Persée et Andromède (RDDM)

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Persée et Andromède (RDDM)
Revue des Deux Mondes3e période, tome 69 (p. 451-453).
POÉSIE

PERSÉE ET ANDROMEDE.


I.
ANDROMÈDE AU MONSTRE.


Elle fut exposée au monstre
APOLLODORE.

Le cavalier Persée.
HÉSIODE.



La Vierge inanimée, hélas! encor vivante,
Liée, échevelée, au roc des noirs îlots,
Se lamente en tordant avec de vains sanglots
Sa chair royale où court un frisson d’épouvante.

L’océan monstrueux que la tempête évente,
Jette à ses pieds glacés l’acre bave des flots
Et partout elle voit, à travers ses cils clos,
Bâiller la gueule glauque, innombrable et mouvante.

Tel qu’un éclat de foudre en un ciel sans éclair
Tout à coup retentit un hennissement clair ;
Ses yeux s’ouvrent. L’horreur les emplit et l’extase;

Car elle a vu, d’un vol vertigineux et sûr,
Se cabrant sous le poids du fils de Zeus, Pégase
Allonger sur la mer sa grande ombre d’azur.


II.

PERSÉE ET ANDROMÈDE.



Et Persée s’envola...
HÉSIODE.



Au milieu de l’écume arrêtant son essor,
Le Cavalier vainqueur du monstre et de Méduse,
Ruisselant d’une bave horrible où le sang fuse.
Emporte entre ses bras la vierge aux cheveux d’or.

Sur l’étalon divin, frère de Chrysaor,
Qui piaffe dans la mer et hennit et refuse,
Il a posé l’amante éperdue et confuse
Qui lui rit et l’étreint et qui sanglote encor.

Il l’embrasse. La houle enveloppe leur groupe.
Elle, d’un faible effort, ramène sur la croupe
Ses beaux pieds qu’en fuyant baise un flot vagabond

Mais Pégase irrité par le fouet de la lame,
A l’appel du Héros s’enlevant d’un seul bond,
Bat le ciel ébloui de ses ailes de flamme.

III.

LE RAVISSEMENT D’ANDROMÈDE.



Athéné le plaça parmi les astres.
ARATUS.

Elle fut, dit-on, mise au nombre des étoiles.
HYGIN.



D’un vol silencieux, le grand cheval ailé
Soufflant de ses naseaux des jets d’ardente brume,
Les emporte dans un frémissement de plume,
A travers la nuit bleue et l’éther étoile.

Ils vont. L’Afrique plonge au gouffre flagellé,
Puis le désert, l’Asie et le Liban qui fume,
Et voici qu’apparaît, toute blanche d’écume,
La mer mystérieuse où vint sombrer Hellé.

Et le vent gonfle ainsi que deux immenses voiles
Les ailes qui, volant d’étoiles en étoiles.
Aux amans enivrés font un tiède berceau;

Tandis que, l’œil au ciel et s’étreignant dans l’ombre,
Ils voient, étincelant du Bélier au Verseau,
Leurs constellations poindre dans l’azur sombre.


JOSE-MARIA DE HEREDIA.