Petit Dictionnaire libéral/Texte entier/P

Ulfrand Ponthieu Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 56-60).
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P.

PATRIE. — Le pays où l’on est né, suivant l’académie ; le trône, les lois, les institutions suivant les royalistes ; le sol pour les libéraux ; la maison pour les chats.

Quelquefois, au lieu de dire : J’ai de l’emploi, je suis réformé, un libéral dit : La patrie est perdue, la partie est sauvée ; il ne faut pas prendre cela au pied de la lettre.

Le mot Patrie se prend aussi pour avancement, cordon, fortune, pension, traitement, dignités.

« Une patrie est un composé de plusieurs familles, et comme on soutient communément sa famille par amour-propre, lorsqu’on n’a pas un intérêt contraire, on soutient par le même amour-propre sa ville ou son village qu’on appelle sa patrie.

» Plus cette patrie devient grande, moins on l’aime. »

(Voltaire.)

PASSÉ. — Ce qui n’existe plus. L’empire et antérieurement la république. Pour cacher leur attachement au passé les libéraux accusent les royalistes de tenir au plus-que-passé.

PEUPLE. — Espèce difficile qui n’est jamais contente de ce qu’on fait pour elle.

C’est pour le bonheur du peuple qu’on a renversé le trône, aboli la noblesse, massacré les prêtres, inventé la république, essayé l’empire, envahi l’Espagne, attaqué la Russie, conquis l’Égypte, créé les majorats, fait et défait des rois, des princes, des ducs, doublé les impôts, décimé la population, et, peu reconnaissant de tous les sacrifices faits à sa prospérité, le peuple abandonne ses amis et donne sa démission.

PLAISANTERIE. — Le hasard fait les bonnes et les mauvaises. — Ils n’en sortiront pas, a l’air d’une mauvaise plaisanterie, et certes ce n’est pas la faute de l’orateur si les Napolitains n’en ont pas fait un bon mot.

POLICE. — Invention infernale qui, sous prétexte de maintenir l’ordre, empêche de le troubler.

POLITIQUE (la). — Assaisonnement des discussions qui n’y ont pas le moindre rapport. — Base de toutes les critiques littéraires. — La politique libérale n’admet pas l’éloge d’un écrivain royaliste.

POPULARISER. — Ancien verbe personnel qui était devenu actif dans la langue révolutionnaire. Les libéraux ont tenté de remettre sa conjugaison en vogue ; mais comme ce verbe est très-irrégulier, il ne peut pas réussir dans tous les temps.

PRÉFECTURE-PRÉFET. — Emploi qui, dit-on, est incompatible avec le libéralisme ; comme s’il était nécessaire d’aimer un gouvernement pour le servir, d’après le dialogue suivant, où on a calculé qu’un préfet de moins donnait un libéral de plus.

N… Qu’es-tu devenu depuis que tu n’es plus préfet ?

S. G… Je suis devenu libéral.

PREUVE. — Ce qui établit la vérité d’une chose, et ce qu’un journaliste libéral peut se dispenser de fournir lorsqu’il s’agit d’un fait.

PRINCIPES. — La chose du monde la plus futile et de laquelle il faille li moins s’embarrasser. — Les principes ne sont bons qu’à arrêter l’élan d’une honorable ambition, qu’à éloigner un homme de la carrière des honneurs. — C’est du moins ce que l’on doit penser en voyant le grand succès de tant d’hommes sans principes.

PRISON. — Monument élevé à la liberté, qui atteste celle dont on jouissait en 93.

PRIVILÉGE. — Vieille expression empruntée à une langue morte. — On s’en sert de temps en temps pour effrayer les ignorans qui ne la comprennent pas ; ceux qui en font usage s’amusent des frayeurs qu’elle cause. Ils savent bien qu’il est impossible de la remettre en vigueur.

PROBITÉ. — Superflu qui vous prive souvent du nécessaire. — Vertu privée qui s’oppose à l’entier développement des vertus politiques.