Poème de la prison/Ballade LXIV

Poésies complètes, Texte établi par Charles d’HéricaultErnest Flammarion (p. 83-84).
BALLADE LXIV.


     J’ay esté de la compaignie
Des amoureux moult longuement,
Et m’a Amour, dont le mercie,
Donné de ses biens largement ;
Mais au derrain, ne sçay comment,
Mon fait est venu au contraire ;
Et, à parler ouvertement,
Tout est rompu, c’est à refaire.
     Certes, je ne cuidoye mie
Qu’en amer eust tel changement ;
Car chascun dit que c’est la vie
Où il a plus d’esbatement ;
Helas ! j’ay trouvé autrement ;
Car, quant en l’amoureux repaire
Cuidoye vivre seurement,
Tout est rompu, c’est à reffaire
     Au fort, en Amour je m’affie
Qui m’aidera aucunement,
Pour l’amour de sa seigneurie
Que j’ay servie loyaument ;
N’oncques ne fis, par mon serment,
Chose qui lui doye desplaire,

Et, non pourtant, estrangement
Tout est rompu, c’est à refaire.


ENVOI

     Amour, ordonnez tellement
Que j’aye cause de me taire.
Sans plus dire de cueur dolent :
Tout est rompu, c’est à reffaire.