Physiologie du Mariage
Œuvres complètes de H. de BalzacA. Houssiaux16 (p. 512-528).

MÉDITATION XX.

ESSAI SUR LA POLICE.

La police conjugale se compose de tous les moyens que vous donnent les lois, les mœurs, la force et la ruse pour empêcher votre femme d’accomplir les trois actes qui constituent en quelque sorte la vie de l’amour : s’écrire, se voir, se parler.

La police se combine plus ou moins avec plusieurs des moyens de défense que contiennent les Méditations précédentes. L’instinct seul peut indiquer dans quelles proportions et dans quelles occasions ces divers éléments doivent être employés. Le système entier a quelque chose d’élastique : un mari habile devinera facilement comment il faut le plier, l’étendre, le resserrer. À l’aide de la police un homme peut amener sa femme à quarante ans, pure de toute faute.

Nous diviserons ce traité de police en cinq paragraphes :

§ I. DES SOURICIÈRES.

§ II. DE LA CORRESPONDANCE.

§ III. DES ESPIONS.

§ IV. L’INDEX.

§ V. DU BUDGET.




§ I. — DES SOURICIÈRES.


Malgré la gravité de la crise à laquelle arrive un mari, nous ne supposons pas que l’amant ait complétement acquis droit de bourgeoisie dans la cité conjugale. Souvent bien des maris se doutent que leurs femmes ont un amant, et ne savent sur qui, des cinq ou six élus, dont nous avons parlé, arrêter leurs soupçons. Cette hésitation provient sans doute d’une infirmité morale, au secours de laquelle le professeur doit venir.

Fouché avait dans Paris trois ou quatre maisons où venaient les gens de la plus haute distinction, les maîtresses de ces logis lui étaient dévouées. Ce dévouement coûtait d’assez fortes sommes à l’État. Le ministre nommait ces sociétés dont personne ne se défia, dans le temps, ses souricières. Plus d’une arrestation s’y fit au sortir d’un bal où la plus brillante compagnie de Paris avait été complice de l’oratorien.

L’art de présenter quelques fragments de noix grillée, afin de voir votre femme avancer sa blanche main dans le piége, est très-circonscrit car une femme est bien certainement sur ses gardes ; cependant nous comptons au moins trois genres de souricières : L’IRRÉSISTIBLE, LA FALLACIEUSE et CELLE À DÉTENTE.


DE L’IRRESISTIBLE.

Deux maris étant donnés, et qui seront À, B, sont supposés vouloir découvrir quels sont les amants de leurs femmes. Nous mettrons le mari À au centre d’une table chargée des plus belles pyramides de fruits, de cristaux, de sucreries, de liqueurs, et le mari B sera sur tel point de ce cercle brillant qu’il vous plaira de supposer. Le vin de Champagne a circulé, tous les yeux brillent et toutes les langues sont en mouvement.

MARI À. (Épluchant un marron.) Eh ! bien, moi j’admire les gens de lettres, mais de loin ; je les trouve insupportables, ils ont une conversation despotique ; je ne sais ce qui nous blesse le plus de leurs défauts ou de leurs qualités, car il semble vraiment que la supériorité de l’esprit ne serve qu’à mettre en relief leurs défauts et leurs qualités. Bref !… (Il gobe son marron.) Les gens de génie sont des élixirs, si vous voulez, mais il faut en user sobrement.

FEMME B. (Qui était attentive.) Mais, monsieur À, vous êtes bien difficile ! (Elle sourit malicieusement.) Il me semble que les sots ont tout autant de défauts que les gens de talent, à cette différence près qu’ils ne savent pas se les faire pardonner !…

MARI À. (Piqué.) Vous conviendrez, au moins, madame, qu’ils ne sont guère aimables auprès de vous…

FEMME B. (Vivement) Qui vous l’a dit ?

MARI À. (Souriant.) Ne vous écrasent-ils pas à toute heure de leur supériorité ? La vanité est si puissante dans leurs âmes qu’entre vous et eux il doit y avoir double emploi…

LA MAITRESSE de la maison. (À part à la FEMME À.) Tu l’as bien mérité, ma chère… (La femme À lève les épaules.)

MARI À. (Continuant toujours.) Puis l’habitude qu’ils ont de combiner des idées leur révélant le mécanisme des sentiments, pour eux l’amour purement physique, et l’on sait qu’ils ne brillent pas…

FEMME B. (Se pinçant les lèvres et interrompant.) Il me semble, monsieur, que nous sommes seules juges de ce procès-là. Mais, je conçois que les gens du monde n’aiment pas les gens de lettres !… Allez, il vous est plus facile de les critiquer que de leur ressembler.

MARI À. (Dédaigneusement.) Oh ! madame, les gens du monde peuvent attaquer les auteurs du temps présent sans être taxés d’envie. Il y a tel homme de salon qui, s’il écrivait…

FEMME B. (Avec chaleur.) Malheureusement pour vous, monsieur, quelques-uns de vos amis de la Chambre ont écrit des romans, avez-vous pu les lire ?… Mais vraiment, aujourd’hui, il faut faire des recherches historiques pour la moindre conception, il faut…

MARI B. (Ne répondant plus à sa voisine, et à part.) Oh ! oh ! est-ce que ce serait M. de L. (l’auteur des Rêves d’une jeune fille), que ma femme aimerait… Cela est singulier, je croyais que c’était le docteur M… Voyons… (Haut.) Savez-vous, ma chère, que vous avez raison dans ce que vous dites ? (On rit.) Vraiment, je préférerai toujours avoir dans mon salon des artistes et des gens de lettres (À part : Quand nous recevrons) à y voir des gens d’autres métiers. Au moins les artistes parlent de choses qui sont à la portée de tous les esprits ; car, quelle est la personne qui ne se croit pas du goût ? Mais les juges, les avocats, les médecins surtout… ah ! j’avoue que les entendre toujours parler procès et maladie, les deux genres d’infirmités humaines qui…

FEMME B. (Quittant sa conversation avec sa voisine pour répondre à son mari.) Ah ! les médecins sont insupportables !…

FEMME À. (La voisine du mari B, parlant en même temps.) Mais qu’est-ce que vous dites donc là, mon voisin ?… Vous vous trompez étrangement. Aujourd’hui, personne ne veut avoir l’air d’être ce qu’il est : les médecins, puisque vous citez les médecins, s’efforcent toujours de ne pas s’entretenir de l’art qu’ils professent. Ils parlent politique, modes, spectacles ; racontent, font des livres mieux que les auteurs même, et il y a loin d’un médecin d’aujourd’hui à ceux de Molière…

MARI À. (À part.) Ouais ! ma femme aimerait le docteur M… ? voilà qui est particulier. (Haut.) Cela est possible, ma chère, mais je ne donnerais pas mon chien à soigner aux médecins qui écrivent.

FEMME À. (Interrompant son mari.) Cela est injuste ; je connais des gens qui ont cinq à six places, et en qui le gouvernement paraît avoir assez de confiance ; d’ailleurs, il est plaisant, monsieur À., que ce soit vous qui disiez cela, vous qui faites le plus grand cas du docteur M…

MARI À. (À part.) Plus de doute.



LA FALLACIEUSE.


UN MARI. (Rentrant chez lui.) Ma chère, nous sommes invités par madame de Fischtaminel au concert qu’elle donnera mardi prochain. Je comptais y aller pour parler au jeune cousin du ministre qui devait y chanter ; mais il est allé à Frouville, chez sa tante. Que prétends-tu faire ?…

LA FEMME. Mais les concerts m’ennuient à la mort !… Il faut rester clouée sur une chaise des heures entières sans rien dire… Tu sais bien d’ailleurs que nous dînons ce jour-là chez ma mère, et qu’il nous est impossible de manquer à lui souhaiter sa fête.

LE MARI. (Négligemment.) Ah ! c’est vrai.

(Trois jours après.)


LE MARI. (En se couchant.) Tu ne sais pas, mon ange ? Demain, je te laisserai chez ta mère, parce que le comte est revenu de Frouville, et qu’il sera chez madame de Fischtaminel.

LA FEMME. (Vivement.) Mais pourquoi irais-tu donc tout seul ? Voyez un peu, moi qui adore la musique !



LA SOURICIÈRE À DÉTENTE.


LA FEMME. Pourquoi vous en allez-vous donc de si bonne heure ce soir ?…

LE MARI. (Mystérieusement.) Ah ! c’est pour une affaire d’autant plus douloureuse, que je ne vois vraiment pas comment je vais faire pour l’arranger !…

LA FEMME. De quoi s’agit-il donc ? Adolphe, tu es un monstre si tu ne me dis pas ce que tu vas faire…

LE MARI. Ma chère, cet étourdi de Prosper Magnan a un duel avec monsieur de Fontanges à propos d’une fille d’Opéra… Qu’as-tu donc ?…

LA FEMME. Rien… Il fait très-chaud ici. Ensuite, je ne sais pas d’où cela peut venir… mais pendant toute la journée… il m’a monté des feux au visage…

LE MARI. (À part.) Elle aime monsieur de Fontanges ! (Haut.) Célestine ! (Il crie plus fort.) Célestine, accourez donc, madame se trouve mal !…

Vous comprenez qu’un mari d’esprit doit trouver mille manière de tendre ces trois espèces de souricières.



§ II. — DE LA CORRESPONDANCE.


Écrire une lettre et la faire jeter à la poste ; recevoir la réponse, la lire et la brûler ; voilà la correspondance réduite à sa plus simple expression.

Cependant examinez quelles immenses ressources la civilisation, nos mœurs et l’amour ont mises à la disposition des femmes pour soustraire ces actes matériels à la pénétration maritale.

La boîte inexorable qui tend une bouche ouverte à tous venants reçoit sa pâture budgétaire de toutes mains.

Il y a l’invention fatale des bureaux restants.

Un amant trouve dans le monde cent charitables personnes, masculines ou féminines, qui, à charge de revanche, glisseront le doux billet dans la main amoureuse et intelligente de sa belle maîtresse.

La correspondance est un Protée. Il y a des encres sympathiques, et un jeune célibataire nous a confié avoir écrit une lettre sur la garde blanche d’un livre nouveau qui, demandé au libraire par le mari, est arrivé entre les mains de sa maîtresse, prévenue la veille de cette ruse adorable.

La femme amoureuse qui redoutera la jalousie d’un mari écrira, lira des billets-doux pendant le temps consacré à ces mystérieuses occupations pendant lesquelles le mari le plus tyrannique est obligé de la laisser libre.

Enfin les amants ont tous l’art de créer une télégraphie particulière dont les capricieux signaux sont bien difficiles à comprendre. Au bal, une fleur bizarrement placée dans la coiffure ; au spectacle, un mouchoir déplié sur le devant de la loge ; une démangeaison au nez, la couleur particulière d’une ceinture, un chapeau mis ou ôté, une robe portée plutôt que telle autre, une romance chantée dans un concert, ou des notes particulières touchées au piano ; un regard fixé sur un point convenu, tout, depuis l’orgue de Barbarie qui passe sous vos fenêtres et qui s’en va si l’on ouvre une persienne, jusqu’à l’annonce d’un cheval à vendre insérée dans le journal, et même jusqu’à vous, tout sera correspondance.

En effet, combien de fois une femme n’aura-t-elle pas prié malicieusement son mari de lui faire telle commission, d’aller à tel magasin, dans telle maison, en ayant prévenu son amant que votre présence à tel endroit est un oui ou un non.

Ici le professeur avoue à sa honte qu’il n’existe aucun moyen d’empêcher deux amants de correspondre. Mais le machiavélisme marital se relève plus fort de cette impuissance qu’il ne l’a jamais été d’aucun moyen coërcitif.

Une convention qui doit rester sacrée entre les époux est celle par laquelle ils se jurent l’un à l’autre de respecter le cachet de leurs lettres respectives. Celui-là est un mari habile qui consacre ce principe en entrant en ménage, et qui sait y obéir consciencieusement.

En laissant à une femme une liberté illimitée d’écrire et de recevoir des lettres, vous vous ménagez le moyen d’apprendre le moment où elle correspondra avec son amant.

Mais en supposant que votre femme se défiât de vous, et qu’elle couvrît des ombres les plus impénétrables les ressorts employés à vous dérober sa correspondance, n’est-ce pas ici le lieu de déployer cette puissance intellectuelle dont nous vous avons armés dans la Méditation de la Douane ? L’homme qui ne voit pas quand sa femme a écrit à son amant ou quand elle en a reçu une réponse est un mari incomplet.

L’étude profonde que vous devez faire des mouvements, des actions, des gestes, des regards de votre femme, sera peut-être pénible et fatigante, mais elle durera peu ; car il ne s’agit que de découvrir quand votre femme et son amant correspondent et de quelle manière.

Nous ne pouvons pas croire qu’un mari, fût-il d’une médiocre intelligence, ne sache pas deviner cette manœuvre féminine quand il soupçonne qu’elle a lieu.

Maintenant jugez, par une seule aventure, de tous les moyens de police et de répression que vous offre la correspondance.

Un jeune avocat auquel une passion frénétique révéla quelquesuns des principes consacrés dans cette importante partie de notre ouvrage, avait épousé une jeune personne de laquelle il était faiblement aimé (ce qu’il considéra comme un très-grand bonheur) ; et, au bout d’une année de mariage, il s’aperçut que sa chère Anna (elle s’appelait Anna) aimait le premier commis d’un agent de change.

Adolphe était un jeune homme de vingt-cinq ans environ, d’une jolie figure, aimant à s’amuser comme tous les célibataires possibles. Il était économe, propre, avait un cœur excellent, montait bien à cheval, parlait spirituellement, tenait de fort beaux cheveux noirs toujours frisés, et sa mise ne manquait pas d’élégance. Bref, il aurait fait honneur et profit à une duchesse. L’avocat était laid, petit, trapu, carré, chafouin et mari. Anna, belle si grande, avait des yeux fendus en amande, le teint blanc, et les traits délicats. Elle était tout amour, et la passion animait son regard d’une expression magique. Elle appartenait à une famille pauvre, maître Lebrun avait douze mille livres de rente. Tout est expliqué. Un soir, Lebrun rentre chez lui d’un air visiblement abattu. Il passe dans son cabinet pour y travailler ; mais il revient aussitôt chez sa femme en grelottant ; car il a la fièvre, et ne tarde pas à se mettre au lit. Il gémit, déplore ses clients, et surtout une pauvre veuve dont il devait, le lendemain même, sauver la fortune par une transaction. Le rendez-vous était pris avec les gens d’affaires, et il se sentait hors d’état d’y aller. Après avoir sommeillé un quart d’heure, il se réveille, et, d’une voix faible, prie sa femme d’écrire à l’un de ses amis intimes de le remplacer dans la conférence qui a lieu le lendemain. Il dicte une longue lettre, et suit du regard l’espace que prennent ses phrases sur le papier. Quand il fallut commencer le recto du second feuillet, l’avocat était en train de peindre à son confrère la joie que sa cliente aurait si la transaction était signée, et le fatal recto commençait par ces mots :

Mon bon ami, allez, ah ! allez aussitôt chez madame de Vernon ; vous y serez attendu bien impatiemment. Elle demeure rue du Sentier, n. 7. Pardonnez-moi de vous en dire si peu, mais je compte sur votre admirable sens pour deviner ce que je ne puis expliquer.

Tout à vous.


— Donnez-moi la lettre, dit l’avocat, pour que je voie s’il n’y a pas de faute avant de la signer. L’infortunée, dont la prudence avait été endormie par la nature de cette épître hérissée presque tout entière des termes les plus barbares de la langue judiciaire, livre la lettre. Aussitôt que Lebrun possède le fallacieux écrit, il se plaint, se tortille, et réclame je ne sais quel bon office de sa femme. Madame s’absente deux minutes, pendant lesquelles l’avocat saute hors du lit, ploie un papier en forme de lettre, et cache la missive écrite par sa femme. Quand Anna revient, l’habile mari cachète le papier blanc, le fait adresser, par elle, à celui de ses amis auquel la lettre soustraite semblait destinée, et la pauvre créature remet le candide message à un domestique. Lebrun paraît se calmer insensiblement ; il s’endort, ou fait semblant, et le lendemain matin il affecte encore d’avoir de vagues douleurs. Deux jours après, il enlève le premier feuillet de la lettre, met un e au mot tout, dans cette phrase, tout à vous ; il plie mystérieusement le papier innocemment faussaire, le cachète, sort de la chambre conjugale, appelle la soubrette et lui dit : — Madame vous prie de porter cela chez monsieur Adolphe ; courez… Il voit partir la femme de chambre ; et aussitôt après il prétexte une affaire, et s’en va rue du Sentier, à l’adresse indiquée. Il attend paisiblement son rival chez l’ami qui s’était prêté à son dessein. L’amant, ivre de bonheur, accourt, demande madame de Vernon ; il est introduit, et se trouve face à face avec maître Lebrun qui lui montre un visage pâle, mais froid, des yeux tranquilles, mais implacables. — Monsieur, dit-il d’une voix émue au jeune commis dont le cœur palpita de terreur, vous aimez ma femme, vous essayez de lui plaire ; je ne saurais vous en vouloir, puisqu’à votre place et à votre âge j’en eusse fait tout autant. Mais Anna est au désespoir ; vous avez troublé sa félicité, l’enfer est dans son cœur. Aussi m’a-t-elle tout confié. Une querelle facilement apaisée l’avait poussée à vous écrire le billet que vous avez reçu, elle m’a envoyé ici à sa place. Je ne vous dirai pas, monsieur, qu’en persistant dans vos projets de séduction vous feriez le malheur de celle que vous aimez, que vous la priveriez de mon estime, et un jour de la vôtre ; que vous signeriez votre crime jusque dans l’avenir en préparant peut-être des chagrins à mes enfants ; je ne vous parle même pas de l’amertume que vous jetteriez dans ma vie ; — malheureusement, c’est des chansons !… Mais je vous déclare, monsieur, que la moindre démarche de votre part serait le signal d’un crime ; car je ne me fierais pas à un duel pour vous percer le cœur !… Là, les yeux de l’avocat distillèrent la mort. — Eh ! monsieur, reprit-il d’une voix plus douce, vous êtes jeune, vous avez le cœur généreux ; faites un sacrifice au bonheur à venir de celle que vous aimez ? abandonnez-la, ne la revoyez jamais. Et s’il vous faut absolument quelqu’un de la famille, j’ai une jeune tante que personne n’a pu fixer ; elle est charmante, pleine d’esprit et riche, entreprenez sa conversion, et laissez en repos une femme vertueuse. Ce mélange de plaisanterie et de terreur, la fixité du regard et le son de voix profond du mari firent une incroyable impression sur l’amant. Il resta deux minutes interdit, comme les gens trop passionnés auxquels la violence d’un choc enlève toute présence d’esprit. Si Anna eut des amants (pure hypothèse), ce ne fut certes pas Adolphe.

Ce fait peut servir à vous faire comprendre que la correspondance est un poignard à deux tranchants qui profite autant à la défense du mari qu’à l’inconséquence de la femme. Vous favoriserez donc la correspondance, par la même raison que M. le préfet de police fait allumer soigneusement les réverbères de Paris.



§ III. — DES ESPIONS.


S’abaisser jusqu’à mendier des révélations auprès de ses gens, tomber plus bas qu’eux en leur payant une confidence, ce n’est pas un crime ; c’est peut-être une lâcheté, mais c’est assurément une sottise ; car rien ne vous garantit la probité d’un domestique qui trahit sa maîtresse ; et vous ne saurez jamais s’il est dans vos intérêts ou dans ceux de votre femme. Ce point sera donc une chose jugée sans retour.

La nature, cette bonne et tendre parente, a placé près d’une mère de famille les espions les plus sûrs et les plus fins, les plus véridiques et en même temps les plus discrets qu’il y ait au monde. Ils sont muets et ils parlent, ils voient tout et ne paraissent rien voir.

Un jour, un de mes amis me rencontre sur le boulevard ; il m’invite à dîner, et nous allons chez lui. La table était déjà servie, et la maîtresse du logis distribuait à ses deux filles des assiettes pleines d’un fumant potage. — « Voilà de mes premiers symptômes, » me dis je. Nous nous asseyons. Le premier mot du mari, qui n’y entendait pas finesse et qui ne parlait que par désœuvrement, fut de demander : — Est-il venu quelqu’un aujourd’hui ?… — Pas un chat ! lui répond sa femme sans le regarder. Je n’oublierai jamais la vivacité avec laquelle les deux filles levèrent les yeux sur leur mère. L’aînée surtout, âgée de huit ans, eut quelque chose de particulier dans le regard. Il y eut tout à la fois des révélations et du mystère, de la curiosité et du silence, de l’étonnement et de la sécurité. S’il y eut quelque chose de comparable à la vélocité avec laquelle cette flamme candide s’échappa de leurs yeux, ce fut la prudence avec laquelle elles déroulèrent toutes deux, comme des jalousies, les plis gracieux de leurs blanches paupières.

Douces et charmantes créatures qui, depuis l’âge de neuf ans jusqu’à la nubilité, faites souvent le tourment d’une mère, quand même elle n’est pas coquette, est-ce donc par privilége ou par instinct que vos jeunes oreilles entendent le plus faible éclat d’une voix d’homme au travers des murs et des portes, que vos yeux voient tout, que votre jeune esprit s’exerce à tout deviner, même la signification d’un mot dit en l’air, même celle que peut avoir le moindre geste de vos mères ?

Il y a de la reconnaissance et je ne sais quoi d’instinctif dans la prédilection des pères pour leurs filles, et des mères pour leurs garçons.

Mais l’art d’instituer des espions en quelque sorte matériels est un enfantillage, et rien n’est plus facile que de trouver mieux que ce bedeau qui s’avisa de placer des coquilles d’œuf dans son lit, et qui n’obtint d’autre compliment de condoléance de la part de son compère stupéfait que : « Tu ne les aurais pas si bien pilés. »

Le maréchal de Saxe ne donna guère plus de consolation à La Popelinière, quand ils découvrirent ensemble cette fameuse cheminée tournante, inventée par le duc de Richelieu : — « Voilà le plus bel ouvrage à cornes que j’aie jamais vu ! » s’écria le vainqueur de Fontenoi.

Espérons que votre espionnage ne vous apprendra encore rien de si fâcheux ! Ces malheurs-là sont les fruits de la guerre civile, et nous n’y sommes pas.


§ IV. — L’INDEX.


Le pape ne met que des livres à l’index ; vous marquerez d’un sceau de réprobation les hommes et les choses.

Interdit à madame d’aller au bain autre part que chez elle.

Interdit à madame de recevoir chez elle celui que vous soupçonnez d’être son amant, et toutes les personnes qui pourraient s’intéresser à leur amour.

Interdit à madame de se promener sans vous.

Mais les bizarreries auxquelles donnent naissance dans chaque ménage la diversité des caractères, les innombrables incidents des passions, et les habitudes des époux, impriment à ce Livre noir de tels changements, elles en multiplient ou en effacent les lignes avec une telle rapidité, qu’un ami de l’auteur appelait cet index l’histoire des variations de l’église conjugale.

Il n’existe que deux choses qu’on puisse soumettre à des principes fixes : la campagne et la promenade.

Un mari ne doit jamais mener ni laisser aller sa femme à la campagne. Ayez une terre, habitez-la, n’y recevez que des dames ou des vieillards, n’y laissez jamais votre femme seule. Mais la conduire, même pour une demi-journée, chez un autre… c’est devenir plus imprudent qu’une autruche.

Surveiller une femme à la campagne est déjà l’œuvre la plus difficile à accomplir. Pourrez-vous être à la fois dans tous les halliers, grimper sur tous les arbres, suivre la trace d’un amant sur l’herbe foulée la nuit, mais que la rosée du matin redresse et fait renaître aux rayons du soleil ? Aurez-vous un œil à chaque brèche des murs du parc ? Oh ! la campagne et le printemps !… voilà les deux bras droits du célibat.

Quand une femme arrive à la crise dans laquelle nous supposons qu’elle se trouve, un mari doit rester à la ville jusqu’au moment de la guerre, ou se dévouer à tous les plaisirs d’un cruel espionnage.

En ce qui concerne la promenade, madame veut-elle aller aux fêtes, aux spectacles, au bois de Boulogne ; sortir pour marchander des étoffes, voir les modes ? Madame ira, sortira, verra dans l’honorable compagnie de son maître et seigneur.

Si elle saisissait le moment où une occupation qu’il vous serait impossible d’abandonner vous réclame tout entier, pour essayer de vous surprendre une tacite adhésion à quelque sortie méditée ; si, pour l’obtenir, elle se mettait à déployer tous les prestiges et toutes les séductions de ces scènes de câlinerie dans lesquelles les femmes excellent et dont les féconds ressorts doivent être devinés par vous, eh ! bien, le professeur vous engage à vous laisser charmer, à vendre cher la permission demandée, et surtout à convaincre cette créature dont l’âme est tour à tour aussi mobile que l’eau, aussi ferme que l’acier, qu’il vous est défendu par l’importance de votre travail de quitter votre cabinet.

Mais aussitôt que votre femme aura mis le pied dans la rue, si elle va à pied, ne lui donnez pas le loisir de faire seulement cinquante pas ; soyez sur ses traces, et suivez-la sans qu’elle puisse s’en apercevoir.

Il existe peut-être des Werther dont les âmes tendres et délicates se révolteront de cette inquisition. Cette conduite n’est pas plus coupable que celle d’un propriétaire qui se relève la nuit, et regarde par la fenêtre pour veiller sur les pêches de ses espaliers. Vous obtiendrez peut-être par là, avant que le crime ne soit commis, des renseignements exacts sur ces appartements que tant d’amoureux louent en ville sous des noms supposés. Si par un hasard (dont Dieu vous garde) votre femme entrait dans une maison à vous suspecte, informez-vous si le logis a plusieurs issues.

Votre femme monte-t-elle en fiacre… qu’avez-vous à craindre ? Un préfet de police auquel les maris auraient dû décerner une couronne d’or mat n’a-t-il pas construit sur chaque place de fiacres une petite baraque où siége, son registre à la main, un incorruptible gardien de la morale publique ? Ne sait-on pas où vont et d’où viennent ces gondoles parisiennes ?

Un des principes vitaux de votre police sera d’accompagner parfois votre femme chez les fournisseurs de votre maison si elle avait l’habitude d’y aller. Vous examinerez soigneusement s’il existe quelque familiarité entre elle et sa mercière, sa marchande de modes, sa couturière, etc. Vous appliquerez là les règles de la Douane Conjugale, et vous tirerez vos conclusions.

Si, en votre absence, votre femme, sortie malgré vous, prétend être allée à tel endroit, dans tel magasin, rendez-vous-y le lendemain, et tâchez de savoir si elle a dit la vérité.

Mais la passion vous dictera, mieux encore que cette Méditation, les ressources de la tyrannie conjugale, et nous arrêterons là ces fastidieux enseignements.



§ V. — DU BUDGET.


En esquissant le portrait d’un mari valide (Voyez la Méditation des Prédestinés), nous lui avons soigneusement recommandé de cacher à sa femme la véritable somme à laquelle monte son revenu.

Tout en nous appuyant sur cette base pour établir notre système financier, nous espérons contribuer à faire tomber l’opinion assez généralement répandue, qu’il ne faut pas donner le maniement de l’argent à sa femme. Ce principe est une des erreurs populaires qui amènent le plus de contre-sens en ménage.

Et d’abord traitons la question de cœur avant la question d’argent.

Décréter une petite liste civile, pour votre femme et pour les exigences de la maison, et la lui verser comme une contribution, par douzièmes égaux et de mois en mois, emporte en soi quelque chose de petit, de mesquin, de resserré, qui ne peut convenir qu’à des âmes sordides ou méfiantes. En agissant ainsi, vous vous préparez d’immenses chagrins.

Je veux bien que, pendant les premières années de votre union mellifique, des scènes plus ou moins gracieuses, des plaisanteries de bon goût, des bourses élégantes, des caresses aient accompagné, décoré le don mensuel ; mais il arrivera un moment où l’étourderie de votre femme, une dissipation imprévue la forceront à implorer un emprunt dans la chambre. Je suppose que vous accorderez toujours le bill d’indemnité, sans le vendre fort cher par des discours, comme nos infidèles députés ne manquent pas de le faire. Ils payent, mais ils grognent ; vous payerez et ferez des compliments ; soit !

Mais dans la crise où nous sommes, les prévisions du budget annuel ne suffisent jamais. Il y a accroissement de fichus, de bonnets, de robes ; il y a une dépense inappréciable nécessitée par les congrès, les courriers diplomatiques, par les voies et les moyens de l’amour tandis que les recettes restent les mêmes. Alors commence dans un ménage l’éducation la plus odieuse et la plus épouvantable qu’on puisse donner à une femme. Je ne sache guère que quelques âmes nobles et généreuses, qui tiennent à plus haut prix que les millions la pureté du cœur, la franchise de l’âme, et qui pardonneraient mille fois une passion plutôt qu’un mensonge, dont l’instinctive délicatesse a deviné le principe de cette peste de l’âme, dernier degré de la corruption humaine.

Alors, en effet, se passent dans un ménage les scènes d’amour les plus délicieuses. Alors une femme s’assouplit ; et, semblable à la plus brillante de toutes les cordes d’une harpe jetée devant le feu, elle se roule autour de vous, elle vous enlace, elle vous enserre ; elle se prête à toutes vos exigences ; jamais ses discours n’auront été plus tendres ; elle les prodigue ou plutôt elle les vend ; elle arrive à tomber au-dessous d’une fille d’Opéra, car elle se prostitue à son mari. Dans ses plus doux baisers, il y a de l’argent ; dans ses paroles il y a de l’argent. À ce métier ses entrailles deviennent de plomb pour vous. L’usurier le plus poli, le plus perfide, ne soupèse pas mieux d’un regard la future valeur métallique d’un fils de famille auquel il fait signer un billet, que votre femme n’estime un de vos désirs en sautant de branche en branche comme un écureuil qui se sauve, afin d’augmenter la somme d’argent par la somme d’appétence. Et ne croyez pas échapper à de telles séductions. La nature a donné des trésors de coquetterie à une femme, et la société les a décuplés par ses modes, ses vêtements, ses broderies et ses pèlerines.

— Si je me marie, disait un des plus honorables généraux de nos anciennes armées, je ne mettrai pas un sou dans la corbeille…

— Et qu’y mettrez-vous donc, général ? dit une jeune personne.

— La clef du secrétaire.

La demoiselle fit une petite minauderie d’approbation. Elle agita doucement sa petite tête par un mouvement semblable à celui de l’aiguille aimantée ; son menton se releva légèrement, et il semblait qu’elle eût dit : — J’épouserais le général très-volontiers, malgré ses quarante-cinq ans.

Mais comme question d’argent, quel intérêt voulez-vous donc que prenne une femme dans une machine où elle est gagée comme un teneur de livres ?

Examinez l’autre système.

En abandonnant à votre femme, sous couleur de confiance absolue, les deux tiers de votre fortune, et la laissant maîtresse de diriger l’administration conjugale, vous obtenez une estime que rien ne saurait effacer, car la confiance et la noblesse trouvent de puissants échos dans le cœur de la femme. Madame sera grevée d’une responsabilité qui élèvera souvent une barrière d’autant plus forte contre ses dissipations qu’elle se la sera créée elle-même dans son cœur. Vous, vous avez fait d’abord une part au feu, et vous êtes sûr ensuite que votre femme ne s’avilira peut-être jamais.

Maintenant, en cherchant là des moyens de défense, considérez quelles admirables ressources vous offre ce plan de finances.

Vous aurez, dans votre ménage, une cote exacte de la moralité de votre femme, comme celle de la Bourse donne la mesure du degré de confiance obtenu par le gouvernement.

En effet, pendant les premières années de votre mariage, votre femme se piquera de vous donner du luxe et de la satisfaction pour votre argent.

Elle instituera une table opulemment servie, renouvellera le mobilier, les équipages ; aura toujours dans le tiroir consacré au bien-aimé une somme toute prête. Eh ! bien, dans les circonstances actuelles, le tiroir sera très-souvent vide, et monsieur dépensera beaucoup trop. Les économies ordonnées par la Chambre ne frappent jamais que sur les commis à douze cents francs ; or, vous serez le commis à douze cents francs de votre ménage. Vous en rirez, puisque vous aurez amassé, capitalisé, géré, le tiers de votre fortune pendant long-temps ; semblable à Louis XV qui s’était fait un petit trésor à part, en cas de malheur, disait-il.

Ainsi votre femme parle-t-elle d’économie, ses discours équivaudront aux variations de la cote bursale. Vous pourrez deviner tous les progrès de l’amant par les fluctuations financières, et vous aurez tout concilié : E sempre bene.

Si, n’appréciant pas cet excès de confiance, votre femme dissipait un jour une forte partie de la fortune, d’abord, il serait difficile que cette prodigalité atteignît au tiers des revenus gardés par vous depuis dix ans ; mais ensuite, la Méditation sur les Péripéties vous apprendra qu’il y a dans la crise même amenée par les folies de votre femme d’immenses ressources pour tuer le Minotaure.

Enfin le secret du trésor entassé par vos soins ne doit être connu qu’à votre mort ; et si vous aviez besoin d’y puiser pour venir au secours de votre femme, vous serez censé toujours avoir joué avec bonheur, ou avoir emprunté à un ami.

Tels sont les vrais principes en fait de budget conjugal.

La police conjugale a son martyrologe. Nous ne citerons qu’un seul fait, parce qu’il pourra faire comprendre la nécessité où sont les maris qui prennent des mesures si acerbes de veiller sur eux-mêmes autant que sur leurs femmes.

Un vieil avare, demeurant à T…, ville de plaisir, si jamais il en fut, avait épousé une jeune et jolie femme ; et il en était tellement épris et jaloux que l’amour triompha de l’usure ; car il quitta le commerce pour pouvoir mieux garder sa femme, ne faisant ainsi que changer d’avarice. J’avoue que je dois la plus grande partie des observations contenues dans cet essai, sans doute imparfait encore, à la personne qui a pu jadis étudier cet admirable phénomène conjugal ; et, pour le peindre, il suffira d’un seul trait. Quand il allait à la campagne, ce mari ne se couchait jamais sans avoir secrètement ratissé les allées de son parc dans un sens mystérieux, et il avait un râteau particulier pour le sable de ses terrasses. Il avait fait une étude particulière des vestiges laissés par les pieds des différentes personnes de sa maison, et dès le matin, il en allait reconnaître les empreintes. — Tout ceci est de haute futaie, disait-il à la personne dont j’ai parlé, en lui montrant son parc, car on ne voit rien dans les taillis… Sa femme aimait un des plus charmants jeunes gens de la ville. Depuis neuf ans cette passion vivait, brillante et féconde, au cœur des deux amants qui s’étaient devinés d’un seul regard, au milieu d’un bal ; et, en dansant, leurs doigts tremblants leur avaient révélé, à travers la peau parfumée de leurs gants, l’étendue de leur amour. Depuis ce jour, ils avaient trouvé l’un et l’autre d’immenses ressources dans les riens dédaignés par les amants heureux. Un jour le jeune homme amena son seul confident d’un air mystérieux dans un boudoir où, sur une table et sous des globes de verre, il conservait, avec plus de soin qu’il n’en aurait eu pour les plus belles pierreries du monde, des fleurs tombées de la coiffure de sa maîtresse, grâce à l’emportement de la danse, des brinborions arrachés à des arbres qu’elle avait touchés dans son parc. Il y avait là jusqu’à l’étroite empreinte laissée sur une terre argileuse par le pied de cette femme. — J’entendais, me dit plus tard ce confident, les fortes et sourdes palpitations de son cœur sonner au milieu du silence que nous gardâmes devant les richesses de ce musée d’amour. Je levai les yeux au plafond comme pour confier au ciel un sentiment que je n’osais exprimer. — Pauvre humanité !… pensais-je… — Madame de… m’a dit qu’un soir, au bal, on vous avait trouvé presque évanoui dans son salon de jeu ?… lui demandai je. — Je crois bien, dit-il en voilant le feu de son regard ; je lui avais baisé le bras !… — Mais, ajouta-t-il en me serrant la main et me lançant un de ces regards qui semblent presser le cœur, son mari a dans ce moment-ci la goutte bien près de l’estomac… Quelque temps après, le vieil avare revint à la vie, et parut avoir fait un nouveau bail ; mais, au milieu de sa convalescence, il se mit au lit un matin, et mourut subitement. Des symptômes de poison éclatèrent si violemment sur le corps du défunt, que la justice informa, et les deux amants furent arrêtés. Alors il se passa, devant la cour d’assises, la scène la plus déchirante qui jamais ait remué le cœur d’un jury. Dans l’instruction du procès, chacun des deux amants avait sans détour avoué le crime, et, par une même pensée, s’en était seul chargé, pour sauver, l’une son amant, l’autre sa maîtresse. Il se trouva deux coupables là où la justice n’en cherchait qu’un seul. Les débats ne furent que des démentis qu’ils se donnèrent l’un à l’autre avec toute la fureur du dévouement de l’amour. Ils étaient réunis pour la première fois, mais sur le banc des criminels, et séparés par un gendarme. Ils furent condamnés à l’unanimité par des jurés en pleurs. Personne, parmi ceux qui eurent le courage barbare de les voir conduire à l’échafaud, ne peut aujourd’hui parler d’eux sans frissonner. La religion leur avait arraché le repentir du crime, mais non l’abjuration de leur amour. L’échafaud fut leur lit nuptial, et ils s’y couchèrent ensemble dans la longue nuit de la mort.