Petit cours d’histoire de Belgique/p08/ch3
CHAPITRE III
Marie-Thérèse (1740-1780).
1. Guerre de la succession d’Autriche. — « Sire, disait un jour le prince Eugène à Charles VI, cent mille hommes vaudraient mieux que cent mille traités pour assurer le trône à votre fille. » En effet, la mort de l’empereur fut le signal d’une invasion immédiate de tous ses États. Le roi de Prusse, Frédéric II, prit la Silésie. L’électeur de Bavière, aidé des Français, se fit couronner empereur à Francfort. Marie-Thérèse dut fuir chez les Hongrois. Elle se présenta devant la diète de Presbourg, tenant son jeune fils[1] dans ses bras : « Abandonnée de mes amis, dit-elle, persécutée par mes ennemis, attaquée par mes plus proches parents, je n’ai plus de ressources que dans votre courage et votre fidélité. C’est de vous désormais que la fille et le petit-fils de vos rois attendent leur salut ». Les magnats, attendris agitent leurs épées avec frénésie, et s’écrient : « Mourons pour notre roi, Marie-Thérèse ! » Grâce à leur dévouement, Marie-Thérèse put tenir tête aux ennemis, et, après avoir cédé la Silésie à Frédéric II, elle chassa les Français de l’Allemagne.
Mais le roi Louis XIV envahit les Pays-Bas, et le célèbre maréchal de Saxe, à la tête des Français, remporta la grande victoire de Fontenoy sur les Anglais et les Hollandais, accourus aux secours de nos provinces (1745). Ce brillant succès livra la Belgique aux Français. Toutefois, le traité d’Aix-la-Chapelle la rendit à Marie-Thérèse, en 1748.
Marie-Thérèse remplaça l’empereur Charles VI en 1740. En dépit de la Pragmatique sanction, ses États furent envahis à l’instant, et la jeune princesse ne fut sauvée que par le dévouement chevaleresque des Hongrois.
Cependant une victoire de Maurice de Saxe, à Fontenoy, sur les troupes unies d’Angleterre et de Hollande, donna la Belgique à la France, en 1745. Mais elle fit retour, à l’Autriche par la paix d’Aix-la-Chapelle, en 1748.
2. Administration de Marie-Thérèse. — Marie-Thérèse mit à la tête des Pays-Bas son beau-frère Charles de Lorraine. L’impératrice et le gouverneur se firent vénérer des Belges par une administration digne d’éloges.
1° Marie-Thérèse fixa des règles pour la gestion et le contrôle des finances provinciales et communales.
La plupart des villes avaient à cette époque des dettes énormes, provenant surtout d’une mauvaise comptabilité et des prévarications des fonctionnaires. L’impératrice obligea les villes à préparer chaque année un budget[2], à dresser des comptes[3] sincères. Une commission spéciale fut établie à Bruxelles, sous le nom de Jointe des administrations et subsides, pour contrôler la comptabilité des communes et réprimer les abus. En moins de vingt ans, ces mesures intelligentes eurent partout rétabli le bon ordre dans les finances.
2° Elle voulut supprimer la torture.
Mais nos magistrats s’y opposèrent presque unanimement : la torture leur paraissait un excellent moyen de preuve ! On y soumettait l’accusé dont la culpabilité restait douteuse, pour lui faire avouer son crime, ou bien pour provoquer la dénonciation des complices. Cette institution barbare fonctionnait encore à Anvers, en 1790.
3° Elle encouragea l’industrie, le commerce et l’agriculture, fit creuser des canaux, ouvrir des routes, etc.
4° Elle créa les collèges thérésiens pour remplacer ceux des jésuites, et elle établit une Académie impériale des sciences et des belles-lettres.
La célèbre Compagnie de Jésus avait eu pour fondateur un Espagnol, Ignace de Loyola, en 1534. Le but de celui-ci était de combattre la Réforme. Une bulle de Clément XIV supprima cette milice puissante en 1773, et Marie-Thérèse fit en conséquence expulser les jésuites des Pays-Bas.
Les membres de l’Académie impériale jouissaient du privilège de la noblesse personnelle, toutefois, peu d’hommes remarquables se produisirent sous le règne de la grande impératrice. On peut citer le célèbre musicien Grétry, les sculpteurs Godecharles et Delvaux, les peintres Geeraerts et Verhaegen, et les architectes bruxellois Montoyer et Guimard. Le prince de Ligne fut un littérateur très distingué.
Marie-Thérèse et Charles de Lorraine moururent tous deux en 1780.
À Charles de Lorraine, les Belges élevèrent de son vivant une statue à Bruxelles. À l’impératrice, ils décernèrent le titre glorieux de Mère de la patrie.