Petit manuel de politesse et de savoir-vivre à l’usage de la jeunesse/Texte entier

PETIT MANUEL
DE
POLITESSE ET DE SAVOIR-VIVRE


La civilité consiste à bien régler ses discours et ses actions.

2. Celui qui ne connaît pas les règles de la civilité manque souvent aux usages reçus dans le pays où il se trouve, et devient par là l’objet du mépris général.

3. Veiller sur toutes nos actions, éviter avec soin de mettre nos défauts en évidence, être indulgent pour les défauts d’autrui, avoir pour chacun les égards qui lui sont dus suivant son âge et sa condition, donner à tout le monde des marques d’une bienveillance sagement entendue : voilà ce que la civilité, ou si l’on veut, la politesse, exige plus particulièrement de nous.

4. « La politesse, dit La Bruyère, est une certaine attention à faire pour que, par nos discours et par nos actions, les autres soient contents de nous et d’eux-mêmes. »

Elle est le supplément de beaucoup de vertus, puisqu’elle s’oppose souvent à nos démarches, nous fait renoncer à nos mauvaises habitudes, mesurer nos discours, et donner à nos actions un but utile au prochain.

5. On distingue deux sortes de politesse : l’une, celle du cœur, qui dérive de vertus chrétiennes ou morales (l’humilité, la charité, la modestie et la bienveillance) : l’autre, celle d’apparence, qui a sa source dans l’amour-propre, la vanité et l’intérêt.

6. L’homme que la vertu rend poli, ne fait jamais rien de désobligeant ; il sent tout ce qui lui manque, et par cette raison, il est très modeste, extrêmement indulgent pour autrui, et très sévère pour lui-même. Sa bienveillance le porte à excuser les autres, à leur trouver du mérite et à les servir de tout son pouvoir, quelque soit leur rang ou les circonstances où il les voit placés.

7. L’homme poli par calcul, est vain, présomptueux, égoïste ; il n’aime, n’estime et n’oblige personne que par intérêt. Ses protestations d’amitié, ses attentions, ses prévenances, sont autant de grimaces qui n’offrent qu’un simulacre de politesse.

8. Ce n’est sans doute pas ce dernier qu’il faut chercher à imiter ; mais quelque méprisable qu’il soit, sa présence est moins dangereuse, moins insupportable que celle d’un enfant grossier, brusque et malpropre.

9. Un auteur estimable a dit : « dans ce siècle poli, la grossièreté est le premier des défauts ; il faudrait un mérite bien supérieur pour se la faire pardonner. La politesse, au contraire, forme seule une recommandation, elle tient lieu de bien de talents : on aime à voir dans les jeunes gens une perfection qui honore toutes les conditions de la vie et qui embellit également tous les âges. »

Du lever, de la prière et des soins commandés par la propreté, au commencement du jour ; du coucher.

La civilité nous impose des devoirs pour chaque instant du jour ; elle s’étend sur toutes nos actions, à commencer par le lever.

2. Le premier soin d’un enfant, avant de se lever, doit être d’offrir son cœur à Dieu, de lui demander qu’il veuille bien répandre sur lui ses bénédictions pendant le cours de la journée, afin qu’il remplisse exactement tous les devoirs qui lui sont imposés, et qu’il se corrige des défauts auxquels il est le plus enclin.

3. Il doit, après avoir payé à Dieu ce premier tribut d’hommages et de reconnaissance, se lever promptement et s’habiller avec toute la décence possible.

4. Ayez soin de vous laver la figure, les yeux, la bouche et les mains ; de vous frotter les oreilles, de vous peigner, couper les ongles, nettoyer les dents, de brosser vos habits, de n’avoir ni trou ni tache sur vos vêtements, d’avoir vos bas bien tendus, vos souliers propres et enfin d’être vêtu de manière à donner bonne opinion de vous.

5. Rien ne contribue davantage à la conservation de la santé, que les soins que je recommande ici : l’enfant qui les néglige un jour, n’inspire que le dégoût, et donne de lui une si mauvaise opinion, qu’il est certain que le désordre de sa toilette sera regardé comme une suite de sa paresse, de ses autres défauts, ou des imperfections de son âme.

6. Lorsque vous serez habillé, vous irez souhaiter le bonjour à votre père et votre mère, vous informer de leur santé, écouter attentivement les ordres qu’il leur plaira vous donner, et les exécuter ensuite très ponctuellement, soit que ce qu’ils vous ordonneront vous paraisse agréable ou pénible.

Du coucher.

8. L’heure du coucher étant arrivée, après avoir obtenu de vos parents la permission de vous retirer, faites votre prière, comme le matin ; déshabillez-vous décemment ; pliez et placez vos habits avec ordre et propreté.

9. Couchez-vous ensuite sur le côté droit, et non pas sur le ventre ou sur le dos, cela étant nuisible à la santé et entretenez votre esprit de tout ce que vous aurez fait pendant le jour.

10. Si vous vous rappelez quelqu’action blâmable, demandez-en sincèrement pardon à Dieu, et promettez-lui bien de ne plus commettre la faute que vous auriez à vous reprocher.

Comment il faut se conduire à l’église.

Dans une église vous êtes plus particulièrement en présence de Dieu, et vous ne sauriez y être avec assez de respect et d’humilité ; que votre maintien soit donc humble et que votre attention ne se partage pas avec tout ce qui peut se passer autour de vous.

2. Si vous entendez la messe, si vous assistez à quelques cérémonies religieuses, priez Dieu à voix basse, afin de ne pas interrompre ceux qui vous avoisinent. Gardez-vous bien surtout de jaser ou de paraître vous occuper de toute autre chose que de votre prière, car alors le scandale que vous causeriez vous rendrait inexcusable.

3. Lorsque vous assistez au prône ou au sermon, écoutez attentivement le prédicateur : faites que rien de ce qu’il dira ne vous échappe, afin de vous conformer à ce qu’il vous prescrira au nom du Seigneur qu’il représente sur la terre.

4. Toutes les fois que vous entrez à l’église, vous devez prendre de l’eau-bénite du bout du doigt, en mettre sur votre front, et faire ensuite le signe de la croix.

5. Si vous rencontrez dans la rue le saint Sacrement, découvrez-vous, fléchissez le genou, et courbez humblement la tête et le corps, jusqu’à ce qu’il soit éloigné d’une vingtaine de pas.

6. Vous apprendrez, en étudiant le catéchisme, tout ce qu’il importe que vous sachiez touchant les mystères de notre sainte religion.

Des devoirs envers le prochain.

« Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qui vous fût fait. »

« Faites à autrui tout le bien que vous voudriez qu’on vous fît. »

2. Par un de ses commandements, Dieu nous ordonne d’aimer notre prochain comme nous-mêmes ; comment oseriez-vous manquer à votre devoir envers vos semblables ?… Soyez indulgent pour les fautes d’autrui ; vous aurez souvent besoin qu’on vous pardonne.

3. N’imitez ces enfants mal élevés, qui s’amusent du spectacle humiliant qu’offre celui qui a perdu la raison par un excès de vin, ou de toute autre liqueur spiritueuse. Plaignez au contraire celui de vos semblables qui s’est ainsi placé au rang des animaux.

4. Ne raillez pas votre prochain sur les défauts dont il n’est pas maître de se corriger. Rappelez-vous qu’il arrive souvent que les imperfections du corps sont compensées (dans les sujets mal conformés, laids, boiteux ou bossus) par quelques bonnes qualités du cœur ou de l’esprit.

5. Par cette raison, les personnes ainsi maltraitées de la nature, se font presque toujours rechercher, alors qu’on fuit le plus beau jeune homme, la plus jolie demoiselle que souvent un sot orgueil et de mauvaises façons rendent insupportables.

6. Gardez-vous bien de contrefaire les paroles ou les gestes de quelqu’un. Celui dont vous vous moquez, s’il venait à le savoir, en serait plus offensé que du discours le plus injurieux que vous auriez pu tenir contre lui.

7. Secourez votre prochain, compâtissez à ses maux, consolez-le dans ses infortunes ; cette conduite sera pour vous une source de bénédictions.

8. Si vous donnez l’aumône à un autre, ne le faites pas repentir par votre brusquerie, de vous l’avoir demandée. Combien n’est-il à plaindre ce malheureux, obligé par l’infortune ou les infirmités de venir tendre la main à ses semblables ?

Des devoirs envers les Parents, les Maîtres et les Supérieurs.

Soyez respectueux avec vos supérieurs, respectueux, soumis, reconnaissant et attaché à vos maîtres : respectueux, soumis, reconnaissant, attaché et dévoué à vos père et mère et à vos bienfaiteurs.

2. Vos père et mère tiennent auprès de vous la place de Dieu sur la terre ; ils ont soigné votre enfance, veillent à votre éducation, travaillent sans cesse pour rendre moins pénible votre passage dans ce monde, en vous ménageant un avenir heureux ; et ils sacrifieraient leur vie même, s’il en était besoin, comment ne les aimeriez-vous point !…

3. Vous vous montrerez soumis envers eux, en leur obéissant promptement, et en faisant de bon cœur ce qu’ils vous commanderont ; vous vous rendriez coupable, vous les affligeriez, et vous agiriez contre vos devoirs et contre vos propres intérêts, si jamais vous murmuriez ou si vous résistiez à leurs ordres.

4. Vous les respecterez, en leur rendant toutes sortes d’hommages, en leur parlant d’un air soumis, en les saluant toutes fois que vous les aborderez, en cachant et ne parlant pas de leurs défauts, et surtout en ne cherchant jamais à leur en trouver ; Dieu a dit : honorez votre père et votre mère.

5. Vous leur prouverez votre reconnaissance, votre attachement et votre amitié, en les soignant dans leurs adieu selon votre âge, et vos moyens, en les servant et fournissant à tous leurs besoins, suivant votre fortune, lorsque leur vieillesse ou leur position exigera votre assistance.

6. Si l’un de vos parents, de vos maîtres ou de vos supérieurs vous adresse la parole, ce serait montrer le plus mauvais caractère et la plus mauvaise éducation que de lui répondre avec humeur et impolitesse : si vous avez tort, taisez-vous et corrigez-vous ; si vous croyez avoir raison, excusez-vous avec modération, et gardez ensuite un silence respectueux.

7. Il faut un talent, une vertu, une vocation toute particulière pour se livrer à l’enseignement de la jeunesse ; aussi ne pourrez-vous jamais assez payer les soins de vos maîtres ou de vos maîtresses.

8. Quel que soit le rang que votre naissance ou votre fortune vous appelle à tenir dans le monde, n’oubliez dans aucun temps qu’après votre père et votre mère, ils ont les droits les mieux acquis à votre respect et à votre reconnaissance.

9. Suivez exactement tout ce qu’ils vous ordonneront ; soumettez-vous sans murmure aux punitions qu’ils vous infligeront ; écoutez attentivement leurs avis ; profitez de leurs leçons, et employez tous vos moyens pour vous corriger des défauts qu’ils vous reprocheront.

Du respect qu’on doit aux ecclésiastiques, aux vieillards et à toutes les personnes revêtues de dignités.

Honorez en la personne des ecclésiastiques, le Dieu qu’ils servent et représentent, et à qui ils appartiennent de près, à cause de leur ministère. Respectez-les et ayez dans tous les temps pour eux la plus grande déférence.

2. La vieillesse est par elle-même une chose vénérable, c’est pourquoi les enfants ne sauraient avoir trop de respect pour les vieillards. Il faut leur montrer les plus grands égards en toutes circonstances, leur rendre tous les services possibles, supporter avec douceur les défauts de leur âge, n’en point faire surtout un sujet de plaisanterie.

3. Ayez toujours dans l’esprit que peut-être vous arriverez à cet âge redoutable ; que vos père et mère n’en sont pas éloignés ; et craignez alors, et pour eux et pour vous, les mépris d’une impertinente jeunesse.

4. Ceux qui agissent sans considération et sans respect avec les personnes plus âgées qu’eux, prouvent qu’ils manquent d’éducation, de religion, d’humanité : fuyez, bien vite le méchant qui se moque en face d’un vénérable vieillard ; il ne peut être qu’un homme maudit de Dieu.

5. Si quelqu’un au-dessus de vous par son âge ou par sa dignité, vient dans le lieu où vous vous trouvez, levez-vous, et ne vous assayez point qu’on ne vous l’ait permis. Si la personne vous adresse la parole, saluez, puis répondez modestement.

6. Soyez convaincu que la politesse est un bien qui rend beaucoup à qui le cultive. Peu importe que celui avec lequel vous êtes poli, mérite ou soit indigne de vos égards, vous n’en passerez moins pour être bien élevé, et vous retirerez seul tout l’avantage de vos bons procédés ; c’est aussi pourquoi, plus on est respectueux
avec des personnes en place et avec celles qui ont du mérite, plus on fait valoir, plus on fait ressortir les bonnes qualités dont on peut être orné.

Comment il faut se conduire à table, pendant les repas.

Lorsqu’on vous a fait connaître la place que vous devez occuper à table, attendez pour vous asseoir, que tout le monde vous en ait donné l’exemple, et ne vous hâtez pas trop de déplier votre serviette.

2. Avant de commencer à manger, dites le bénédicité, et lorsque vous aurez fini votre repas, dites les grâces ; mais remplissez ce devoir à voix basse, afin d’éviter d’interrompre les autres, ou d’attirer leur attention sur vous.

3. Ne vous tenez ni trop près ni trop loin de la table ; ayez le corps droit sur votre chaise, les poignets et non pas les coudes appuyés, et ne gesticulez pas en mangeant.

4. Le couteau, la fourchette et la cuiller se mettent à droite, à côté de l’assiette ; le pain à gauche, le verre en avant et presque vis-à-vis de la main droite. La cuiller se rend avec l’assiette, lorsqu’on ne doit plus s’en servir.

5. On ne doit pas tenir toujours le couteau à la main. Il faut le remettre sur la nappe après s’en être servi, et ne le reprendre que lorsqu’on en aura besoin de nouveau.

6. Le sel se prend avec la pointe du couteau, qu’il faut avoir soin d’essuyer en le passant dans votre pain. Si l’on vous présente de la viande, des légumes, de la crème ou quelque chose de liquide, donnez votre assiette de la main gauche, prenez de la main droite celle qu’on vous présente et inclinez-vous pour remercier en la recevant. Les œufs, les fruits et tous les objets secs se prennent avec la main.

7. Il faut poser sur le bord de son assiette, les os, les arrêtes et tout et ce qui se mange pas, ou pourquoi on a du dégoût. Les pelures de fruits, les noyaux, les coquilles de noix, les coques d’œufs, etc., se mettent sur l’assiette. On doit prendre du bout des doigts les pépins et les noyaux des fruits qu’on a mangés, et non pas les cracher dans la main ou sur son assiette.

8. Lorsqu’on vous demande du pain il faut le présenter sur une assiette, et jamais avec les doigts. Si l’on vous demande à boire, mettez le verre sur une assiette, et quand la personne l’aura pris à la main, vous verserez. La cuiller, la fourchette et le couteau se présentent en tournant le manche du côté de celui qui les reçoit.

9. Celui qui change les assiettes doit toujours avoir soin de commencer par la personne la plus considérable de la compagnie, et continuer ensuite sans distinction, en faisant le tour de la table.

10. Ne humez pas et ne buvez point votre bouillon à bord de votre assiette : servez-vous de votre cuiller. Si votre soupe et trop chaude, gardez-vous bien de souffler pour la refroidir ; il faut remuer doucement ; il n’est pas moins inconvenant de souffler sur les autres mets.

11. Ne versez jamais le bouillon ou la sauce du plats ou des assiettes dans la cuiller, pour en tirer jusqu’à la dernière goutte. Il est également contre la bienséance de les essuyer avec du pain ; il faut y laisser ce que la cuiller ne peut prendre.

12. Ne mordez pas dans votre pain et ne le coupez pas sur la serviette, mais cassez-en un morceau à la fois, au fur et à mesure du besoin. Il ne faut non plus mordre dans une poire ou une pomme ; il faut la
couper et faire attention de ne point garder le couteau en main pendant qu’on la mange.

13. Ne mangez ni trop vite, ni trop lentement ; ne mettez point dans la bouche un morceau avant que l’autre ne soit avalé : évitez de faire entendre le mouvement de vos lèvres ou de votre mâchoire, et ne prenez avec votre cuiller ou votre fourchette, que ce que vous pourrez manger en une fois.

14. Il est très déplacé de tendre son assiette pour être servi avant les autres ; de regarder avec attention ce qui se trouve sur celle de son voisin ; de flairer ce qu’on vous a servi, ou de demander un morceau plutôt qu’un autre ; à moins qu’on ne vous ait engagé à dire ce que vous préférez.

15. Lorsqu’on vous présente une assiette sur laquelle il y a des morceaux, soit d’une volaille, ou de toute autre chose qu’on a découpée, ne choisissez pas le morceau le plus délicat ou le plus gros, ce serait agir en gourmand.

16. Rien n’est plus incivil que de prendre quelque chose au plat avec la fourchette dont on se sert pour manger ; de lécher ses doigts, son couteau ou sa cuiller ; de rappeler à table une idée dégoûtante ; de faire des boulettes avec le pain et de les jeter ensuite, soit après ses camarades, soit après les autres convives.

17. N’ouvrez pas trop la bouche en mangeant, afin d’éviter de faire voir ce que vous mâchez. Si vous trouvez dans ce que vous avez sur votre assiette, un cheveu, un insecte, ou quelqu’autre objet répugnant, ôtez-le avec précaution, et posez-le sur le bord de votre assiette, de crainte de faire partager aux autres les dégoûts que vous pourrez ressentir.

18. S’il arrivait que vous eussiez mis dans votre bouche un morceau qui vous fît mal, ôtez-le en vous couvrant le visage avec votre serviette, et prenez, pour qu’il ne soit pas aperçu, la même précaution qui vient de vous être recommandée.

19. En coupant quelque chose sur votre assiette ou sur un plat, prenez garde de faire sauter de la sauce sur vos habits ou sur ceux qui sont auprès de vous.

20. N’écurez pas vos dents avec votre couteau, ou votre fourchette ; ne cassez point les os et ne les frappez point sur votre assiette pour en tirer la moelle ; ne cassez pas les noyaux avec vos dents, et évitez avec le plus grand soin de parler avec la bouche pleine.

21. Il est très inconvenant de donner son avis sur les mets qui sont sur la table ; si vous devez le faire, parce qu’on vous y invite, que votre réponse soit toujours aussi avantageuse que possible.

22. Abstenez-vous toujours de faire connaître quels sont les mets qui vous plaisent davantage, ni ceux pour lesquels vous avez du dégoût. Ne dites point par exemple : je ne mange point de bœuf ; je ne saurais sentir le jambon ; les haricots me font mal ; je mange le rôti avec plaisir, j’aime mieux la volaille que le mouton, etc.

23. Si vous avez un dégoût invincible pour quelque chose (quoiqu’il soit facile de corriger, dans sa jeunesse, ses aversions presque toujours imaginaires), faites en sorte que cette répugnance ne soit point connue, et si l’on vous a donné un morceau qui vous soit impossible de manger, laissez-le sur votre assiette, et attendez qu’on vous serve d’un autre mets.

24. Ne demandez pas à boire en prenant le potage ; attendez que vous ayez déjà mangé quelqu’autre chose. Avant de boire, essuyez-vous les lèvres et les doigts avec votre serviette. Ne buvez pas ayant quelque chose dans la bouche ; ne considérez pas attentivement ce que vous allez boire ; buvez d’un trait, et non pas à plusieurs reprises.

25. En buvant, que vos regards ne se portent pas de côté et d’autre, ne parlez pas le verre à la main ; après avoir bu, ne poussez pas un grand soupir comme pour reprendre haleine, et essuyez-vous la bouche de nouveau.

26. Si quelqu’un boit à votre santé, inclinez-vous modestement pour le remercier.

Si l’on porte la santé d’un des convives, buvez après avoir fait une inclination respectueuse à la personne dont on porte la santé. Il n’est point permis à un enfant de porter une santé ; ce droit n’appartient qu’aux personnes les plus distinguées de la table.

27. N’imitez pas surtout ces gourmands assez mal élevés, pour mettre dans leurs poches et emporter du fruit, des bonbons, ou quelqu’autre friandise de la table.

Ce qu’il faut observer en classe ou à l’école ; des égards que les enfants se doivent mutuellement.

Je n’ajouterai rien à ce que j’ai dit relativement aux égards, au respect et à la reconnaissance que vous devez à vos maîtres.

2. En classe ou à l’école, restez à la place qui vous aura été assignée ; n’incommodez point vos compagnons, soit en causant, soit en les poussant, les heurtant ou les gênant en quelque manière que ce soit.

3. Si vous frappiez ou si vous faisiez le moindre mal à vos compagnons, vous donneriez une preuve de votre méchanceté. Dans ce cas, vos maîtres vous puniront toujours, lorsqu’ils en seront instruits.

4. Rendez-leur tous les petits services d’obligeance qu’ils réclameront de vous ; ne les accusez point de votre propre mouvement d’une faute qu’ils pourraient avoir commise ; si l’un d’eux vous accuse injustement, défendez-vous sans aigreur et ne gardez contre lui aucun ressentiment.

5. Soyez même avec vos camarades ou vos compagnons, prévenant et poli ; que votre humeur soit toujours égale ; évitez les querelles, et mettez la plus
grande attention à entretenir la bonne intelligence parmi ceux dont vous ferez habituellement votre société.

6. Soyez indulgent pour les autres, et très sévère pour vous-même. Rappelez-vous sans cesse que nous voyons souvent une paille dans l’œil de notre voisin, alors que, sans nous en douter, nous avons une poutre sur le dos.

7. On penserait bien mal de vous, si vous paraissiez témoigner quelque satisfaction, lorsqu’on réprimandera, ou lorsqu’on punira l’un de vos camarades, ce serait d’ailleurs pécher contre la charité chrétienne.

8. Je ne dirai rien concernant la manière dont vous devez apprendre à lire, à écrire et toutes les autres choses qui doivent compléter votre éducation. Vos maîtres peuvent seuls juger de la méthode à suivre dans vos divers genres d’étude, par rapport à votre âge, à vos facultés intellectuelles, à la rapidité de vos progrès et à l’étendue de vos connaissances ; votre devoir est de les écouter et de leur obéir en tout.

Des Jeux.

Lorsque vous jouerez, n’exigez point que vos camarades se conforment à votre goût pour le choix du jeu, habituez-vous de bonne heure à rendre votre société agréable aux autres.

2. Si on vous fait mal en jouant, ne vous en plaignez pas avec humeur ; celui qui en sera la cause, vous saura gré de cette réserve, et tous vos camarades vous en aimeront davantage.

3. Les jeux d’exercice et d’adresse sont préférables à ceux qui demandent de l’application et qui fatiguent.

4. Néanmoins on est quelquefois obligé, soit à cause du mauvais temps, de la rigueur de la saison, ou par complaisance, de jouer à d’autres jeux ; mais il ne faut jamais consentir à jouer à ceux de hasard.

5. En jouant, ne vous montrez point avide de gain, ou trop sensible à la perte ; sachez gagner avec noblesse et perdre avec grâce : le jeu n’est pas fait pour y gagner de l’argent, mais pour se délasser de l’étude ou du travail. Si vous êtes heureux, ne faites point le fanfaron en ayant l’air de vous moquer des autres ; si vous perdez, ne vous fâchez point et payez sans humeur.

6. Si vous jouez pour de l’argent, que ce soit toujours pour une très petite somme proportionnellement à vos facultés et à celle du moins riche de ceux avec lesquels vous vous amusez.

7. Vous mériteriez d’être réprimandé fortement, si vous consentiez à jouer par intérêt, et vous vous rendriez plus coupable encore, si vous engagiez vos camarades à jouer une somme qui ne serait pas en rapport avec ce qu’ils pourraient disposer pour ce genre d’amusement.

8. Dans les jeux d’exercice, ayez la plus grande attention à vos mouvements, afin d’éviter de faire mal à ceux qui partagent vos plaisirs.

Ce qu’il faut faire et ce qu’il faut éviter lorsqu’on est en société chez soi, ou chez les autres.

Lorsque vous vous présentez à la porte d’un appartement, si elle est fermée, frappez doucement et attendez qu’on vous ait répondu de l’intérieur, avant de l’ouvrir. Quand vous serez entré, fermez la porte sur vous, si vous n’aviez pas cette attention, il faudrait qu’on l’eût pour vous, et vous donneriez une très mauvaise idée de votre éducation. N’ouvrez et ne fermez jamais une porte avec bruit, surtout s’il y a dans la chambre des personnes au-dessus de vous.

2. Quelque part et dans quelque occasion que vous vous trouviez, évitez avec le plus grand soin de vous
rendre ridicule, par des cérémonies multipliées hors de propos.

3. Si une personne qui vous est supérieure, passe près de vous, il faut vous retirer un peu pour lui faire place, si c’est à l’entrée d’une porte, arrêtez-vous pour la laisser passer la première, si vous vous trouvez sur un escalier, arrêtez-vous et cédez-lui le côté de la muraille.

4. Il ne faut jamais en société garder le chapeau sur la tête, ni passer devant une personne sans se tourner de son côté et lui faire une inclination. La civilité veut aussi qu’on ôte son gant pour présenter ou recevoir quelque chose et qu’on écoute en silence, sans se tourner à droite ou à gauche, ceux qui nous adressent la parole.

5. Un enfant ne doit jamais se permettre de présenter familièrement la main à une personne à qui il doit des égards ; il ne faut pas non plus qu’il donne ou qu’il reçoive quelque chose en passant la main devant ceux qui sont au-dessus de lui.

6. Quand vous entrez quelque part, vous devez d’abord saluer ; ensuite, quand les personnes de la compagnie se seront assises, vous devez en faire autant ; il ne convient pas de rester debout quand les autres sont assis, ou assis quand les autres sont debout.

7. Lorsque vous serez assis, ne vous étendez point sur votre siège, ne croisez pas les jambes, ne vous balancez pas ; mais tenez-vous droit les pieds posés à terre. Dans les visites, un garçon doit tenir son chapeau sur les genoux, sans en faire paraître l’intérieur ; une fille tient l’objet qu’elle porte également sur les genoux, ou bien elle met ses mains l’une sur l’autre.

8. Ne vous rendez pas incommode aux personnes de la compagnie, soit en courant ou tournant autour d’elles, en les approchant de trop près, en les regardant fixement, ou en vous appuyant sur leur chaise ou leur fauteuil.

9. Il n’appartient qu’aux enfants grossiers de pousser quelqu’un pour passer plus vite, de s’appuyer sur une personne, de lui faire sentir son haleine, de passer devant sa figure une lumière ou un objet quelconque, pour le donner à une autre personne.

10. Si vous remarquez quelque chose de malpropre, au lieu de le montrer aux autres, mettez tous vos soins à empêcher qu’ils l’aperçoivent. Ayez un soin pareil à éloigner du nez de ceux avec lesquels vous vous trouvez, tout ce qui aurait une odeur désagréable. Vous devez, par cette raison, éviter de souffler une chandelle devant quelqu’un, et ne jamais offrir à flairer quelque chose qui aurait une mauvaise odeur.

11. Il est extrêmement impoli, de tirer à l’improviste le mouchoir d’une personne qui se mouche, de retirer la chaise de quelqu’un qui est près de s’asseoir, pour le faire tomber ; de sortir (en badinant) de la poche de ceux qui sont auprès de soi, ou des papiers ou telle autre chose qui s’y trouverait. Dans quelque circonstance que ce soit, on ne doit point faire de niches ou d’espiègleries qui puissent faire mal ou faire peur à quelqu’un.

12. Si vous vous trouvez avec plusieurs enfants, dans la même pièce où sont réunis des personnes plus âgées qui causent entre elles, ayez attention de parler bas, et de vous amuser sans faire de bruit.

13. C’est grandement manquer d’éducation que de chercher à savoir ce que l’on nous cache ; de fixer les yeux sur l’adresse d’une lettre ; sur ce que l’on écrit, sur un livre ou un papier ouvert qui n’est pas à nous.

14. Si vous ramassez un écrit, ne le lisez pas, mais remettez-le, sans le regarder, sur la table, ou à la personne qui l’a laissé tomber. Si on jette une lettre ou quelqu’autre chose dans le feu, vous ne devez pas vous permettre de l’en retirer.

15. Il est de plus grande impolitesse, lorsqu’on est
hors de chez soi, d’ouvrir une armoire, une boîte, un tiroir, ou quelqu’autre meuble, pour voir ce qu’il renferme, un enfant bien élevé ne doit pas non plus ouvrir un livre sans en avoir demandé la permission ; il doit encore moins se permettre de cueillir des fruits ou des fleurs, dans le jardin des personnes auxquelles il va rendre visite ; en un mot, il ne doit toucher à rien.

Il est contre la bienséance de se gratter, ou de toucher à ses cheveux pour les boucler ou les arranger devant quelqu’un.

16. Rien n’est plus malpropre que de se fourrer les doigts dans le nez.

17. On doit se moucher aussi souvent que le besoin s’en fait sentir, et le faire avec toutes les précautions nécessaires, pour que ceux devant qui nous nous trouvons, n’aient pas lieu d’en être dégoutés. Il est ridicule de se moucher fort, ou d’imiter la trompette avec son nez, il est très incivil de renifler.

18. Lorsqu’on éternue il faut mettre la main ou un mouchoir devant la figure, afin d’éviter que la salive ne saute sur les personnes de la société ou sur nos habits. Il faut éviter aussi d’éternuer fort, comme le font ordinairement les gens qui n’ont reçu aucune éducation.

19. Si quelqu’un éternue en votre présence, gardez-vous bien de lui dire : Dieu vous bénisse, ou quelque chose de semblable, il suffit de faire une légère inclination en regardant modestement la personne.

20. Ne crachez point à terre, par la fenêtre, ou dans le feu, mais crachez dans votre mouchoir que vous n’ouvrirez pas ensuite pour regarder dedans. Un enfant bien élevé doit s’appliquer à cracher le moins fréquemment possible ; il est prouvé qu’on crache plus souvent par habitude que par besoin.

21. Ne rongez pas vos ongles par défaut de contenance, évitez de parler d’objets malpropres ; de vous servir de termes dégoûtants et grossiers.

22. Ne nettoyez point vos dents, ne coupez point vos ongles, ne vous lavez pas les pieds ou les mains, et abstenez-vous de réparer le désordre de votre toilette devant qui que ce soit.

23. Si vos mains sont malpropres, gardez-vous bien de les porter sur la figure, les mains ou les vêtements de quelqu’un ; outre que vous commettriez une grande impolitesse, vous indisposeriez encore la personne contre vous, en tachant ou salissant ses habits, ou une partie d’elle-même.

24. Il est des personnes mal élevées, qui rentrent dans le lieu où une compagnie se trouve rassemblée, en rajustant leurs habits, qu’ils ont dû déranger pour satisfaire à quelque besoin ; il ne faut pas les imiter, car rien n’est plus déplacé.

25. Gardez-vous bien de bâiller, de fredonner un air entre vos dents, et encore moins de siffler. Si, par indisposition, quelquefois même par imitation, vous ne pouvez vous abstenir de bâiller, mettez la main ou votre mouchoir devant la bouche, et faites en sorte que personne ne s’en aperçoive.

26. Il est encore très déplacé de s’endormir au milieu d’une société, ou de s’étendre les jambes et le corps ; car on laisse supposer que l’on ne s’amuse pas. Dans ce cas notre présence devient tellement insupportable aux autres, qu’il serait préférable que nous quittassions la compagnie.

27. Ne riez jamais aux éclats, en frappant du pied, ou en faisant des contorsions, ne ridez point votre front, ne regardez pas fixement une chose d’un air égaré, ne donnez point en un mot à votre figure une expression ridicule, ou contraire à ce qui vous anime dans le moment.

28. Évitez de porter sur qui que ce soit un regard dédaigneux ou méchant : un regard dédaigneux est condamnable chez les personnes de toutes les classes :
le regard sévère n’appartient qu’au supérieur qui réprimande un inférieur.

29. Ne vous approchez pas trop près du feu, et n’y touchez jamais, à moins que vous n’en ayez reçu l’ordre. Cédez votre place à ceux qui viennent de l’air et qui ont froid. N’imitez pas l’incivilité de certaines gens, qui tournent le dos au feu en retroussant leurs habits ; non-seulement ils manquent aux égards qu’ils doivent à la société, mais ils la privent de la chaleur du feu qui est allumé pour le besoin de tous.

30. La bienséance ne permet point de quitter la chaussure, pour se chauffer les pieds, surtout s’il existe dans la société où nous nous trouvons, des personnes auxquelles nous devons des égards ou du respect.

31. Ne mettez jamais dans la bouche, autre chose que ce que vous devez boire ou manger : cette action est contre la bienséance, et elle expose à plus d’un danger. Il arrive souvent qu’on avale des objets nuisibles mis dans la bouche, tels que des clous, de l’argent, des épingles ou des aiguilles, et qu’on devient victime de cette imprudence.

Ce qu’il faut qu’un Enfant observe par rapport à la conversation.

Ne parlez pas, à moins qu’on ne vous interroge, et commencez toujours par dire : Monsieur, Madame ou Mademoiselle, selon la personne à qui vous répondrez. Rien n’est plus impoli que de dire crûment : papa va venir ; mon frère est-il ici ? il convient de dire : Madame, papa va venir ; Mademoiselle, mon frère est-il ici ?

2. N’ayez jamais l’air ennuyé, donnez toute votre attention aux personnes avec lesquelles vous vous
trouvez ; parlez toujours poliment et avec circonspection, ne restez point assis, lorsqu’une personne s’approche pour vous parler.

3. Gardez-vous bien de joindre l’une des qualifications Monsieur, Madame, Mademoiselle, ou autre, à quelque mot qui puisse faire équivoque. Il serait malhonnête de dire, par exemple : j’ai mangé du fromage, du cochon, Monsieur. Mon père avait une belle jument, Madame. Il était monté sur un âne, Monseigneur. Il faudrait dire, pour éviter l’équivoque : Monsieur, j’ai mangé du fromage, du cochon, etc., etc. Il suffit, comme on le voit, de changer la place du mot Monsieur, etc.

4. Il est très malhonnête d’élever la voix, principalement quand on parle à des supérieurs, il faut s’exprimer avec beaucoup de modestie, d’une voix douce et modérée. En s’adressant à la personne même, on ne doit pas la nommer ; dites par exemple : je vous remercie, Monsieur, et non pas : je vous remercie, Monsieur Firmin.

5. On ne doit pas parler à l’oreille de quelqu’un, lorsqu’on est en compagnie. Si deux personnes parlent bas, évitez d’entendre leurs conversation en vous éloignant d’elles, et en vous occupant d’un autre objet.

6. Ne vous mêlez jamais de la conversation des personnes plus âgées que vous ; ne coupez point la parole à celui qui parle ; n’affirmez point ce que dit une personne au-dessus de vous : ne parlez des absents que pour en dire du bien ; parlez de vous le moins souvent possible ; lorsque vous racontez une histoire ou un trait plaisant, ne soyez pas le premier à en rire.

7. Il est affreux de donner un démenti à quelqu’un, surtout lorsqu’on n’est pas interrogé sur l’objet dont il s’agit. Dans le cas où l’on s’en rapporterait à vous sur quelque chose dont vous auriez connaissance, que votre réponse soit telle, qu’elle ne puisse aucunement
indisposer celui contre qui la vérité vous obligerait de prononcer.

8. N’allez pas tourner quelqu’un en ridicule, dans l’intention de faire rire ou de montrer de l’esprit : on se repent très souvent d’avoir parlé, et jamais d’avoir gardé le silence. Si vous vous permettez quelques plaisanteries avec vos égaux, faites en sorte qu’elles n’aient rien de piquant.

9. Prêtez-vous avec complaisance à la plaisanterie : vous vous rendriez insupportable, si vous exigiez toujours du respect, ou des égards, ou si vous laissiez entrevoir du mécontentement, au moindre sarcasme qu’on lancerait sur vous, à la moindre chose désobligeante qu’on vous adresserait.

10. Ne parlez jamais désavantageusement d’une personne qui a quelques défauts naturels, devant une autre qui aurait les mêmes défauts. Ainsi ne parlez pas de boiteux devant un boiteux, de bossus devant un bossu, etc., etc.

11. Ne jurez jamais pour appuyer ce que vous dites. Si l’on conteste ce que vous avancez, bornez-vous à dire que vous vous étiez cru certain de ce que vous rapportiez.

12. Il est très inconvenant de rire, lorsqu’on annonce quelque chose de triste ; de faire des questions indiscrètes qui forcent les personnes à dire ce qu’elles veulent taire, ou à nous faire une réponse désobligeante ; de rapporter dans une compagnie ce qu’on a vu dans une autre : de tenir opiniâtrement à son avis plutôt que de se rendre à celui des autres ; de ramener sans cesse la conversation sur des objets désagréables à quelqu’un de la compagnie.

FIN