Traduction par Fanny Mathot.
Paul Ollendorf (p. 125-130).

CHAPITRE VII

Chaque soir et chaque matin mère Marie récitait avec ferveur ses prières à la Vierge et finalement le secours leur vint.

Un homme étrange qui parlait anglais visita la cabane, prit leurs noms et fit un rapport sur leur situation. Mère Marie avait appris quelques mots d’anglais de certains de ses clients de l’Avenue Louise, et elle comprit qu’il allait apporter des choses qui avaient été envoyées par un grand bateau d’au delà de la mer, par des personnes compatissantes qui avaient entendu dans quelles conditions lamentables se trouvaient Grand-Père, mère Marie et Henri et petite Lisa. Tous attendirent anxieusement son retour.

Quelques jours après il revint en

automobile et leur apporta une grande boîte. Il les exhorta à avoir beaucoup de courage et dit qu’il se pourrait qu’il apportât davantage plus tard. C’était un homme vif, affairé, mais ne manquant pas de bienveillance. Il s’en alla précipitamment.

La famille se réunit autour de la boîte comme Grand-Père l’ouvrait et, avec beaucoup d’intérêt, tous regardèrent en retirer de la farine, du thé, du sucre et des vêtements. Sur ce, mère Marie tomba à genoux à côté de sa couchette en enfouissant sa tête dans ses bras, et ils attendirent tous, tête baissée, pendant qu’elle adressait ses actions de grâces au Ciel.

Puis ils commencèrent à examiner les vêtements : il y avait un paletot de fourrure gris pour mère Marie, un peu dénudé au col et aux poignets, mais très chaud. Il y avait des souliers, des bas et des habillements de dessous, une jaquette rouge

qui pouvait être raccourcie pour Lisa et d’autres habillements qui pouvaient être transformés en paletot pour Henri. Pour Grand-Père il y avait un singulier tricot qui, il l’apprit plus tard, était, une vareuse. Elle était noire, très épaisse et marquée d’un grand D brodé en vert sur le devant. Grand-Père ne comprit pas le sens de cette lettre mais il trouva la vareuse très chaude.

Au fond de la boîte, il y avait un livre d’enfants avec les plus étonnantes images de féeries, avec des personnages bizarres en couleurs éclatantes et des vers en une langue étrangère ; il y avait aussi un rouleau de coton à pansement et quelques médicaments dans des bouteilles.

Ils étaient tous transportés de joie quand Henri dit tout à coup : « Maintenant si père Jean pouvait revenir ».

À ces mots mère Marie devint plus triste et petite Lisa ajouta : « Et le bon gros Pierrot poilu ».

Sur ces entrefaites, la nuit était tombée et comme ils n’avaient pas de lumière, mère Marie leur dit qu’ils devaient tous aller se coucher. À ce moment l’oreille fine d’Henri perçut un étrange bruit, comme si l’on reniflait et qu’on grattait à la porte. Alors, un aboiement court et aigu se fit entendre.

Henri courut ouvrir la porte et là apparut le bon vieux Pierrot lui-même, très décharné et maigre, mais Pierrot ! quand même.

Petite Lisa se précipita sur lui tout bonnement comme elle avait l’habitude de le faire au temps béni des jours passés, mais un gémissement plaintif lui répondit. Grand-Père l’écarta doucement et le pauvre vieux Pierrot fit de son mieux pour sauter gaiement sur eux avec de petits cris de joie pour leur prouver combien il était heureux.

Oui, il était rentré à la maison, revenu parmi les visages aimés et les mains caressantes dont il avait rêvé pendant si longtemps. Il pouvait à peine se contenir tant il était joyeux et, dans son exubérance, il agitait son moignon de queue au point de le détacher. Oh ! si seulement il avait pu parler et tout leur raconter.

Vraiment, c’était une étrange petite demeure ; tout ce qui l’entourait était bizarre. Mais enfin, c’était le foyer, parce qu’ici étaient ses maîtres, ses chers êtres et, après tout, ce sont eux seuls qui comptent.

Grand-Père comprenait le langage des chiens et devina que Pierrot était blessé, de sorte qu’aussitôt qu’il put calmer les enfants et le chien il emmena ce dernier dehors et l’examina au clair de la lune.

« Pierrot a été un bon soldat », dit-il. Alors il envoya Henri prendre le rouleau de bandage et les bouteilles. Ainsi vous voyez que les gens compatissants de l’autre côté de la mer devaient avoir entendu parler de Pierrot aussi.

« Je crains qu’il soit boiteux pour toujours » dit Grand-Père. Mais les enfants ne parurent pas s’en inquiéter beaucoup. Pas plus que Pierrot, du reste, car après qu’il eût mangé le croûton de pain que mère Marie lui avait donné, et après leur avoir léché les mains encore une fois à tous, avec un grand soupir de bonheur, il s’étendit sur le couvre-pieds usé et roussi de la couchette d’Henri et s’endormit en ronflant bruyamment…