Poèmes (Canora, 1905)/Chanson d’antan

(p. 50-51).

CHANSON D’ANTAN

(sur un vieil air français.)


Belle Châtelaine, aux grands yeux si doux,
Des terres lointaines, je reviens vers vous,
Troubadour triste et fidèle,
Pour chanter ma villanelle,
Je reviens vers vous…

Jadis, enfant blonde, vous aimiez mes chants,
Mes plaintes tremblantes au soleil couchant.
« Un soir j’ai dit : je vous aime.
« Votre bouche dit de même
« Au soleil couchant, »


Vous vîtes en songe des palais dorés,
Vous devîntes reine, je fus oublié :
Je n’avais qu’un luth d’ébène.
Un roi vous fit souveraine.
Je fus oublié !

Êtes-vous heureuse près du noble époux
Et son grand royaume vous est-il si doux
Que nos baisers dans les grèves
Et les palais de nos rêves ?
Vous est-il si doux ?

Et le chant suprême montait au ciel noir
Et la Châtelaine, dans son désespoir,
Au chant du luth qui frissonne
Brisa sa vaine couronne
Dans son désespoir !