Poèmes épars (Lenoir-Rolland)/La Bayadère

Texte établi par Casimir HébertLe pays laurentien (p. 37-38).

1848
La Bayadère
ROMANCE

J’ai vu, j’ai vu la Bayadère,
Cette fille au corsage noir,
Au front limpide, à l’œil sévère,
Jolie enfant, bien belle à voir.
Sa main droite pressait sa hanche
L’autre élevait un tambourin,
Et les plis de sa robe blanche
Voilaient ses souliers de carmin !

Quelqu’un lui disait : « brune fille,
Je veux te donner autant d’or
Qu’en peut contenir ta sébille,
Si tu me permets… doux trésor !… »
Sa main droite pressait sa hanche
L’autre élevait un tambourin,
Et les plis de sa robe blanche
Voilaient ses souliers de carmin !

Elle repoussa, sans mot dire,
L’étreinte de l’homme brutal,
Puis, revint avec un sourire,
Danser sur le pavé fatal !
Sa main droite pressait sa hanche
L’autre élevait un tambourin,
Et les plis de sa robe blanche
Voilaient ses souliers de carmin !

Pauvre vierge ! qu’elle était belle !…
Elle est morte ! et je me souviens
Des longs éclairs que sa prunelle
Lançait quand elle lui dit : « Viens ! »
Sa main droite pressait sa hanche
L’autre élevait un tambourin,
Et les plis de sa robe blanche
Voilaient ses souliers de carmin !

Montréal, 5 juillet 1848.