Poèmes à Lou/La Mésange

Œuvres poétiques (extraits) Poèmes à LouGallimard, Bibliothèque de la Pléiade (p. 396-397).

XIII

LA MÉSANGE


Les soldats s’en vont lentement
Dans la nuit trouble de la ville
Entends battre mon cœur d’amant
Ce cœur en vaut bien plus de mille
Puisque je t’aime éperdument

Je t’aime éperdument ma chère
J’ai perdu le sens de la vie
Je ne connais plus la lumière
Puisque l’Amour est mon envie
Mon soleil et ma vie entière

Écoute-le battre mon cœur
Un régiment d’artillerie
En marche mon cœur d’Artilleur
Pour toi se met en batterie
Écoute-le petite sœur

Petite sœur je te prends toute
Tu m’appartiens je t’appartiens
Ensemble nous faisons la route
Et dis-moi de ces petits riens
Qui consolent qui les écoute

Un tramway descend vitement
Trouant la nuit la nuit de verre
Où va mon cœur en régiment
Tes beaux yeux m’envoient leur lumière
Entends battre mon cœur d’amant


Ce matin vint une mésange
Voleter près de mon cheval
C’était peut-être un petit ange
Exilé dans le joli val
Où j’eus sa vision étrange

Ses yeux c’était tes jolis yeux
Son plumage ta chevelure
Son chant les mots mystérieux
Qu’à mes oreilles on susurre
Quand nous sommes bien seuls tous deux

Dans le vallon j’étais tout blême
D’avoir chevauché jusque-là
Le vent criait un long poème
Au soleil dans tout son éclat
Au bel oiseau j’ai dit Je t’aime !

2 fév. 1915.