Poèmes (Vivien)/La Mort d’une Bacchante

Pour les autres éditions de ce texte, voir La Mort d’une Bacchante.

PoèmesA. Lemerre. (p. 43-45).


LA MORT D’UNE BACCHANTE


Noùs ne tisserons pas les graves violettes,
Nous ferons retentir le paktis vaste et doux
A travers les forêts et les plaines muettes,
Et nous arracherons les grands feuillages roux.
— Mes compagnes, la voix large des lyres chante
La mort d’une Bacchante.

 

La solitude a moins de regrets que l’amour,
Et le sanglot est moins déchirant que le rire.
Nous mêlerons nos bras jusqu’au déclin du jour,
Et nous parfumerons de roses et de myrrhe
Nos corps, où brûlera, comme un ferment divin,
La colère du vin.

Contemple sur ton seuil de pierre, ô sombre proie
De l’Hadès et du Styx, ô silence, ô pâleur !
Notre douleur, pareille à l’éclat de la joie,
Notre joie aux yeux fous, pareille à la douleur !
Car la foule, cueillant la fleur des vignes, chante
La mort d’une Bacchante.

Vois toute la lumière, entends l’éclat du bruit !…
Plus tard, nous couperons nos cheveux de prêtresses,
Dorés comme la lune, épais comme la nuit,
Ardents comme le soir, imprégnés de caresses,
Plus tard, nous éteindrons le suprême flambeau
Sur ton calme tombeau.

 

Et nous te laisserons à l’ombre pacifique,
Toi dont la lassitude envia le sommeil
Du faune et du satyre accablés de musique,
Rassasiés de fruits et repus de soleil…
Compagnes, écoutez la pleureuse qui chante
La mort d’une Bacchante.