Physiologie botanique. — Sur un fait physiologique observé sur des feuilles de Drosera. Note de M. Ziégler. (Extrait.)

physiologie botanique. — Sur un fait physiologique observé sur des feuilles de Drosera. Note de M. Ziégler. (Extrait.)

(Commissaires : MM. de Quatrefages, Duchartre, Blanchard.)

« Les cils des feuilles des Droséras indigènes exsudent à leur extrémité, comme on lésait, une gouttelette de glu à laquelle se prennent les insectes ! Chaque fois qu’un insecte est pris, les cils extérieurs se replient, couvrent l’insecte, comme feraient les doigts crispés d’une main, et ne se redressent qu’au bout de quelques jours pour suinter une nouvelle glu et guetter une nouvelle proie.

» En étudiant ces intéressantes plantes, j’ai remarqué que toutes les substances albuminoïdes animales, qu’on a préalablement tenues pendant une minute entre les doigts, acquièrent la propriété de faire contracter les cils des Droséras. J’ai constaté aussi que les mêmes substances, quand elles n’ont pas été mises préalablement en contact avec un animal vivant, n’exercent aucune action visible sur les cils des susdites plantes. Cette observation prouve que le simple contact des doigts communique aux substances animales inertes une propriété physique qu’elles ne possédaient pas, ou qu’elles ne possédaient plus.

Ces mêmes substances animales, ainsi préparées, perdent cette singulière propriété dès qu’on les humecte à plusieurs reprises avec de l’eau distillée, et qu’on les sèche chaque fois au bain-marie. C’est ainsi qu’il convient de préparer toutes les substances qui doivent servir dans ces expériences. La contraction des cils n’est pas provoquée par la chaleur animale, que les doigts ont pu communiquer aux substances animales, car les cils se contractent de la même manière, lorsqu’on a laissé refroidir la substance avant de la déposer sur une feuille. La transpiration des doigts n’est pour rien non plus dans le phénomène, car cette curieuse propriété peut être communiquée aux substances animales à travers du papier ciré fin, et en ne maniant ces substances qu’avec des instruments en acier. Enfin il n’y a aucun inconvénient à entourer ces substances d’une couche de cire, pour mettre la plante à l’abri de l’action chimique des matières solubles que les substances animales pourraient contenir.

» Un animal vivant communiquant, par simple contact, de nouvelles propriétés physiques à un corps inerte, il était important de s’assurer si, en exagérant cette transmission de propriété, on n’arriverait pas, à observer quelques changements dans l’état vital de l’animal. Des lapins ont été enfermés dans des cages légères en bois ; ces cages étaient assez étroites pour que leurs parois fussent constamment en contact avec les poils des lapins, soit d’un côté, soit de l’autre, et les parois de la cage étaient flanquées extérieurement de sachets en toile ou en papier, renfermant pour chaque cage deux kilogrammes de sérum desséché (albumine du sang). D’autres lapins ont été enfermés dans des cages exactement semblables, mais non garnies d’albumine. La nourriture se composait, par vingt-quatre heures, de 25 grammes d’avoine mondée et de feuilles de choux à discrétion. Au bout de quelques jours, les lapins soumis au contact de l’albumine sont devenus diabétiques à un haut degré quoique sans sucre, l’urée était rendue en quantité normale, mais les pertes en phosphate ammoniaco-magnésien étaient très-grandes, et ces lapins ont dépéri et perdu de leur poids. Les lapins qui n’étaient pas en contact avec l’albumine sont restés dans leur état normal et ont même un peu augmenté en poids.

» Il était intéressant de s’assurer si l’avidité de la Droséra pour les insectes était insatiable, et de rechercher ce qu’elle deviendrait si l’on exagérait sur elle le contact d’un animal vivant ou le contact de matière animale inerte, modifiée par un contact d’animal vivant. Des Droséras ont été placées, avec une petite motte de terre et suffisamment d’eau, dans des capsules légères en platine. Ces capsules ont été déposées chacune sur une poignée d’albumine du sang, qu’on avait eu soin de tenir pendant une demi-heure dans la main. Au bout de vingt-quatre heures, toutes ces Droséras sont devenues complètement insensibles aux insectes et aux corps organiques animaux, modifiés par un contact vivant. Les propriétés de ces plantes sont devenues inverses, et, chose merveilleuse, leurs cils se contractent alors sous l’influence de matières organiques qui avaient d’abord été mises en contact, pendant quelques minutes, avec des paquets en papiers à double ou triple enveloppe, renfermant du sulfate de quinine. Des matières organiques influencées de cette manière purement physique, par le sulfate de quinine, ne produisent aucune action contractile sur les cils des Droséras dans leur état normal. Une de ces plantes, dont les propriétés physiques ont été renversées par l’influence de l’albumine, de la manière qu’il vient d’être dit ci-dessus, peut être ramenée à son état normal en la déposant, pendant vingt-quatre heures, avec la capsule en platine sur un paquet de sulfate de quinine. Il faut user de ce moyen chaque fois que, par une cause quelconque, les feuilles sont devenues insensibles aux insectes. Dans tous les cas, la contraction des cils est toujours lente, elle ne commence à être visible qu’au bout d’un quart d’heure, et n’est souvent complète qu’au bout de quelques heures. Parmi les matières végétales, il n’y a que les graines qui soient impressionnables par un contact animal. On peut donc répéter les expériences ci-dessus indiquées en remplaçant les matières albuminoïdes animales pas des graines végétales. »