Persée
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Pierre Ribou.
PERSONNAGES

ACTEURS DU PROLOGUE la vertu.

phronime, suivant la vertu.

megathyme, autre suivant de la vertu.

troupe de suivants de la vertu.

troupe de suivantes de la vertu.

l’innocence.

les plaisirs innocents.

la fortune.

la magnificence.

l’abondance.

troupe de suivants de la fortune.

troupe de suivantes de la fortune.

ACTEURS DE LA TRAGÉDIE

persée, fils de Jupiter et de Danaé, amant d’andromède.

céphée, roi d’Ethiopie.

cassiope, reine, et épouse de céphée.

mérope, sœur de cassiope.

andromède, fille unique de Cépéhe et de cassiope.

phinée, frère de céphée, à qui andromède a été promise.

troupe de suivants de céphée.

troupes de suivants de cassiope.

troupes d’éthiopiens et d’ÉTHIOPENNES.

quadrille de jeunes hommes, choisis pour disputer les prix des jeunes junoniens.

QUADRILLE de JEUNES FILLES, choisies pour les mêmes jeux.

amphymedon, éthiopien.

corité, éthiopien.

protenor, éthiopien.

mercure.

troupe de cyclopes.

méduse, gorgone.

euryale, gorgone.

stenone, gorgone.

IDAS, un des courtisans de céphée.

troupe de matelots.

vénus.

l’amour.

troupe d’amours.

l’hyménée.

les grâces.

les jeux.


PROLOGUE

texte-de-la-didascalie Le théâtre représente un bocage.

I.

phronime et megathyme.

phronime.

la vertu veut choisir ce lieu pour sa retraite :

C’est un heureux séjour ; tout y plait à mes yeux.

megathyme. la vertu fait trouver dans les plus tristes lieux

Une félicité secr7te

phronime.

Sans la vertu, sans son secours, [5]

On n’a point de bien véritable.

Elle est toujours aimable ;

Il faut l’aimer toujours.

Megathyme.

Elle éternise la mémoire

D’un héros qui la suit. [10]

La gloire où la vertu conduit

Est la parfaite gloire.

phronime et megathyme.

Suivons partout ses pas

On ne peut la connoître

Sans aimer ses appas. [15]

Le bonheur ne peut être

Où la vertu n’est pas.

la vertu s’avance au milieu d’un troupe de suivants et de suivantes. l’innocence et les plaisirs innocents accompagnent la vertu.

phronime, megathyme et le chœur.

Ô Vertu charmante !

Votre empire est doux.

Avec vous, tout nous contente ; [20]

On n’est point heureux sans vous.

Ô Vertu charmante,

Votre empire est doux.

la vertu. Ne vous abusez point par une vaine attente :

On n’a pas aisément les prix que je présente ; [25]

Ils coûtent mille efforts ils font mille jaloux.

L’inconstante Fortune à ma nuire est constante ;

Lorsque l’on suit mes pas on s’expose à mes coups.

On trouve en son fatal courroux

Une hydre toujours renaissante. [30]

megathyme. Avec vous rien n’épouvante.

phronime. On n’est point heureux sans vous.


megathyme, phronime et le chœur. Ô Vertu charmante, etc.


la vertu. Fuyons de la grandeur la pompe embarrassante ;

La retraite a des biens dont la douceur enchante [35]

Et qui sont réservés pour nous.

Jouissons du bonheur d’une vie innocente ;

C’est le bien le plus grand de tous.

megathyme, phronime et le chœur. Ô Vertu charmante, etc.


l’innocence, les plaisirs innocents, et toute la suite de la vertu témoignent leur joie en dansant et en chantant.

phronime et megathyme. La grandeur brillante, [40]

qui fait tant de bruit,

N’a rien qui nous tente :

Le repos la fuit.

Malheureux qui la suit… !

Fortune volage, Laissez-nous en paix ! [45]

Vous ne donnez jamais

Qu’un pompeux esclavage :

Tous vos biens n’ont que de faux attraits.

Dans un doux asile

Nous bornons nos vœux : [50]

Notre sort est tranquille ;

C’est un bien qui doit nous rendre heureux.

la vertu couronne Ses amants constant :

Heureux qui lui donne [55]

Ses soins et son temps ;

Ses vœux seront contents…

Fortune volage, etc.

Le lieu champêtre que la vertu a choisi pour retraite est tout-à-coup embelli d’ornements magnifiques. On voit sortir de terre un parterre de fleurs, deux rangs de statues, des berceaux dorés et des fontaines jaillissantes.

la vertu. Qui nous fait voir ici tant de magnificence.. ?

C’est la fortune qui s’avance. [60]

On entend le bruit éclatant d’un grand nombre d’instruments. la fortune s’approche : l’abondance et la magnificence l’accompagnent, avec une suite richement parée. Tout se réjouit et tout danse autour de la fortune. Me cherchez-vous quand je vous fuis.

Fortune, je sais trop que vous m’êtes contraire.

Non, ce n’est pas un soin qui vous soit ordinaire

D’embellir les lieux où je suis.

la fortune. Effaçons du passé la mémoire importune ; [65]

J’ai toujours contre vous vainement combattu :

Un auguste héros ordonne à la Fortune

D’être en paix avec la vertu.

la vertu. Ah ! je le reconnais sans peine ;


C’est le héros qui calme l’Univers. [70]

la fortune. Lui seul pour vous pouvait vaincre ma haine ;

Il vous révère, et je le sers.

Je l’aime constamment, moi qui suis si légère.

Partout suivant ses vœux avec ardeur je cours.

Vous paraissez toujours sévère, [75]

Et vous êtes toujours

Ses plus chères amours.

la vertu. Mes biens brillent moins que les vôtres.


Vous trouverez tant de cœurs qui n’adorent que vous !

Vous les enchantez presque tous. [80]

la fortune.

Vous régnez sur un cœur qui vaut seul tous les autres.

Ah ! S’il m’eût voulu suivre, il eût tout surmonté.

Tout tremblait, tout cédait à l’ardeur qui l’anime.

C’est vous, Vertu trop magnanime ;

C’est vous qui l’avez arrêté. [85]

la vertu. Son grand cœur s’est mieux fait connaître,

Il a fait sur lui-même un effort généreux :

Il veut rendre le monde heureux.

Il préfère au bonheur d’en devenir le maître,

La gloire de montrer qu’il mérite de l’âtre. [90]

la vertu et la fortune. Sans cesse combattons à qui servira mieux

Ce héros glorieux.

la vertu, la fortune et les CHŒUR.

Les Dieux ne l’ont donné que pour le bien du monde,

Que ses travaux sont grands ! que ses destins sont beaux !

Dans une paix profonde [95]

Il trouve une source féconde

De triomphes nouveaux.

Les Dieux ne l’ont donné que pour le bien du monde.

la vertu. Que jusque dans les jeux tout nous parle de lui.

Les Dieux, qui méditaient leur plus parfait ouvrage, [100]

Autrefois dans persée en tracèrent l’image :

J’obtiendrai qu’Apollon le ranime aujourd’hui.

la vertu et la fortune. Mille nouveaux concerts doivent se faire entendre :

Tout promet au mérite un favorable sort.

Quel bien ne doit-on pas attendre [105]

De notre heureux accord ?

La suite de la vertu et le suite de la fortune se réunissent, et témoignent leur joie par leurs danses et par leurs chants.

Une SUIVANTE DE la vertu et une SUIVANTE DE la fortune, ensemble. Quel heureux jour pour nous !

Tout suit notre envie.

Quel heureux jour pour nous !

Que notre sort est doux ! [110]

la vertu voit en paix tous ceux qui l’ont suivie :

la fortune pour eux perd son fatal courroux.

Quel heureux jour pour nous, etc.

Tous nos jours seront beaux ; goûtons, goûtons la vie.

Rien ne trouble nos vœux, le ciel les comble tous. [115]

Quel heureux jour pour nous, etc.

la vertu, la fortune et les chœurs. Heureuse intelligence,

Douce et charmante paix,

Comblez notre espérance.

Douce et charmante paix, [120]

Puissiez-vous durer à jamais.


ACTE II

I


Le théâtre représente une place publique, magnifiquement ornée, et disposée pour y célébrer des jeux à l’honneur de Junon.



Scène IV

PREMIÈRE.

céphée, cassiope, mérope, suite.

céphée. Je crains que Junon ne refuse

D’apaiser sa haine pour nous ;

Je crains, malgré vos vœux,

Que l’affreuse méduse [125]

Ne revienne servir son funeste courroux.

L’Ethiopie en vain à mes lois est soumise ;

Quelle espérance m’est permise,

Si le ciel contre nous veut toujours être armé ?

Que me sert toute ma puissance ? [130]

Contre ce monstre affreux

Mon peuple est sans défense :

Qui le voit est soudain en rocher transformé ;

Et si Junon, que votre orgueil offense,

N’arrête sa vengeance, [135]

Je serai bientôt roi d’un peuple inanimé.

cassiope. Heureuse épouse, heureuse mère,

Trop vaine d’un sort glorieux,

Je n’ai pu m’empêcher d’exciter la colère

De l’épouse du Dieu de la Terre et des Cieux ! [140]

J’ai comparé ma gloire à sa gloire immortelle.

La déesse punit ma fierté Criminelle ;

Mais j’espère fléchir son courroux rigoureux ;

J’ordonne les célèbres Jeux

Qu’à l’honneur de Junon en ces lieux on prépare [145]

Mon orgueil offensa cette divinité ;

Il faut que mon respect répare

Le crime de ma vanité.

céphée. Je vais, avec persée, implorer l’assistance


Du dieu dont il tient la naissance ; [150]

Il est fils du plus grand des Dieux.

Apaisez de Junon, la colère fatale,

Ce seroit pour elle en ces lieux

Un objet odieux

Qu’un fils de sa rivale. [155]

cassiope. Par un cruel châtiment


Les Dieux vous font voir leur haine ;

On les irrite aisément,

On les apaise avec peine.

céphée. Les Dieux punissent la fierté, [160]

Ils n’est point de grandeur que le ciel irrité

N’abaisse quand il veut, et ne réduisent en poudre,

Mais un prompt repentir

Peut arrêter la foudre

Toute prête à partir. [165]

mérope.

Puissions nous désarmer le ciel qui nous menace.

céphée, cassiope et mérope.

Ô Dieux ! qui punissez l’audace !

Dieux ! redoutables ennemis !

Pardonnez à des cœurs soumis.

Céphée sort.



Scène IV

II.

cassiope, mérope.

cassiope.

Aimé et destiné pour épouser ma fille, [170]

Vous savez mes desseins pour vous,

Ma sœur ; par votre hymen, il m’aurait été doux

D’unir persée à ma famille ;

Mais je le veux en vain, l’amour n’y consent pas :

Aux yeux de ce héros, ma fille a trop d’appas. [175]

mérope. Le fils de Jupiter l’adore ;

Croyez-vous que je sois encore à m’en apercevoir ?

J’y prends trop d’intérêt pour ne le pas savoir.

Je goûtais une paix heureuse

Avant que ce héros parût dans cette Cour ; [180]

Par une espérance trompeuse,

Allait-il me livrer au pouvoir de l’amour ?

cassiope.

Sachez bien la faiblesse où votre cœur s’engage.

mérope.

Mon vainqueur encore aujourd’hui

Ignore de mon cœur le funeste esclavage : [185]

Je mourrai de honte et de rage

Si l’ingrat connoissait l’amour que j’ai pour lui.

cassiope. De chagrin et de colère,


Votre cœur est déchiré ;

Vous perdez l’espoir de plaire ; [190]

Peut-on trop se défaire

D’un amour désespéré.

Appelez le dépit ; que votre amour lui cède ;

Sortez par son secours, d’un tourment si fatal.

mérope. Le triste secours qu’un remède [195]

Plus cruel encore que le mal !

Cassiope.

Pour prendre soin des Jeux, il faut que je vous quitte.

Par mes conseils votre douleur s’irrite.

cassiope et mérope.

Le temps seul peut guérir

Les maux que l’amour fait souffrir. [200]

Cassiope sort.


Scène IV

III.

mérope.

Ah ! Je garderai bien mon cœur,

Si je puis le reprendre.

Venez, juste dépit, venez, c’est trop attendre ;

Brisez des fers pleins de rigueur,

Hâtez-vous de me rendre [205]

De mon premier repos la charmante douceur,

Ah ! je garderai bien mon cœur,

Si je puis le reprendre,

Hélas ! Mon cœur soupire, et ce soupir trop tendre

Va, malgré mon dépit, rappeler ma langueur ! [210]

l’amour est toujours mon vainqueur,

Et je veux en vain m’en défendre,

Ah ! J’ai trop engagé mon cœur ;

Je ne puis le reprendre…

andromède vient voir les jeux, [215]

phinée avec elle s’avance ;

L’espoir de leur hymen flatte encore mes vœux

Et c’est ma dernière espérance.


Scène IV

IV.

andromède, phinée, mérope.

andromède et phinée.

Croyez-moi, croyez-moi,

andromède.

Cessez de craindre. [220]

phinée.

Cessez de feindre.

andromède.

Je veux vous aimer, je le dois.

phinée.

Vous ne m’aimez pas, je le vois.

andromède.

Cessez de craindre.

phinée.

Cessez de feindre. [225]

andromède et phinée.

Croyez-moi, croyez-moi.

mérope.

Vous êtes tous deux aimables,

Et vous vous aimez tous deux ;

Quels différents sont capables

De rompre de si beaux nœuds ? [230]

Que ne souffriront point les amants misérables

Si l’amour a des maux pour les amants heureux ?

andromède.

Sans raison son chagrin éclate.

phinée.

Perdrai-je sans chagrin mon espoir le plus doux ?

Condamnez une ingrate. [235]

andromède.

Condamnez un amant jaloux.

phinée.

persée a su lui plaire, et d’une vaine excuse

Elle veut éblouir mon amour outragé.

Elle m’aimait… Non, je m’abuse,

Non, puisqu’elle a si tôt changé, [240]

Jamais son cœur pour moi ne fut bien engagé.

andromède.

Le devoir sur mon cœur vous donne un juste empire.

Vous ne devez pas craindre un changement fatal.

Un amant assuré d’un bonheur qu’il désire,

Peut-il être jaloux d’un malheureux rival ? [245]

phinée.

Non, je ne puis souffrir qu’il partage une chaîne

Dont le poids me parait charmant.

Quand vous l’accableriez du plus cruel tourment,

Je serais jaloux de sa peine.

Mais il ne fait point voir le dépit éclatant. [250]

S’il est si malheureux, sa constance m’étonne :

l’amour que l’espoir abandonne,

Est moins tranquille et moins constant.

andromède. Quel plaisir prenez-vous à vous troubler vous-même,

Et de quoi votre amour peut-il être allarmé ? [255]

Je fuis votre rival avec un soin extrême :

Est-on accoutumé de fuir ce que l’on aime ?

phinée.

Vous suivez à regret la gloire et le devoir,

En fuyant un amant à vos yeux trop aimable ;

Vous l’avez trouvé redoutable, [260]

Puisque vous craignez de le voir.

andromède.

Tout vous fait peur, tout vous irrite ;

Vous m’apprenez à craindre un héros glorieux,

Je ne veux point voir son mérite ;

Votre importun soupçon veut-il m’ouvrir les yeux ? [265]

phinée.

Ah ! Si vous le flattiez de la moindre espérance,

Le Dieu qu’il vous fait croire auteur de sa naissance ;

Dût-il faire éclater son foudroyant courroux,

Ne le sauverait pas de mon transport jaloux.

andromède.

Juste Ciel !

phinée.

Vous tremblez ! persée a su vous plaire, [270]

Si son péril peut vous troubler.

andromède.

Le ciel n’est que trop en colère,

Et vous bravez un Dieu qui peut vous accabler.

C’est pour vous que je dois trembler.

phinée.

Ne vous servez point d’artifice. [275]

andromède.

Ne me faites point d’injustice :

Je veux vous aimer, je le dois.

phinée.

Vous ne m’aimez pas, je le vois.

andromède.

Cessez de craindre.

phinée.

Cessez de feindre. [280]

andromède et phinée.

Croyez-moi, croyez-moi.

mérope.

Il craint autant qu’il aime ;

Vous devez l’excuser.

l’amour extrême

Sert d’excuse lui-même [285]

Aux craintes qu’il a su causer.

mérope, andromède et phinée.

Ah ! Que l’amour cause d’alarmes !

Ah ! Que l’amour auroit d’attraits

S’il ne troublait jamais

La douceur de ses charmes ? [290]

Ah ! Que l’amour aurait d’attraits

Si l’ont aimait toujours en paix !

andromède.

Mon devoir est pour vous, mon devoir peut suffire

À vous faire un tranquille espoir.

Phinée.

Ne ferez-vous jamais parler que le devoir ? [295]

l’amour n’a-t-il rien à me dire ?

andromède.

les jeux vont commencer, plaçons nous pour les voir.


Scène IV

V.

cassiope, andromède, mérope, phinée, troupes de suivants de cassiope, qui portent les prix ; Quadrilles de Jeunes personnes choisies pour les jeux, Chœur de spectateurs.

cassiope.


Ô Junon ! puissante déesse

Qu’on ne peut assez révérer !

J’assemble en votre nom cette aimable jeunesse, [300]

Que le flambeau d’Hymen doit bientôt éclairer.

Chacun va montrer son adresse

Pour disputer les prix que j’ai fait préparer,

Ne gardez pas pour nous une haine implacable ;

Si l’orgueil me rendit coupable, [305]

Je reconnois mon crime et veux le réparer.

Voyez d’un regard favorable

les jeux qu’en votre honneur nous allons célébrer.

le chœur.

Laissez calmer votre colère.

Ô Junon, exaucez nos vœux ! [310]

Si nous pouvions vous plaire,

Que nous serions heureux !

On commence les jeux en disputant le prix de la danse.



Scène IV

VI.

Amphimédon, corité, Protenor, et les acteurs de la scène précédente.

AMPHIMÉDON.

Fuyons, nos vœux sont vains et Junon les refuse.

De nouveaux malheureux en rochers convertis,

Ne nous ont que trop avertis [315]

Qu’ils ont vu paraître méduse.

corité. méduse revient dans ces lieux !

PROTENOR.

Garde-nous de la voir, la Mort est dans ses yeux.

Tous ensembles, en fuyant.

Fuyons ce monstre terrible ; [320]

Sauvons-nous s’il est possible :

Sauvons-nous, hâtons nos pas ;

Fuyons un affreux trépas.


ACTE II

II


Le théâtre change, et représente les jardins du palais de céphée.



Scène IV

PREMIÈRE.

cassiope, mérope, phinée.

cassiope.

Faut-il que contre nous tout le ciel s’intéresse ?

Dieux ! ne puis-je espérer de vous fléchir jamais ? [325]

phinée.

J’ai conduit ici la princesse.

Mérope.

persée a ramené le roi dans ce palais.

Phinée.

méduse se retire, elle nous laisse en paix.

Cassiope.

Elle peut revenir, elle peut nous surprendre.

Junon s’obstine à se venger ; [330]

Contre elle aucun des dieux n’a soin de nous défendre ;

Mon seul espoir est d’engager

Jupiter à nous protéger.

Phinée.

Je vous entends ; je sais quelle est votre espérance.

persée a beau vanter sa divine naissance, [335]

Après votre promesse, après la choix du roi,

andromède doit être à moi.

Cassiope.

Le ciel punit mon crime ; il est inexorable.

J’ai besoin de secours dans un mortel effroi.

Phinée.

Ah ! si le ciel est équitable, [340]

Vous trouverait-il moins coupable

Si vous m’aviez manqué de foi ?

Mérope.

Il est aimé de ce qu’il aime ;

Vous avec approuvé ses vœux :

Briserez-vous des nœuds [345]

Que vous avez formés vous-même ?

Que le désespoir est affreux

Pour un amour extrême,

Qui s’était flatté d’être heureux !

phinée et mérope

Briserez-vous des nœuds [350]

Que vous avez formés vous-même ?


Scène IV

II.

céphée, cassiope, phinée, mérope, suite

phinée.

Seigneur, vous m’avez destiné

À l’hymen fortuné

De l’aimable andromède.

A l’amour de persée on veut que je la cède ; [355]

M’ôterez-vous un bien que vous m’avez donné ?

Céphée.

Au fils de Jupiter on peut céder sans honte.

Phinée.

Et croyez-vous aussi la fable qu’il raconte ?

Croyez-vous qu’un dieu souverain,

Qui sur tout l’univers préside, [360]

Se laisse par l’amour changer en or liquide

Pour entrer en secret dans une tour d’airain ?

Par ce prodige imaginaire,

persée est révéré du crédule vulgaire :

Il se dit fils du dieu dont le ciel suit la loi ; [365]

Mais je ne prétends pas l’en croire sur sa foi.

Céphée.

Votre incrédulité n’aura donc plus d’excuse,


Mon frère ; sa valeur va vous ouvrir les yeux.

Reconnaissez le fils du plus puissant des dieux :

Il offre de couper le tête de méduse. [370]

mérope, cassiope et phinée.

La tête de méduse ! Ô cieux !

Céphée.

Ma fille est le prix qu’il demande.

cassiope et céphée.

Quel prix peut trop payer cet effort glorieux ?

Phinée.

Le succès n’est pas sûr, souffrez que je l’attends :

Souffrez que cependant mon amour se défendre [375]

D’abandonner un bien si précieux ;

persée encor n’est pas victorieux.

Il sort.


Scène IV

III.

céphée, cassiope, mérope.

céphée.

L’espoir dans nos cœurs doit renaître…

Dieux, que Junon engage à servir son courroux,

Dieux irrités, apaisez-vous ! [380]

La vengeance du ciel n’a que trop au paraître.

Le fils de Jupiter veut combattre pour nous :

Ô ciel ! favorisez le fils de votre maître.

Il répètent tous les trois ensemble les deux derniers vers, et puis Cépéhe et cassiope s’en vont.


Scène IV

IV.

Mérope.

Hélas ! Il va périr ! Dois-je en trembler ? Pourquoi

Pour l’amant d’andromède ai-je pris tant d’effroi ? [385]

Faut-il que mon dépit s’oublie ?

Quel intérêt ai-je à sa vie ?

Il vivrait pour une autre, il est perdu pour moi…

Cependant quand je songe à son péril extrême,

Quand je le vois chercher un horrible trépas, [390]

Sans songer qu’il ne m’aime pas,

Je sens seulement que je l’aime.


Scène IV

V.

andromède, mérope.

andromède,

à part.

Infortunés, qu’un monstre affreux

A changés en rochers par ses regards terribles,

Vous ne ressentez plus vos destins rigoureux, [395]

Et vos cœurs endurcis sont pour jamais paisibles.

Hélas ! les cœurs sensibles

Sont mille fois plus malheureux.

mérope,

à part.

andromède semble interdite ;

Elle vient rêver en ces lieux : [400]

Ah ! je reconnais dans ses yeux

Le même trouble qui m’agite.

andromède,

à part.

Il ne m’aime que trop, et tout me sollicite

De l’aimer à mon tour ;

C’est du plus grand des dieux qu’il a reçu le jour. [405]

Dans nos périls mortels l’amour le précipite :

Le moyen de tenir contre tant de mérite,

Et contre tant d’amour ?

mérope,

à andromède.

Ah ! vous aimez persée ; il cause vos alarmes ;

N’en désavouez point vos larmes : [410]

Vos tendres sentiments se sont trop exprimés.

Vous l’aimez.

Andromède.

Vous l’aimez.


L’espoir de son hymen avait charmé votre âme,

Et je sais les projet que vous aviez formés : [415]

Je vois que le dépit n’éteint pas votre flamme ;

persée est en péril, et vous vous alarmez.

Vous l’aimez.

Mérope.

Vous l’aimez.


andromède et mérope.

Ah ! qu’un tendre cœur est à plaindre [420]

D’être réduit à feindre !

Quel tourment ne fait point souffrir

Un malheureux amour que l’on ne peut éteindre,

Et que l’on n’ose découvrir ?

Ah ! qu’un tendre cœur est à plaindre [425]

D’être réduit à feindre !

Mérope.

Il est vrai, le dépit veut en vain m’animer ;

Je sens que la pitié désarme ma colère.

persée est un ingrat qui ne me peut aimer ;

Il n’a pas laissé de me plaire. [430]

Il vous a trop aimée, hélas !

Comment ne l’aimeriez-vous pas ?

Andromède.

l’amour qu’il a pour moi l’engage

À chercher à se perdre avec empressement :

Ne me reprochez point ce funeste avantage ; [435]

Je le pairai bien chèrement.

Mérope.

Unissons nos regrets, le même amour nous lie

Qu’importe à qui de nous persée offre ses vœux !

Nous allons perdre toutes deux ;

Son péril nous réconcilie. [440]

andromède et mérope.

Ce héros s’expose pour nous :

Sa perte est infaillible,

Ah ! Qu’il vive, s’il est possible,

Quand il vivrait pour vous.

Andromède.

Il faut que mon amour se cache et de trahisse… [445]

Ô ciel ! Il va parti ! Il me chercher en ces lieux.

Mérope.

Je veux m’épargner le supplice

D’être témoin de vos adieux.

Elle sort.


Scène IV

VI.

persée, andromède.

persée.

Belle princesse, enfin vous souffrez ma présence.

andromède.

Seigneur, on me l’ordonne, et je suis mon devoir. [450]

persée.

Vous voullez me faire savoir


Que je ne dois ce bien qu’à votre obéissance.

N’importe, rien ne peut ébranler ma constance.

J’ai su jusqu’à ce jour vous aimer sans espoir.

Je vais avec plaisir prendre notre défense, [455]

Quand j’aurois pour récompense

Que la seule douceur que je sens à vous voir.

Andromède.

Non, ne vous flattez pas ; je peux ne vous rien taire :

Vous m’aimez vainement ; phinée a su ma plaire ;

Il est choisi pour être mon époux ; [460]

Nos deux cœurs sont unis ; quel prix espérez-vous

D’une entreprise dangereuse ?

Quand nous seriez dangereuse ?

Quand vous seriez vainqueur, votre âme est généreuse,

Et vous ne voudrez pas rompre des nœuds si doux. [465]

persée.

Je serai malheureux, désespéré, jaloux ;

Mais je mourrai content si vous vivez heureuse.

Andromède

Ô dieux !

Persée.

De mes regards vos beaux yeux sont blessés ;

Vous souffrez à me voir, mon amour vous outrage.

Je vais chercher méduse, et je vous aime assez [470]

Pour ne vous pas contraindre à souffrir davantage.

Andromède.

Quoi ! pour jamais vous me quittez !

persée, arrêtez, arrêtez.

Persée.

Qu’entends-je ? Ô cieux : belle princesse !

Que vois-je ? vous versez des pleurs ! [475]

andromède.

Ah ! par l’excès de mes douleurs

Connaissez, s’il se peut, l’excès de ma tendresse.

Voyez à quoi j’avais recours

Pour vous ôter l’ardeur qui vous fait entreprendre

Un combat funeste à vos jours. [480]

Hélas ! que l’ai-je pu me rendre

Indigne de votre secours ?

Que n’êtes-vous magnanime ?

méduse d’un regard porte un trépas certain.

Persée.

Vous pourriez être sa victime. [485]

andromède.

Tout l’effort des mortels contre elle seroit vain.

persée.

Le fils de Jupiter, lorsque l’amour l’anime,

Doit aller au delà de tout l’effort humain.

Andromède.

Par les frayeurs d’un amour tendre

Ne serez-vous point désarmé ? [490]

persée.

J’ignorais votre amour, et j’aillais vous défendre ;

Puis-je à vous secourir être moins animé,

Quand je sais que je suis aimé ?

Andromède.

Quoi ! vous partez ?


Persée.

l’amour m’appelle. [495]


andromède

Vous méprisez mes pleurs ! Mes cris sont superflus !

Persée.

Vous me verrez comblé d’une gloire immortelle.

andromède.

Hélas ! nous ne vous verrons plus !


persée et andromède.

Ah ! Le péril est extrême !


Je vois votre danger, je ne vois pas le mien.. [500]

Dieux ! sauvez ce que j’aime !

Et pour moi-même

Je ne demande rien.

Dieux ! sauvez ce que j’aime !

andromède sort.



Scène IV

VII.

mercure, sortant des enfers ; persée.

mercure.

persée, où courez-vous ? qu’allez-voud entreprendre ? [505]

persée.

Un peuple infortuné m’engage à le défendre ;

C’est à la gloire que je cours.

Si je meurs, mon trépas sera digne d’envie ;

Je laisse le soin de mes jours

Au dieu qui m’a donné la vie. [510]

mercure.

Ce dieux juste et puissant favorise vos vœux,

Et c’est par ma voix qu’il s’explique :

Il reconnait son sang à l’effort généreux

Que vous allez tenter, d’une ardeur héroïque,

Pour secourir des malheureux ; [515]

Mais ce n’est point en téméraire

Qu’il faut dans le péril précipiter vos pas.

L’assistance des dieux vous sera nécessaire :

Ils veulent vous l’offrir, ne le négligez pas.

Je viens d’apprendre à toute la nature [520]

Que Jupiter s’intéresse à vos jours :

La jalouse Junon vainement en murmure,

Et tout, jusqu’aux enfers, vous promet du secours.



Scène IV

VIII.

mercure, persée, troupe de cyclopes.

Des cyclopes viennent en dansant donner à persée, de la part de Vulcain, une épée et des talonnières ailées semblables à celles de mercure.

un des cyclopes.

C’est pour vous que Vulcain, de ses mains immortelles ;

A forgé cette épée et préparé ces ailes. [525]

Hâtez-vous de vous signaler

Par une célèbre victoire :

Chacun doit aller à la gloire ;

Mais un héros y doit voler.


Scène IV

IX.

mercure, persée, Troupe de nymphes guerrières, troupe de cyclopes.

Une des Nymphes guerrières, présente à persée, de la part de Pallas, un bouclier de diamant ; elle chante en lui faisant ce présent, et les autres nymphes guerrières dansent.

une nymphe guerrière.

Le plus vaillant guerrier s’abuse [530]

D’oser tout espérer de l’effort de son bras.

Si vous voulez vaincre méduse,

Portez le bouclier de la sage Pallas.

Que la valeur et la prudence,

Quand elles sont d’intelligence, [535]

Achevent d’exploits glorieux !

Le monstre le plus furieux

Leur fait vainement résistance.

La paix ne peut régner que par leur assistance ;

L’univers leur doit son bonheur. [540]

Rien ne peux mieux donner un immortel honneur

Que la valeur et la prudence,

Quand elles sont d’intelligence.



Scène IV

X.

mercure, persée, Troupes de divinités infernales, de cyclopes, et de nymphes guerrières.

Les divinités infernales sortent des enfers, et apportent le casque de Pluton, qu’elles présentrent à persée. Une de ces Divinités chante, et les autres dansent.

une divinité infernale.

Ce casque vous est présenté

Au nom du souverain de l’empire des Ombres. [545]

Au milieu du péril, pour votre sûreté,

Il répandra sur vous l’épaisse obscurité

Qui règne en nos demeures sombres.

Ce don mystérieux doit apprendre aux humains

Comme on peut s’assurer d’un succès favorable : [550]

Il faut cacher de grands desseins

Sous un secret impénétrable.

mercure, les chœurs des CYLCOPES, des NYMPHES GUERRIÈRES, et de DIVINITÉS INFERNALES.

Que l’enfer, la terre et les cieux,

Votre généreuse entreprise !

Que l’enfer, la terre et les cieux, [555]

Que tout l’univers favorise

Le fils du plus puissant des lieux !

Mercure.

Votre conduite à mes soins est commise.

L’impatience éclate dans vos yeux ;

La gloire qui vous est promise [560]

Ne peut plus souffrir de remise.

Suivez-moi ; partons de ces lieux.

mercure et persée s’envolent.

les chœurs. Que l’enfer, la terre et les cieux, etc.


ACTE II

III


Le théâtre change, et représente l’antre des Gorgones.



Scène IV

PREMIÈRE.

méduse, euryale, Sténone

méduse. J’ai perdu la beauté qui me rendit si vaine :

Je n’ai plus ces cheveux si beaux [565]

Dont autrefois le dieu des eaux

Sentit lier son cœur d’une si douce chaîne.

Pallas, la barbare Pallas,

Fut jalouse de mes appas,

Et me rendit affreuse autant que j’étais belle ; [570]

Mais l’excès étonnant de la difformité

Dont me punit sa cruauté,

Fera connaître, en dépit d’elle,

Quel fut l’excès de ma beauté.

Je ne puis trop montrer sa vengeance cruelle ; [575]

Ma tête est fière encor d’avoir pour ornement

Des serpents dont le sifflement

Excite une frayeur mortelle.

Je porte l’épouvante et la mort en tous lieux ;

Tout se change en rocher à mon aspect horrible : [580]

Les traits que Jupiter lance du haut des cieux

N’ont rien de si terrible

Qu’un regard de mes yeux.

Les plus grands dieux du ciel, de la terre et de l’onde,

Du soin de se venger se reposent sur moi : [585]

Si je perds la douceur d’être l’amour du monde,

J’ai le plaisir nouveau d’en devenir l’effroi.

méduse, euryale et STÉNONE.

Ô le doux emploi, pour la rage,

De causer un affreux ravage.

Heureuse la fureur [590]

Qui remplit l’univers d’horreur !

Les trois Gorgones entendent un doux concert.

Dans ce triste séjour qui peut nous faire entendre

Le doux bruit qui nous vient surprendre ?

Jamais ici mortel avec impunité

Ne porta sa vue indiscrète. [595]

Quels concerts ! quelle nouveauté !

Qui peut chercher l’horreur secrète

De notre fatale retraite… ?

C’est mercure qui vient dans cet antre écarté.



Scène IV

II.

mercure, méduse, euryale, Sténone

méduse.

Mon terrible secours vous est-il nécessaire ? [600]

De superbes mortels osent-ils vous déplairent ?

Faut-il vous en venger ? Faut-il armer contre eux

Le funeste courroux de mes serpents affreux ?

Où faut-il que ma fureur vole ?

Vous n’avez qu’à nommer l’empire malheureux [605]

Que vous voulez que je désole.

Mercure.

C’est toujours mon plus cher désir

De voir tout l’univers dans une paix profonde.

Ne vous lassez-vous point du barbare plaisir

De troubler le repos du monde ! [610]

méduse.

Puis-je causer jamais des malheurs assez grands

Au gré de la fureur qui de mon cœur s’empare ?

C’est des dieux que j’apprends

À devenir barbare.

Mercure.

Il est vrai qu’un fatal courroux [615]

A trop éclaté contre vous ;

Vous n’avez eu que trop de charmes.

Sans Pallas, sans ses rigueurs,

Vous n’auriez troublé les cœurs

Que par de douces alarmes. [620]

méduse.

Que sert-il de m’entretenir


D’un bien trop tôt passé, qui ne peut revenir ?

Je n’en ressens que trop la perte irréparable !

Ah ! quand on se trouve effroyable,

Que c’est un cruel souvenir [625]

De songer que l’on fut aimable !

Mercure.

Je ne puis, dans votre malheur,


Vous offrir qu’un sommeil paisible.

Méduse.

Avec une vive douleur


Le repos est incompatible. [630]

mercure.

Ô tranquille sommeil, que vous êtes charmant !

Que vous faites sentir un doux enchantement

Dans la plus triste solitude !

Votre divin pouvoir calme l’inquiétude

Vous savez adoucir le plus cruel tourment. [635]

Ô tranquille sommeil, que vous êtes charmant !

Aux Gogornes.

Jouissez du repos dans ce lieux solitaire.

LES TROIS CORGONES.

Non, ce n’est que pour la colère

Que nos cœurs malheureux sont faits :

Non, le repos ne peut nous plaire ; [640]

Nous y renonçons pour jamais.

Non, ce n’est que pour la colère, etc.

mercure, touchant les trois Gorgones de son caducée.

Il faut céder, il faut vous rendre

Au charme qui va vous surprendre.

LES TROIS CORGONES.

Il faut nous rendre malgré nous [645]

Au charme d’un sommeil trop doux.

Les trois Gorgones s’endorment.



Scène IV

III.

persée, mercure, les Gorgones, endormies.

mercure.

persée, approchez-vous ; méduse est endormie.

Avancez sans bruit ; surprenez

Une si terrible ennemie.

Si vous osez la voir, c’est fait de votre vie. [650]

persée.

Je suivrai les conseils que vous m’avez donnés.

mercure.

Je vous laisse au milieu d’un péril redoutable ;

Je ne puis plus rien pour vos jours ;

Cherchez votre dernier secours

Dans un courage inébranlable. [655]

persée.

Un prix qui me doit charmer

M’est offert par la Victoire :

Quel péril peut m’alarmer ?

l’amour et la gloire

S’unissent pour m’animer. [660]

mercure se retire, persée, tenant son bouclier devant ses yeux, approche de méduse ; il lui coupe la tête, et la cacha dans une écharpe pour l’emporter avec lui.



Scène IV

IV.

persée, les Gorgones.

persée.

Le monde est délivré d’un monstre si terrible ;


Le ciel s’est servi de mon bras.

euryale et STÉNONE s’éveillant au bruit de la voix de persée, et courant à l’endroit où elles l’ont entendu parler.

Tu fais périr méduse ! Ah ! Traître ! Tu mourras..

Qu’il meure d’un trépas horrible !

Les deux Gorgones veulent attaquer persée ; mais la vertu secrète du casque qu’il porte les empêche de le voir.

Mais qui peut le rendre invisible… ? [665]

méduse après sa mort trouble encor l’univers ;

C’est son sang qui produit tant de monstres divers,

Chrysaor, Pégase et plusieurs autres monstres de figure bizarre et terrible, se forment du sang de méduse. Chrysaor et Pégase volent, quelques- uns des autres monstres s’élèvent aussi dans l’air, quelques autres rampent, les autres courent, et tous cherchent

persée,

qui est caché à leurs yeux par la vertu du casque.

Monstres, cherchez votre victime ;

Vengez le sang qui vous anime,

Servez nos fureurs, armez-vous ; [670]

Vengeons méduse ; vengeons-nous.


Scène IV

V.

mercure, persée, euryale, Sténone.

mercure.

persée allez, volez où l’amour vous appelle…

Gorgones, désormais vous serez sans pouvoir :

Ce lieu n’est pas pour vous un séjour assez noir,

Venez dans la nuit éternelle. [675]

persée vole, et emporte la tête de méduse. Les monstres qui s’efforcent de la suivre tombent avec euryale et Sténone dans les enfers, où mercure les contraint de descendre.

euryale et STÉNONE.

Des gouffres profonds sont ouverts :

Ah ! Nous tombons dans les enfers.

ACTE II

IV


Le théâtre change, et représente la mer et un rivage bordé de rochers.



Scène IV

PREMIÈRE.

phinée, mérope, troupes d’éthiopiens.

TROUPE D’ÉTHIOPIENS.

Courons, courons tous admirer

Le vainqueur de méduse.

Phinée.

persée est de retour, chacun court l’honorer ; [680]

Et le bonheur public va me désespérer !

Non, non, il n’est plus temps qu’un vain espoir m’abuse.

SECONDE TROUPE D’ÉTHIOPIENS.

Courons, courons tous admirer

Le vainqueur de méduse.

mérope. Allons en secret soupirer : [685]

Non, je ne puis plus me montrer,

Triste comme je suis, interdite et confuse.

TROISIÈME TROUPE D’ÉTHIOPIENS

Courons, courons tous admirer

Le vainqueur de méduse.

Les Ethiopiens sortent.



Scène IV

II.

phinée, mérope.

phinée.

Nous ressentons mêmes douleurs, [690]

Fuyons une foule importune :

D’une plainte commune

Déplorons nos communs malheurs.

Mérope.

Que l’amour a pour moi de chagrins et d’alarmes.

Que persée à mon cœur coûte de déplaisirs ! [695]

Son départ, ses dangers m’ont fait verser des larmes,

Et son heureux retour m’arrache des soupirs.

persée est revenu, mais c’est pour andromède.

Pour m’offrir à ses yeux l’ardeur qui me possède

M’a fait empresser vainement : [700]

Il n’a rien vu que ce qu’il aime ;

Il n’a pas daigné même

S’apercevoir de mon empressement,

Et tous les soins de mon amour extrême

N’ont pas été payés d’un regard seulement. [705]

phinée.

Que le ciel pour persée est prodigue en miracles !

Qui n’eût pas cru qu’un monstre furieux

M’aurait débarrassé d’un rival odieux.

Cependant, malgré mille obstacles,

Mon rival est victorieux. [710]

Il s’est fait des routes nouvelles :

Il a volé pour hâter son retour ;

Et mercure et l’Amour

Ont pris soin à l’envi de lui prêter des ailes.

Le peuple croit lui tout devoir : [715]

On entend de son nom retentir ce rivage,

Le roi s’est empressé d’honorer son courage,

Chacun jusqu’en ces lieux l’est venu recevoir.

Qu’andromède a paru contente de la voir !

Quel triomphe pour lui ! quel charmant avantage ! [720]

Et pour moi quelle rage,

Et quel horrible désespoir !

La mer s’irrite, les flots s’élèvent et s’étendent sur le rivage.

phinée et mérope.

Les vents impétueux s’échappent de la chaîne Qui le forçait d’être en repos.

Une tempête soudaine [725]

Soulève les flots…

Mer vaste, mer profonde,

Dont les flots sont émus par les vents en courroux,

Les cœurs amoureux et jaloux

Sont plus agites que votre onde ; [730]

Les cœurs amoureux et jaloux

Sont cent fois plus troublés que vous.



Scène IV

III.

Idas, phinée, mérope, troupe d’éthiopiens.

IDAS et les ÉTHIOPIENS.

Ô ciel inexorable !

Ô malheur déplorable !

phinée et mérope,

à part.

Qui pourrait traverses ces trop heureux amants ? [735]

Aux éthiopiens.

D’où naissent vos gémissements ?

Idas.

L’implacable Junon cause notre infortune ;

Elle arme contre nous l’empire de Neptune ;

Un monstre en doit sortir, qui viendra dévorer

L’innocente andromède ; [740]

Et Thétis et ses sœurs viennent de déclarer

Qu’il n’est plus permis d’espérer

De voir finir nos maux sans ce cruel remède.

Les Tritons ont saisi la princesse à nos yeux ;

Et le pouvoir des dieux [745]

Nous a rendus tous immobiles.

C’est sur ces bords qu’au monstre on la doit exposer.

Pour son secours persée en vain veut tout oser ;

Ses efforts seront inutiles :

Il faut céder aux dieux ; il faut céder au sort [750]

Dont andromède est poursuivie.

Croyait-on voir fini une si belle vie

Par une si terrible mort ?

Les Ethiopiens se placent sur les rochers qui bordent le rivage.


IDAS et les ÉTHIOPIENS.

Ô sort inexorable !

Ô malheur déplorable ! [755]

Princesse infortunée, hélas !

Vous méritiez un sort plus favorable ;

Vous ne mériteriez pas

Un si cruel trépas…

Ô sort inexorable ! [760]

Ô malheur Déplorable !

Phinée.

Les dieux ont soin de nous venger :

Le plaisir que je sens avec peine se cache.

Mérope.

Verrez-vous sans douleur andromède en danger ?

Phinée.

Est-ce à moi que la mort l’arrache ? [765]

C’est à persée à s’affliger.

l’amour meurt dans mon cœur, la rage lui succède ;

J’aime mieux voir un monstre affreux

Dévorer l’ingrate andromède,

Les appas, les douceurs d’une amour mutuelle, [770]

Sont de mon sort fatal les plus terribles coups ;

Le fils de Jupiter eût été mon époux ;

Ah ! Que ma vie eût été belle !

Dieux ! Qui me destinez une mort si cruelle, etc.

UN TRITON.

Tremblez, superbe reine… [775]

Tremblez, mortels audacieux :

Que votre orgueil apprenne

Combien votre grandeur est vaine,

Tremblez, mortels audacieux :

Redoutez le courroux des dieux. [780]

cassiope.

Ah ! Quelle vengeance inhumaine !


Céphée.

Andromède !


Cassiope.

Ma fille !


Andromède.

Ô cieux !


Cassiope.

Que les dieux sont cruels ! Qu’ils sont ingénieux

À faire ressentir leur haine !

Céphée.

Andromède !


Cassiope.

Ma fille ! [785]


andromède.

Ô cieux ! [785]


Le monstre paraît.

céphée, cassiope et les ÉTHIOPIENS.

Le monstre approche de ces lieux,

Ah, quelle vengeance inhumaine !

Les NÉRÉIDES et les TRITONS.

Tremblez, mortels audacieux, etc. andromède. Je ne vois point persée, et je flattais ma peine

Du triste espoir de mourir à ses yeux. [790]

céphée, cassiope et les ÉTHIOPIENS.

Voyez voler ce héros glorieux.




Scène IV

IV.

cassiope, céphée, Troupe d’Ethiopiens,

placés sur les rochers.

cassiope et céphée.

Ah ! quel effroyable supplice !

Dieux, ô dieux ! quelle cruauté !

Je perds ma fille, hélas !

Le ciel propice [795]

Me la donna pour ma félicité,

Aujourd’hui le Ciel irrité

Veut qu’un monstre me la ravisse.

Ciel ! Que j’ai toujours respecté

Ne m’avez-vous longtemps conservé la clarté [800]

Que pour me faire voir cet affreux sacrifice ?

Ah ! Quel effroyable supplice !

Dieux, ô dieux ! Quelle cruauté !

C’est ma funeste vanité,

C’est mon crime, grands dieux ! [805]

Qu’il faut que l’on punisse.

Ma fille n’est pas complice,

Et vos foudres vengeurs contre elle ont éclaté !

Dieux ! Pouvez-vous vouloir qu’andromède périsse ?

Sa jeunesse ni sa beauté [810]

N’ont-elles rien qui vous fléchisse ?

la vertu, l’innocence a-t-elle mérité

Les rigueurs de votre justice ?

Céphée.

Ah ! quel effroyable supplice !

Dieux, ô dieux ! quelle cruauté ! [815]



Scène IV

V.

Thétis, andromède, cassiope, céphée, troupe de Néréides, de Tritons et d’Ethiopiens.

cassiope et céphée.

Que j’expire en mourrant un si funestre crime.

Cassiope.

Que par pitié j’obtienne une mort légitime.

Cruels ! n’attachez pas ma fille à ce rocher,

C’est moi qu’il y faut attacher !

le chœur.

Divinités des Flots, [820]

Quel courroux vous anime

Contre une innocente victime ?

cassiope et céphée.

Divinités des Flots,

Quel courroux vous anime

Contre une innocente victime ? [825]

le chœur.

C’est notre unique espoir,

Faut-il vous l’arracher ?

Nos vœux, nos pleurs, nos cris,

Rien ne vous peut toucher

cassiope et céphée.

C’est notre unique espoir, [830]

Faut-il vous l’arracher ?

Nos vœux, nos pleurs, nos cris,

Rien ne vous peut toucher

andromède.

Dieux ! Qui me destinez une mort si cruelle


Hélas ! Pourquoi flattiez-vous [835]

De l’espoir d’un destin si doux ?

Vous dont je tiens la vie

Et vous peuple fidèle,

Jouissez parmi vous d’une paix éternelle,

Je vais fléchir les dieux irrités contre vous. [840]

Et si ma mère est criminelle,

C’est moi qui dois calmer le céleste courroux !

Par le sang que j’ai reçu d’elle,

Heureuse de périr pour le salut de tous.

Un souvenir charmant qu’en mourant je rappelle. [845]

Les appas, les douceurs d’une amour maternelle

Sont de mon triste sort les plus terribles coups.

Le fils de Jupiter eut été mon époux !

Ah ! Que ma vie eut été belle !

Dieux ! Qui me destinez une mort si cruelle [850]

Hélas ! Pourquoi me flattiez-vous

De l’espoir d’un destin si doux ?

Tremblez ! Superbe Reine.

Tremblez ! Mortels audacieux !

Que votre orgueil apprenne [855]

Combien votre grandeur est vaine :

Tremblez mortels audacieux !

Redoutez le courroux de Dieux

CHŒUR DES TRITONS.

Tremblez mortels audacieux !


Redoutez le courroux de Dieux [860]

cassiope.

Ah ! Quelle vengeance inhumaine !


Céphée.

Andromède !


Cassiope.

Ma fille !


Andromède.

Ô cieux !

Cassiope.

Que les dieux sont cruels ! qu’ils sont ingénieux

À faire ressentir leur haine !

Céphée.

Andromède !


Cassiope.

Ma fille ! [865]


andromède.

Ô cieux ! [865]


Le monstre paraît.

céphée, cassiope et les ÉTHIOPIENS.

Le monstre approche de ces lieux,

Ah, quelle vengeance inhumaine !

Les NÉRÉIDES et les TRITONS.

Tremblez, mortels audacieux, etc.



Scène IV

VI.

persée, en l’air, et les acteurs acteurs de la scène précédente, sur le rivage, sur les rochers, et dans la mer.

andromède.

A s’exposer pour moi c’est en vain qu’il s’obstine.

persée

vole, et combat le monstre.

Les NÉRÉIDES et les TRITONS.

Téméraire persée, arrêtez ; respectez [870]

La vengeance divine.

céphée, cassiope et les ÉTHIOPIENS.

Magnanime héros, combattez, remportez

Le prix que l’amour vous destine.

Les NÉRÉIDES et les TRITONS.

Le fils de Jupiter brave notre courroux.

TOUS ENSEMBLE.

Le monstre expire sous ses coups. [875]

Une NÉRÉIDE et un TRITON.

Junon a vainement cherché notre assistance ;

Nous nous vantions en vain d’achever sa vengeance.

Et persée a pour lui des dieux plus forts que nous,

Les NÉRÉIDES et les TRITONS.

Descendons sous les ondes :

Notre honte se doit cacher ; [880]

Allons chercher

Des retraites profondes,

Descendons sous les ondes.

La mer s’apaise ; les flots s’abaissent et se retirent. Les Néréides et les Tritons disparaissent.


Scène IV

VII.

persée, andromède et céphée.

Les ÉTHIOPIENS répètent ces deux vers, pendant que persée délie andromède. Le monstre est mort ; persée en est vainqueur ; persée est invincible. [885]

céphée et cassiope.

Quand l’amour anime un grand cœur,

Il ne trouve rien d’impossible.

persée et ANDROMEDE.

Ah ! que votre danger me paroissoit terrible !

Les ÉTHIOPIENS. Le monstre est mort, etc.


Les Ethiopiens descendent des rochers, et témoignent leur joie en chantant et en dansant. Des matelots et des matelottes se mêlent dans la réjouissance publique. Un des éthiopiens chante au milieu des matelots qui dansent.

Un des ÉTHIOPIENS.

Notre espoir allait faire naufrage ; [890]

Nous goûtons enfin un heureux sort.

Quel bonheur d’échapper à l’orage !

Quel plaisir d’en retracer l’image,

Quand on est au port ! Céphée.

Honorons à jamais le glorieux héros [895]

Qui nous donne un heureux repos.

Sa valeur, à son gré, fait voler la victoire :

Tour-à-tour la terre et les flots

Sont le théâtre de sa gloire.

Honorons à jamais, etc. [900]

andromède, cassiope et les éthiopiens, répètent les vers que céphée a chantés et les Matelots et les Matelottes dansent en réjouissance de la délivrance d’andromède.

Un des ÉTHIOPIENS.

Que n’aimez-vous ?

Cœurs insensibles !

Que n’aimez-vous ?

Rien n’est si doux !

Non, ne vous vantez pas d’être invincibles ; [905]

Les dieux, les plus grands dieux, ont aimé tous.

le chœur.

Que n’aimez-vous, etc.

Un des ÉTHIOPIENS.

l’amour n’a plus de traits terribles


Pour un cœur qui cède à ses coups.

le chœur.

Que n’aimez-vous, etc. [910]

Un des ÉTHIOPIENS. Pour un amant

Tendre et fidèle ;

Pour un amant

Tout est charmant.

L’espoir nourrit ses feux ; sa chaîne est belle ; [915]

Il se fait un plaisir de son tourment.

le chœur. Pour un amant, etc.

Une des ÉTHIOPIENNES.

Heureux un cœur qu’amour appelle !

Malheureux, s’il tarde un moment !

le chœur.

Pour un amant, etc. [920]

ACTE II

V

Le théâtre change et représente les lieux préparés pour les noces de persée et d’andromède.



Scène IV

PREMIÈRE.

Mérope.

Ô mort ! Venez finir mon destin déplorable.

Ma rivale jouit d’un sort trop favorable,

Et je souffrirais trop, si je ne mourais pas.

Son bonheur m’a rendu le jour insupportable ;

La nuit affreuse du trépas [925]

Me paraît moins épouvantable.

Ô mort ! Venez finir mon destin déplorable.

Hélas ! Funeste mort, hélas !

Pour les cœurs fortunés vous êtes effroyable ;

Mais vos horreurs ont des appas [930]

Pour un cœur que l’amour a rendu misérable.

Ô mort ! Venez finir mon destin déplorable.


Scène IV

II.

phinée, mérope.

phinée.

Ce n’est point à des pleurs qu’il faut avoir recours.

Junon veut qu’aujourd’hui je me venge avec elle.

Iris, de son vouloir l’interprète fidèle, [935]

Vient, par son ordre exprès, de m’offrir son secours.

Mérope.

Du secours de Junon que faut-il qu’on espere ?

persée a triomphé deux fois de son courroux.

phinée. Que ne pourra point sa colere

Unie à mon transport jaloux ? [940]

Heureux qui peut goûter une douce vengeance !

C’est l’unique espérance

Des malheureux amants.

Pour servir ma fureur on s’arme en diligence.

Mon rival n’aura pas mon bien pour récompense ; [945]

S’il triomphe de moi, c’est pour peu de moments.

C’est en vain qu’andromède a trahi ma constance ;

l’amour est avec eux en vain d’intelligence ;

Je briserai ses nœuds charmants.

L’Hymen me livrera l’ingrate qui m’offense ; [950]

Elle a vu ma douleur avec indifférence :

Je veux être sensible à ses gémissements ;

Et, si je ne puis voir son cœur en ma puissance,

Je jouirai de ses tourments.

Heureux qui peut goûter une douce vengeance, etc. ! [955]

Il faut nous éloigner du peuple qui s’avance ;

Ce superbe appareil, ces riches ornements,

Tout ici de ma rage accroît la violence :

Allons hâter l’éclat de nos ressentiments.

mérope et phinée.

Heureux qui peut goûter une douce vengeance, etc. ! [960]

Ils sortent.



Scène IV

III.

céphée, cassiope, persée,

andromède, le grand-prêtre du dieu Hyménée, Suite du grand-prêtre, troupe de

courtisans de céphée,

magnifiquement parés pour assister aux noces de persée et andromède.


LE GRAND PRÊTRE.

Hymen ! Ô doux Hymen ! sois propice à nos vœux ;

Viens unir ces amants fideles,

Viens les rendre à jamais heureux.

Prends soin de conserver leurs ardeurs mutuelles,

Allume en leur faveur les plus beaux de tes feux : [965]

Que leurs cœurs soient comblés de douceurs éternelles ;

Qu’ils soient toujours contents et toujours amoureux.

Charmant hymen, que tes chaînes sont belles,

Lorsque l’amour en a formé les nœuds ! Hymen ! Ô doux Hymen ! Sois propice à nos vœux, etc. [970]

le chœur répète les trois derniers vers. Les cérémonies du mariage de persée er d’andromède que le grand- prêtre de l’hyménée et sa suite veulent commencer, sont interrompues par mérope.



Scène IV

IV.

mérope, et les acteurs de la scène précédente.

mérope.

persée, il n’est plus temps de garder le silence :

J’avais cru vouloir votre mort ;

Mais mon cœur avec vous est trop d’intelligence,

Et, prêtre à me venger, je ressens un transport

Cent fois plus pressant et plus fort [975]

Que le transport de la vengeance.

Votre rival approche, il en veut à vos jours :

Mille ennemis vous environnent.

Evitez leur fureur, servez-vous du secours

Que les dieux propices vous donnent. [980]

Volez ne trouverez plus d’autres chemins ouverts.

Persée.

Armons-nous ; punissons plus l’audace des rebelles.

Mérope.

Sauvez-vous ; profitez de mes avis fideles :

C’est à fuir seulement que vous devez songer.

Persée.

Si les dieux m’ont prêté des ailes, [985]

Ce n’est pas pour fuir le danger.



Scène IV

V.

phinée, suite de phinée, et les acteurs de la scène précédente.

phinée et sa suite.

persée, il faut périr ; meurs, et laisse Andromède

Au pouvoir d’un heureux rival !

céphée, persée et leur suite.

Perfides ! recevez le châtiment fatal

De la fureur qui vous possede ! [990]

Tous les combattants

Cédez, cédez à notre effort ;

Vous n’éviterez pas la mort.

persée, céphée et leur suite poursuivent phinée et sa suite.

cassiope et andromède.

Quelles horreurs ! quelles alarmes !


Dieux ! soyez touchés de mes larmes ! [995]

Tous les combattants

Cédez, cédez à notre effort, etc.

Les combattants s’éloignent.



Scène IV

VI.

céphée, cassiope, andromède.

céphée, à cassiope.

Le soin de vous défendre en ces lieux me rappelle.

Craignez tout d’un peuple rebelle ;

Quel sang n’ose-t-il point verser ? [1000]

Un trait, que sur persée on a voulu lancer,

A frappé votre sœur d’une atteinte mortelle.

Junon, implacable pour nous,

Anime les mutins de son fatal courroux.

Leur rage croît, leur nombre augmente : [1005]

persée en vain toujours combat avec chaleur.

Que servent les efforts qu’il tente ?

Le nombre tôt ou tard accable la valeur.


Scène IV

VII.

persée, suite de persée ; phinée, suite de phinée, et les acteurs de la scène précédente.

phinée et sa suite. Qu’il n’échappe pas, qu’il périsse,

Cet étranger audacieux [1010]

Qui prétend régner en ces lieux !

céphée, cassiope et andromède.

Ciel ! Ô ciel soyez-nous propice !

phinée et sa suite.

Qu’il n’échappe, qu’il périsse !

céphée, cassiope et andromède. Défendez-nous, ô justes dieux !

persée, à ceux de son parti.

Ne craignez rien ; fermez les yeux, [1015]

Je vais punir leur injustice.

persée pétrifie phinée et sa suite,

en leur montrant la tête de méduse.

Voyez leur funeste supplice.

céphée, cassiope et andromède.

Quel prodige ! Quel changement !

persée. La tête de méduse a fait leur châtiment…

Cessons de redouter la fortune cruelle ; [1020]

Le ciel nous promet d’heureux jours ;

vénus vient à notre secours ;

Elle amène l’amour et l’Hymen avec elle.

Le palais de vénus descend.



Scène IV

VIII.

vénus, l’amour, l’hyménée, céphée ; cassiope, andromède, les Graces,

les Amours, et les jeux, Troupe de Courtisans de céphée, Troupe

d’Ethiopiens et d’Ethiopiennes.

vénus. Mortels, vivez en paix ; vos malheurs sont finis.

Jupiter vous protège en faveur de son fils ; [1025]

À ce dieu si puissant tous les dieux veulent plaire,

Et Junon même enfin apaise sa colère.

cassiope, céphée, et vous, heureux époux,

Prenez place au ciel avec nous.

Les souverains destins ordonnent [1030]

Que des feux éclatants toujours vous environnent.

céphée, cassiope, persée, et andromède, sont élevés dans le ciel, et des étoiles brillantes les environnent.

vénus, l’amour, l’hyménée et les chœurs.

Héros victorieux, andromède est à vous ;

Votre Valeur et l’Hymen vous la donnent :

La gloire et l’amour vous couronnent ;

Fut-il jamais un triomphe plus doux ? [1035]

Héros victorieux, andromède est à vous.

Les courtisans de céphée, les Ethiopiens et les Ethiopiennes témoignent leur joie par leurs danses.

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