Pieusement (Verhaeren)

Pour les Amis du Poète (p. 11-12).


Pieusement


 
La nuit d’hiver élève au ciel son pur calice.

Et je lève mon cœur aussi, mon cœur nocturne,
Seigneur, mon cœur ! vers ton pâle infini vide,
Et néanmoins, je sais que rien n’en pourra l’urne
Combler, et que rien n’est dont ce cœur meurt avide ;
Et je te sais mensonge et mes lèvres te prient
Et mes genoux ; je sais et tes grandes mains closes

Et tes grands yeux fermés aux désespoirs qui crient,
Et que c’est moi qui, seul, me rêve dans les choses ;
Sois de pitié, Seigneur, pour ma toute démence,
J’ai besoin de pleurer mon mal vers ton silence !…

La nuit d’hiver élève au ciel son pur calice !

(LES DÉBÂCLES).