Phonétique d’un parler irlandais de Kerry/3-9

Troisième partie. Le groupe. La syllabe. Le mot. La phrase.
Chapitre IX. — Dissimilation et assimilation dans le mot

Chapitre IX
Dissimilation et assimilation dans le mot

§ 291. Pour les phénomènes d’assimilation et de différenciation entre phonèmes en contact (groupes consonan­tiques ou diph­tongues), cf. chap. ii et § 207.

Dissimilation.

Le parler présente quelques alternances provenant de dissimi­lations régres­sives. On a ainsi :

dr : r > d : r.

mɑdərᴜ·ə (madraruadh) « renard » ; de mɑdᵊrə (madra) « chien », et rᴜ·ə (ruadh) « rouge ».

kr : nr > k : nr.

kᴀᴜnrɑ̃:n à côté de krᴀᴜnrɑ̃:n (crannrán) « se disputer ».

nʹh : h >  : h.

bʹrʹᴇnʹɩhɩ (breithnighthe), pour *bʹrʹᴇnʹhɩhɩ, part. de bʹrʹᴇnʹhi:m (breith­nighim) « je juge » ; cf. αnəhə (ceann­uighthe) de αnɩ:mʹ (ceann­uighim) « j’achète ».

dʹrʹ : rdʹ >  : rdʹ.

dʹe:r dʲɑ:rɩvʹ, de dʹrʹe:rʹ, dərʹe:rʹ (do réir) « d’après », et dʲɑ:rəv (deallramh) « apparence ». Sans doute aussi faut-il tenir compte de l’influence de l’r de dʲɑ:rəv.

Dans ɛr lʹᴇhɩrʹɩgʹ ou ɛr lʹᴇhɩlʹɩgʹ (ar leith­iligh) « à l’écart », le premier l a dissimilé le second. Sans doute cela s’explique-t-il par la résis­tance de l’initiale. De même χrənəχ (Loch­rannach) « Norvégien », entendu pour χlənəχ.

§ 292. Certains flotte­ments dans le conso­nantisme des mots (inté­ressant des liquides ou des nasales) ne s’expli­quent pas par dissimi­lation :

krɑbəntə ou kɑbəntə (crabanta) « bavard ».

prᴜ·ɛʃ ou plᴜ·ɛʃ (pluais) « trou, tanière ».

pɑtəlo:g ou pɑ̃ntəlo:g (patalóg) « gros bébé joufflu ».

D’autres doublets sont dus à une hésitation sur la qualité vélaire ou palatale d’une consonne ou d’un groupe, due souvent à des influ­ences morpho­logiques plus qu’à un flotte­ment phoné­tique.

klʹïsmərtʹ ou klʹiʃmʹərtʹ (cliosmairt) « tumulte ».

fɔləgəχ et fʷɪlʹɩgʹəχ (fuiligeach) « patient ».

fɔhɩnʲu:ⁱlʹ et fʷihɩnʲu:ⁱlʹ (fothaineamhail) « abrité du vent ».

Assimilation.

§ 293. Consonantique : r : >  : , kʹi:lʹ tᴜ·əhɩlʹ à côté de kʹi:ᵊr tᴜ·əhɩlʹ (cíor tuathail), « confusion, désordre ».

Vocalique : On a vu que les voyelles atones (voyelles posttoniques et, dans une moindre mesure, voyelles pré­toniques) sont de timbre ɩ ou ə selon la qualité palatale ou vélaire de la consonne suivante. La voyelle lâche ə est par ailleurs variable depuis un ɐ, très bas, jusqu’à la position moyenne ; au point de vue de la hauteur, comme de la position des lèvres (arron­disse­ment), ə s’assimile à la voyelle tonique. Le timbre de la voyelle post­tonique varie ainsi con­sidérable­ment selon qu’on a : ɑ, α ou ɔ, ou ʌ en syllabe tonique.

ə = ɐ dans :

ɑrəm (arm) « arme » ; bɑləv (balbh) « muet » ; αləv (dealbh) « apparence » ; αnəv (leanbh) « enfant » ; ʃαnəg (seang) « gracieux » ; tɑləv (talamh) « terre ».

ə est plus ou moins arrondi, et assez en arrière (rappelant un ɔ lâche) dans :

bɔləg (bolg) « ventre » ; kɔlpə (colpa) « mollet » ; dɔhəl (doicheall) « dis­position in­hospi­talière » ; fɔləg (fulang) « supporter » ; fɔləv (follamh) « vide ».

Après ʌ, ə représente un son ə type, non arrondi, de timbre neutre :

dʌrən (dorn) « poing » ; dʌrəs (doras) « porte » ; gʌrəm (gorm) « bleu » (mais on a aussi gɔrəm) ; sʌrə (sara) « avant que » ; tʌrə (toradh) « fruit ».

Le timbre est sensiblement le même dans kᴜməs (cumas) « pouvoir », etc.