Poèmes (Vivien)/À une Ombre aimée

Pour les autres éditions de ce texte, voir À une Ombre aimée.

PoèmesA. Lemerre. (p. 148-149).


À UNE OMBRE AIMÉE


Voici l’heure où le mort goûte aux festins funèbres,
Et je t’ai préparé, comme hier, le repas.
Grâce aux flammes, grâce aux lampes, on ne sent pas
L’enveloppement fin et serré des ténèbres.

Voici mes voiles verts, voici mon front paré
Des joyaux et des fleurs qui conviennent aux fêtes.
Daigne entrer ! Comme hier, toutes choses sont prêtes,
Savoure le repas savamment préparé.


Ton cœur m’approuvera, Le vin est délectable,
Ayant mûri dans le soleil d’un très beau jour,
Les fruits semblent créés par les mains de l’amour,
Une lueur très douce illumine la table.

Ta place habituelle est prête. Viens t’asseoir,
Près de moi, prends ici ta place accoutumée,
Ô l’amie aux doux yeux tristes, la bien-aimée,
Pour toi j’ai revêtu mes parures, ce soir !

Pourtant un souffle froid entrebâille la porte,
Et dans mon corps glacé je sens mon cœur transi…
Je ne puis oublier que je suis seule ici,
Que je suis triste et que je n’aime qu’une morte.