Poèmes (Vivien)/La Lune s’est noyée

Pour les autres éditions de ce texte, voir La Lune s’est noyée.

PoèmesA. Lemerre. (p. 132-134).


LA LUNE S’EST NOYÉE…


Seule, je sais la mort de Madonna la lune,
De la lune aux cheveux si blonds et si légers,
Aux yeux furtifs et dont les voiles ouvragés
Glissaient avec un si doux frisson dans la brune.

Hier soir, quand j’errais au loin, je l’aperçus.
Je l’aperçus penchée et pleurant, sous l’yeuse,
Ainsi qu’une fantasque et plaintive amoureuse
Se lamentant des chers baisers trop tôt déçus.


Comme pour un festin, elle s’était parée,
Elle s’était parée avec ses colliers d’or.
Un hibou, s’élevant dans un craintif essor,
La frôla doucement de son aile égarée.

La Lune s’inclina. Telle aux soirs de jadis,
Aux longs soirs de jadis tremblants sur l’eau dormante,
Elle mirait son front capricieux d’amante…
Et soudain j’entendis un froissement d’iris,

J’écartai les roseaux frémissants et tenaces,
Tenaces à l’égal de frêles bras liés.
La Lune reposait, avec ses beaux colliers.
Au loin, se répandait un thrène de voix basses.

La Lune diffusait une faible splendeur,
Une splendeur mourante, au fond des herbes glauques.
Et voici que, soudain, ayant tu ses chants rauques,
Un crapaud se posa froidement sur son cœur.


Je vais pleurant la mort de la Lune, ma Dame,
De ma Dame qui gît au fond des nénuphars.
Il n’est plus de clarté dans ses cheveux épars,
Et ses yeux ont perdu l’azur vert de leur flamme.

Quel lit recueillera mon frileux désespoir,
Mon désespoir d’amant fidèle et de poète ?
Ô vous tous que le bruit de mes pleurs inquiète,
La lune s’est noyée au fond de l’étang noir !