Poème de la prison/Ballade XI

Poésies complètes, Texte établi par Charles d’HéricaultErnest Flammarion (p. 25-26).
◄  Ballade X

BALLADE XI.

     Loingtain de vous, ma tresbelle maistresse,
Fors que de cueur que laissié je vous ay,
Acompaignié de Deuil et de Tristesse,
Jusques a tant que reconfort auray
D’un doulx plaisir, quant revéoir pourray
Vostre gent corps, plaisant et gracieux,
Car lors lairay tous mes maulx ennuieux
Et trouveray, se m’a dit Espérance,
Par le pourchas du regart de mes yeulx
Autant de bien que j’ay de desplaisance.
     Car s’oncques nul sceut que c’est de destresse,
Je pense bien que j’en ay fait l’essay.
Si tresavant et à telle largesse
Qu’en dueil pareil nulluy de moy ne sçay.
Mais ne m’en chault ; certes j’endureray,
Au desplaisir des jaloux envieux.
Et me tendray, par semblance, joyeux ;
Car quant je suy en greveuse penance,
Ilz reçoyvent, que mal jour leur doint Dieux !
Autant de bien que j’ay de desplaisance.
     Tout prens en gré, jeune, gente Princesse,
Mais qu’en sachiés tant seulement le vray,
En attendant le guerdon de Liesse
Qu’à mon povoir vers vous desserviray ;
Car le conseil de Loyauté feray,

Que garderay près de moy en tous lieux :
Vostre tousjours soye, jeunes ou vieulx,
Priant à Dieu, ma seule desirance,
Qu’il vous envoit, s’avoir ne povez mieulx,
Autant de bien que j’ay que desplaisance.