Poème de la prison/Ballade XLVIII

Poésies complètes, Texte établi par Charles d’HéricaultErnest Flammarion (p. 65-66).


BALLADE XLVIII.

     Trop long temps vous voy sommeillier,
Mon cueur, en dueil et desplaisir ;
Vueilliez vous, ce jour, esveillier,
Alons au bois le May cueillir,
Pour la coustume maintenir.
Nous oirons des oyseaulx le glay
Dont ilz font les bois retentir,
Ce premier jour du mois de May.
     Le Dieu d’Amours est coustumier,
À ce jour, de feste tenir,
Pour amoureux cueurs festier
Qui desirent de le servir ;
Pource, fait les arbres couvrir
De fleurs, et les champs de vert gay,
Pour la feste plus embellir,
Ce premier jour du mois de May.
     Bien sçay, mon cueur, que faulx Dangier
Vous fait mainte paine souffrir ;
Car il vous fait trop eslongner
Celle qui est vostre desir.
Pour tant vous fault esbat querir ;
Mieux conseillier je ne vous s ay
Pour vostre douleur amendrir.
Ce premier jour du mois de May.


ENVOI

     Ma Dame, mon seul souvenir,
En cent jours n auroye loisir
De vous raconter, tout au vray,

Le mal qui tient mon cueur martir,
Ce premier jour du mois de May.