Poèmes (Canora, 1905)/Le vent d’hiver est passé

(p. 45-46).

LE VENT D’HIVER EST PASSÉ…[1]

En un parc, baigné de senteurs légères,
J’avais vu fleurir, la saison dernière,
Au soleil levant, des roses trémières.
Le grand parc est noir, le rosier cassé…
Le vent d’hiver est passé.

Du balcon, paré de mauve glycine,
J’écoutais parfois une humble voisine
Bercer son enfant de sa voix câline.
Le silence est lourd, le chant a cessé…
Le vent d’hiver est passé.

Au soir, près d’un seuil rouge, dans la brume,
J’admirais, forgeant le métal qui fume,
Un grand compagnon droit, près de l’enclume…
Hier, comme une ombre, il s’est affaissé.
Le vent d’hiver est passé.


Lorsque j’ai quitté le vieux cimetière,
Je lisais encor, penché sur les pierres,
Quelques noms d’aïeux… Je reviens… Le lierre
Et les pleurs du ciel les ont effacés.
Le vent d’hiver est passé.

Ah ! le temps cruel qui glisse sans trêve !
Le regret plaintif des voluptés brèves !
Nous tendons nos mains pour cueillir un rêve !
La mort les étreint de ses doigts glacés…
Le vent d’hiver est passé !

  1. Musique de Gabriel Verdalle.