés sur la paille,
Dans tous les jardins de Paris.

Mais le passant mélancolique
Ne trouve dans tout ce bétail
Ni d’ensemble ni de détail
Empreint d’un charme bucolique ;

Ces grands bœufs aux gens peu frugaux
Font rêver des repas d’Homère,
Et cet agneau tétant sa mère
N’est qu’un avenir de gigots.

Ils ont faim et froid, ils sont mornes.
L’un contre l’autre acoquinés,
Ils ont des airs de condamnés
Et baissent tristement leurs cornes.

Le pourceau dormant au soleil
Frémit au contact d’une mouche
Dont l’ardent aiguillon le touche
Et le fait geindre en son sommeil.

Et dans leurs clôtures de planches
Ils semblent, pauvres animaux,
Savoir qu’au bout de tous ces maux
Ils seront mangés par éclanches.

— Mais n’ayons pas naïvement
De pitié pour cette hécatombe ;
Car j’entends, dans le soir qui tombe,
Les durs clairons d’un régiment,

Et, songeant au temps où nous sommes,
Sombre, j’ai murmuré bien bas :
« O troupeaux, ne vous plaignez pas
De la férocité des hommes ! »


II. — VOITURES D’AMBULANCE


L’été, sous la claire nuit bleue,
Galopant le long des moissons,
Les omnibus de la banlieue
Rentraient, le soir, pleins de chansons.

Les grisettes sur ces voitures
Grimpaient avec les calicots.
On avait mangé des fritures
Et cueilli des coquelicots.

Les moustaches frôlaient les joues,
Car dans l’ombre on peut tout oser,
Le bruit des grelots et des roues
Etouffant le bruit d’un baiser.

Et l’on revenait, sous les branches,
De Boulogne ou de Charenton,
Les bras noirs sur les tailles blanches,
Tout en jouant du mirliton.

— Or j’ai revu ces voiturées,
Mais non plus telles que jadis,
Par les amusantes soirées
Des dimanches et des lundis.

Le drapeau blanc de l’ambulance
Pendait, morne, auprès du cocher.
C’est au petit pas, en silence,
Que leurs chevaux devaient marcher.

Elles glissaient comme des ombres,
Et les passans, d’horreur saisis,
Voyaient par les portières sombres
Passer des canons de fusils.

Ceux de la bataille dernière
Revenaient là, tristes et lents,
Et l’on souffrait à chaque ornière
Qui secouait leurs fronts ballans.

Ils ont fait à peine deux lieues,
Ces ironiques omnibus
Pleins de blessés aux vestes bleues
Qu’ensanglanta l’éclat d’obus.

Ce convoi de coucous qui passe
Semble nous faire réfléchir
A l’étroitesse de l’espace
Qui nous reste encor pour mourir ;

Et, malgré mes pleurs de souffrance,
J’ai pu lire sur leurs panneaux
Les noms des frontières de France :
Courbevoie, Asnières, Puteaux.


AU THÉÂTRE[4]


On jouait un opéra-bouffe.
C’est le nom qu’on donne aujourd’hui
Aux farces impures dont pouffe
Notre siècle si lier de lui.

On riait très fort. La machine
Etait bête, et sale souvent,
Et se passait dans cette Chine
De théâtre et de paravent.

Poussahs, pagodes et lanternes,
Vous voyez la chose d’ici.
Et les Athéniens modernes
Bissaient les plus honteux lazzi.

Deux mandarins, — on pâmait d’aise
A ce comique et fin détail, —
Etaient l’un maigre et l’autre obèse
Et coquetaient de l’éventail ;

Et la convoitise sournoise
Des messieurs chauves et pesans
Lorgnait une jeune Chinoise
Agée à peine de seize ans.

Adorable, l’air un peu bête,
Toute de gaze et de paillon,
Deux épingles d’or sur la tête,
Elle semblait un papillon.

Elle n’était pas même émue
Et, toute rose sous son fard,
Forçait sa frêle voix en mue
Qu’étouffait l’orchestre bavard.

C’était bien la grâce éphémère,
L’enfance, la gaîté, l’essor,
Et l’on devinait que sa mère
Ne l’avait pas vendue encor.

Je me sentais rougir de honte
Quand elle disait certains mots,
Comme la princesse du conte
Qui crachait serpents et crapauds.

Je songeais à la demoiselle
Qu’on invite en saluant bas
Et, baissant ses yeux de gazelle,
Qui répond : « Je ne valse pas ; »

A l’héritière très titrée
De l’altier faubourg Saint-Germain
Que suit un laquais en livrée
Portant le missel à la main ;

Et même à la libre grisette
Que font danser les calicots
Dans des bals ayant pour musette
Des mirlitons peu musicaux.

Et je me disais : « Ouvrière,
Fille de noble ou de bourgeois,
À cette heure fait sa prière
Ou rêve à l’amour de son choix ;

« Et, pendant ce temps-là, le père,
Le frère, même un fiancé,
Sont peut-être dans ce repaire,
Devant ce spectacle insensé,

« Et, dans le vertige où les plonge
Cet art érotique et scabreux,
Sans doute qu’aucun d’eux ne songe
À cette enfant qu’on perd pour eux.

« Siècle de toi-même idolâtre,
Epoque aux grands mots puérils,
Les spectacles de ton théâtre
Sont moins sanglans, mais sont plus vils.

« Cette innocente, encore dupe,
Qui ne sait pas dans quel dessein
On fait aussi courte sa jupe
Et l’on découvre autant son sein,

« Cette victime, c’est la tienne,
Multitude aux instincts fangeux !
C’est toujours la jeune chrétienne
Toute nue au milieu des jeux ;

« Ce sont toujours tes mille têtes
Fixant leurs yeux de basilic
Sur la femme livrée aux bêtes,
Sur l’enfant jetée au public ! »

 — Je m’indignais, et, sur la scène,
Celle qui n’avait pas seize ans
Chantait un couplet trop obscène
Pour qu’elle en pût savoir le sens,

Et, l’horreur crispant ma narine,
Loin du mauvais lieu je m’enfuis,
Respirant à pleine poitrine
L’air salubre et glacé des nuits.

ALLONS, POÈTE, IL FAUT EN PRENDRE TON PARTI !…


Allons, poète, il faut en prendre ton parti !
Tu n’as pas fait songer, et tu n’as converti
Personne à ton amour pour les vertus obscures ;
Tes poèmes naïfs peuplés d’humbles figures
N’ont pas le don de plaire aux heureux d’ici-bas ;
Ton livre les étonne et ne se lira pas.
Le monde, vois-tu bien, ne s’intéresse guère
À ce milieu mesquin, trivial et vulgaire ;
Malgré la sympathie, on est un peu surpris.
Crois-moi, n’y reviens plus… Personne n’a compris
Qu’un lettre, qu’un ami de l’art et de l’étude
Eût, pour ces gens de peu, tant de sollicitude.
— Diable ! Cela n’est pas d’un esprit distingué.
Traiter de tels sujets en vers ! — On est choqué.
Là, franchement, comment veux-tu qu’on s’attendrisse
Sur l’ennuyeux exil d’une pauvre nourrice ?
Veux-tu faire pleurer avec le dévouement
D’un petit employé de l’enregistrement ?
Prends garde, je connais chez toi cette tendance.
Autrefois n’as-tu pas eu l’extrême imprudence
De conter, sans aucune ironie, à dessein,
Les amours d’une bonne avec un fantassin ?
Parler d’un épicier dans la langue de l’ode,
C’est monstrueux. Tu vois, une femme à la mode
Te l’a dit, sans y mettre aucune passion,
Que c’était, à la fin, de l’affectation.
Elle eût pu dire encor que cet art réaliste
Sent un peu l’envieux et le socialiste,
Et te fera bientôt regarder de travers ;
Que ceux qui pour trois francs achèteront des vers
Sont des gens de loisir, ayant de la fortune,
Que ton étrange amour des humbles importune,
Et qu’au lecteur qui sort en voiture, il messied
De parler si souvent de ceux qui vont à pied.

Soit, je suis condamné. Mais mon livre est sincère.
J’ai cru qu’il était sain, qu’il était nécessaire,

— À cette heure où, sentant se réveiller en eux
Leurs appétits rivaux et leurs instincts haineux,
Les hommes des deux camps, haut monde et populace,
Prétendent par le fer se disputer la place ;
À cette heure où mon pied qui foule le pavé
Pourrait glisser encor dans le sang mal lavé,
Où les assassinats, les vols, les sacrilèges
Viennent de cimenter tous les vieux privilèges,
Et de rendre encor plus intense et plus fougueux
L’égoïsme du riche et la rage du gueux, —
J’ai cru, dis-je, j’ai cru qu’il pouvait être utile
Au milieu des écrits que la haine distille,
Des cris injurieux et des mots provocans
Que se jettent de part et d’autre les deux camps,
De publier, parmi la fureur générale,
Un livre familier, sans phrases, sans morale,
Sans politique aucune, et tout d’apaisement,
Qui dirait à l’heureux du monde, simplement,
Que ce peuple qu’il voit passer sous sa fenêtre,
Ce peuple qu’il méprise et ne veut pas connaître,
Conserve plus d’un bon sentiment ignoré ;
Et qui dirait encore au pauvre, à l’égaré,
Que, dans l’adversité, le meilleur, le plus digne,
Le plus grand, est toujours celui qui se résigne ;
Qui dirait tout cela sans trop en avoir l’air,
Par de simples récits, dans un langage clair,
Et qui dégageraient une bonne atmosphère.
— Ce livre, j’ai tenté seulement de le faire,
Et je l’ai bien mal fait, puisqu’on n’a pas compris.
Comme ceux dont il parle, au milieu du mépris,
Sa bonne intention sans doute ira s’éteindre ;
Et tout ce qu’il voulait faire aimer, faire plaindre,
Rentrera pour toujours dans son obscurité
Comme l’humble rêveur qui l’a si mal chanté.


FRANÇOIS COPPEE.


  1. De la pièce de vers intitulée : la Ruine, j’ai trouvé plusieurs copies dans les papiers de mon oncle François Coppée, dont l’une originale et entièrement de sa main du poète, de sa magnifique écriture pareille aux calligraphies gothiques des vieux missels. Au bas d’une copie, il a ajouté lui-même : « Ces vers sont antérieurs à ceux publiés dans le Reliquaire. »

    Le Reliquaire a été publié en 1866. La Ruine date donc de 1865 au plus tard,
    de l’époque où, jeune Parnassien respectueux et timide, François Coppée allait
    tous les samedis soir, — avec autant d’émoi qu’un hadji va à la Mecque, —
    passer la soirée chez Leconte de Lisle, qui demeurait au quatrième étage d’une
    maison du boulevard des Invalides (Cf. François Coppée. Feuilleton de la Patrie du 25 juin 1883.) Disciple fervent du maître auquel il devait dédier le Reliquaire, il s’essayait, lui aussi, au « poème antique, » et il écrivait la Ruine.

    JEAN MONVAL.
  2. La pièce suivante a été écrite sur du papier à en-tête du Ministère de la Guerre, où Coppée était entré à vingt ans comme expéditionnaire. Il a été de bonne heure hanté par les poétiques silhouettes de Zanetto et de Silvia.

    Ce petit poème n’est-il pas, en effet, comme une première ébauche du Passant, ou bien encore comme le prélude de la première pièce des Intimités ? — J. M.
  3. François Coppée, enfermé dans Paris assiégé, pendant l’Invasion et pendant la Commune, demeura, les premiers mois du siège, avec sa mère et sa sœur aînée dans un logement de la rue des Feuillantines. Mais ils durent l’abandonner dès le début de janvier, chassés par les batteries allemandes du plateau de Châtillon…

    Les deux pièces suivantes ont été écrites entre deux factions sur le rempart, par le poète douloureusement affligé du deuil de la France… — J. M.
  4. Les deux poèmes suivans ont été écrits par François Coppée à un moment difficile de sa carrière littéraire, dans les années qui suivirent la guerre, alors qu’il cherchait à conserver la faveur du public conquis d’emblée avec le Passant, mais tout prêt à accabler ses nouvelles productions du-souvenir de ce premier succès… Et, de fait, ses plus récentes pièces de théâtre : Deux Douleurs, Fais ce que Dois, l’Abandonnée, n’avaient guère réussi ; et son dernier recueil de vers, les Humbles, venait d’être fort critiqué. C’est dans des heures de tristesse et de découragement qu’ont été écrits les deux poèmes inédits que je publie ici ; — véritables confessions intimes.

    Dans le premier, François Coppée fait entendre son franc parler de bourgeois parisien ; il se montre tel qu’il est, avec son vieux fonds de moralité et de vertu, son horreur de toutes les hypocrisies, de toutes les tyrannies sociales, sa pitié et sa tendresse pour les petits et les opprimés, son aversion pour les riches égoïstes et jouisseurs. Dans le second, il nous dit lui-même, — avec quelle simplicité et quelle modestie, — les sources de son inspiration : son œuvre est avant tout une œuvre de sympathie, d’indulgence, de pitié universelle. S’il a cessé, pendant un temps plus ou moins long, d’être un catholique pratiquant, il n’a jamais cessé d’être pénétré, inconsciemment ou non, de l’esprit de l’Évangile : il a toujours senti vivement et proclamé en chrétien la beauté morale qui rayonne des cœurs simples, des esprits modestes, des vies résignées. Oui, cette préface inédite des Humbles, — précieuse profession de foi écrite en mars 1872, — suffirait à le prouver : même aux heures troubles, aux minutes de scepticisme et de doute, François Coppée garda toujours au fond du cœur, comme un viatique, sa modestie intime, son amour du prochain, auxquels il ne manquait que la consécration catholique pour faire de lui l’homme parfait selon l’Évangile, pratiquant les deux grandes vertus du Christ : l’humilité et la charité.

    J. M.