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C


À quoi veux-tu songer ? À toi. Songeons à toi.
Non, je ne juge pas ton amer caractère ;
Rien de ton cœur serré ne me paraît étroit
Si sur toi j’ai plié mon amour de la terre,

Mon amour des humains, de l’infini, des cieux,
Ma facile allégresse à répandre ma vie,
À rejoindre d’un bond, par les ailes des yeux,
L’éther qui m’appartient et dont tous ont envie !

Qu’y a-t-il de plus sûr et de meilleur que toi,
Ou, du moins, que l’amour brisant que tu m’inspires ?
— Le souci, les regrets, la mort sous tous les toits,
L’ambition qui râle et l’ennui qui soupire ! —


Moi je suis à l’abri ! Je n’ai, pour me tuer,
Pour me faire languir, pour créer ma détresse,
Que l’anxieux regard dans tes yeux situé,
Que l’accablant désert où souvent tu me laisses.

C’est assez ! Ah ! c’est trop ! Ou bien c’est suffisant !
Ces suprêmes chagrins m’ont d’autres maux guérie ;
Et quelquefois je sens se réjouir mon sang
Quand tu ris comme l’eau dans la fraîche prairie !